"Je regrette de ne pas avoir réussi à me faire comprendre dans l'émission du 1er juin et d'avoir blessé par mes propos. Mon intention était à l'opposé..." C'est avec ces premiers mots que Christine Angot a présenté ses excuses ce mardi 4 juin.
J'ai voulu rapprocher les deux crimes contre l'humanité que sont l'esclavage et la Shoah, tout en prenant soin de de spécifier la différence fondamentale de méthode dans la déshumanisation, d'un côté exterminer les personnes, de l'autre leur retirer leur humanité pour en faire des objets de commerce qu'on achète et qu'on vend. L'expression 'en bonne santé' était cependant absurde. Je suis bien consciente que de nombreux esclaves ont été tués et que le propriétaire exerçait sur eux un droit de vie et de mort. Indifférencier les souffrances infligées par ces crimes me paraît dangereux. L'indifférenciation pouvant conduire à l'indifférence. Je n'ai pas su trouver les mots. Je le regrette. Mon travail est de me faire comprendre. Je m'excuse d'y avoir échoué. Il me tenait à coeur d'éloigner la concurrence victimaire dont certains jouent.
Christine Angot, communiqué de presse, 4 juin 2019.
#Les propos de Christine Angot
Samedi 1er juin sur France 2, dans l'émission "On n'est pas couché", la chroniqueuse Christine Angot se livre à une comparaison entre la Shoah et l'esclavage, évoquant la concurrence des mémoires. Voici ce qu'elle déclare :
Le but avec les Juifs pendant la guerre, ça a bien été de les exterminer, de les tuer, et ça introduit par exemple une différence fondamentale, alors qu’on veut confondre, avec par exemple l’esclavage et l’esclavage des Noirs envoyés aux États-Unis ou ailleurs, et où c’était exactement le contraire. C’est-à-dire l’idée c’était qu’ils soient en pleine forme, en bonne santé pour pouvoir les vendre et pour qu’ils soient commercialisables. Donc non, ce n’est pas vrai que les traumatismes sont les mêmes, que les souffrances infligées aux peuples sont les mêmes.
- Christine Angot
#Colère sur les réseaux sociaux
Très rapidement, les réactions à ces propos déferlent sur les réseaux sociaux. Colère, indignation...Anonymes ou personnalités publiques condamnent les propos de Christine Angot.Les propos de #ChristineAngot sur la traite et l’esclavage sont nauséabonds. Rappelons que la loi française reconnaît ces deux tragédies comme des crimes contre l’humanité. Tout mon soutien à mes amis guadeloupéens, martiniquais, guyanais, réunionnais, haïtiens etc. #dignité
— François Durpaire (@durpaire) 3 juin 2019
#esclavage #ChristineAngot
— NoNoGri (@GrNidal) 3 juin 2019
Chers noirs, arrêtez de jouer toujours les victimes, vous étiez bien nourris par les blancs.
Jamais vous n’étiez battus, nus, violés, mal nourris, tués, exploités ..
Vous étiez heureux et en pleine forme, Angot ne ment jamais.
J’ai mal à ma 🇫🇷💔 pic.twitter.com/czfIkaqprd
Bonjour le @csaudiovisuel vous ne trouvez pas immonde ces propos diffusés sur une chaîne publique ? C’est limite si #ChristineAngot ne dit pas « l’esclavage était super pour les noirs. Ils voyageaient aux USA en All-Inclusive » https://t.co/LGZxm3fhYD
— Prince Goma (@PrincyGm) 3 juin 2019
À @CHRISTINEANGO et à adeptes de l’injure publique.Dire que les maîtres prenaient soins des esclaves noirs revient à nier que la détention d’humains est un crime contre l’humanité!L’esclavage fut un génocide!
— Claudy Siar (@Claudy_Siar) 3 juin 2019
Vidéo intégrale sur https://t.co/4CRduK6CmHhttps://t.co/iy252xy96o pic.twitter.com/3g8TM7gPdF
#900 saisines
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a précisé avoir reçu plus de 900 saisines. Parmi elles, celle de la députée de La Réunion Ericka Bareigts. 1/2 Suite aux propos choquants de #ChristineAngot affirmant que pour «l'idée de l'#esclavage des noirs»«c' était qu'ils soient en pleine forme, en bonne santé pour pouvoir les vendre», j'ai saisi ce matin le @csaudiovisuel. #ONPC ⤵https://t.co/2uAbJMxuZt
— Ericka Bareigts (@ebareigts) 3 juin 2019
2/2 Madame Angot, l'«idée de l'#esclavage des noirs» c'est plutôt que les esclaves étaient des biens meubles, que leur humanité a été niée, durant des générations. Des objets qui s'échangaient au même titre que des ânes ou des boeufs, comme ceci ⤵ pic.twitter.com/ppu2Cvd740
— Ericka Bareigts (@ebareigts) 3 juin 2019
COMMUNIQUÉ DE PRESSE:
— CREFOM (@LE_CREFOM) 4 juin 2019
Paris, Le 03 Juin 2019
Christine ANGOT ravive la « concurrence des mémoires » !
#christineAngot Cc @ruquierofficiel #ONPC pic.twitter.com/tfUER377zK
Olivier Serva, député de Guadeloupe et président de la Délégation aux Outre-mer annonce lui qu'il a adressé un courrier au procureur de la République pour lui signaler les propos de Christine Angot :
Paris, le 4 juin 2019
— Olivier SERVA Député (@olivier_serva) June 4, 2019
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
CHRISTINE ANGOT : DES PROPOS PROFONDEMENT CHOQUANTS MERITANT UNE CONDAMNATION JUDICIAIRE.
#christineAngot pic.twitter.com/ab6tDSVx1Y
#La réponse de Ruquier
Face aux très nombreuses réactions, l'animateur de l'émission, Laurent Ruquier, a posté un message sur Twitter lundi:La Shoah fut une abomination . L’esclavage en Afrique et le commerce des esclaves fût une abomination. Aucun doute. Ceux qui tentent de nous faire dire ou penser le contraire, à Christine Angot ou à moi cherchent à créer une polémique inutile .
- Laurent Ruquier sur Twitter
La Shoah fut une abomination . L’esclavage en Afrique et le commerce des esclaves fût une abomination. Aucun doute.
— Laurent Ruquier (@ruquierofficiel) 3 juin 2019
Ceux qui tentent de nous faire dire ou penser le contraire, à Christine Angot ou à moi cherchent à créer une polémique inutile .
Un message qui n'a semble-t-il pas apaisé les esprits, comme en témoigne la réaction d'Audrey Pulvar via Twitter.
Cher @LaurentRuquier chère #ChristineAngot chère @DelphineErnotte ... et si vous essayiez un « nous présentons nos excuses aux personnes que nous avons blessées. Ces propos étaient -pour le moins- inappropriés et il n’était pas dans l’intention d’ONPC de minimiser l’esclavage » ? https://t.co/SoUuuuVPJo
— Audrey PULVAR (@AudreyPulvar) 3 juin 2019
#La réponse magistrale d'une philosophe
Au delà des réactions d'indignation et de colère, un thread (suite de tweets) a été très partagé sur les réseaux sociaux. La philosophe Maryline Maeso répond à Christine Angot.Refuser la concurrence victimaire, c'est faire le contraire de ce que fait Angot. C'est rappeler la spécificité de chaque crime, mais en refusant d'élaborer une fausse hiérarchie dans l'horreur et dans la souffrance qu'elle génère. Une tragédie n'est pas un concours.
Si on ne cesse, depuis des décennies, de travailler sur le concept de "crime contre l'humanité"; si on y a intégré notamment l'esclavage, et d'autres atrocités, c'est bien parce qu'on a compris une chose qu'Angot semble avoir oublié : il y a un dénominateur commun.
Génocide et esclavage ont beau être différents, dans les deux cas, il y a une déshumanisation inacceptable, et la souffrance qui en découle est incommensurable. Que l'autre soit traité comme de la vermine ou comme une marchandise, il n'est plus un être humain. Il est nié.
Voici son message complet (cliquez sur le tweet pour dérouler son explication complète) :
Allez, pour bien commencer la semaine, parlons de crime contre l’humanité. Petit retour critique sur cette séquence d'@ONPCofficiel qui a fait beaucoup de bruit (pour changer). J'ai vu passer des tentatives de défense du propos d'Angot qui mélangeaient tout. Démêlons tout ça. https://t.co/mvHrRHhiFL
— Marylin Maeso (@MarylinMaeso) 3 juin 2019