Comores : les rebelles d'Anjouan ne désarment pas, le gouvernement leur donne jusqu'à lundi

Des soldats de l'armée comorienne postés à l'extérieur de la médina de Mutsamudu sur l'île d'Anjouan, le 19 octobre 2018.
Le gouvernement des Comores exige un retour à la normale d'ici lundi à Mutsamudu, capitale de l'île d'Anjouan, où des rebelles retranchés dans le centre ville n'ont jusqu'à présent pas donné suite à une offre d'immunité en échange d'une remise de leurs armes.
"Quelle que soit l'issue des négociations, lundi, il faut que la situation redevienne normale à Mutsamudu, que la circulation soit libre dans la ville et sur toute l'île", a déclaré à l'AFP le ministre de l'Education Mahamoud Salim Hafi, qui conduit les négociations avec les rebelles engagés depuis le début de la semaine dans des affrontements avec l'armée comorienne qui ont fait trois morts.

"Toute personne qui n'est pas concernée par cette affaire devra d'ici là avoir quitté la médina", a-t-il dit, dans l'anticipation d'une possible intervention des forces de sécurité qui ont reçu des renforts jeudi.
 

Enlisement des négociations


Un message par mégaphone à l'adresse de la population de la médina, le centre historique fait de ruelles entrelacées, est prévu dans les heures à venir. Selon le ministre, les rebelles n'avaient toujours pas déposé leurs armes samedi matin malgré l'offre faite la veille et les négociations semblaient s'enliser.

Le climat politique s'est dégradé aux Comores depuis le référendum constitutionnel du 30 juillet dernier. Ce scrutin aux allures de plébiscite (92,74% de oui) a renforcé les pouvoirs du président Azaku Assoumani, l'autorisant à accomplir deux mandats successifs au lieu d'un.

Depuis 2001, la présidence était attribuée tous les cinq ans à un représentant de l'une des trois îles du pays (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli). Il était prévu qu'Anjouan prenne la prochaine présidence. Mais le président Assoumani, ex-putschiste élu en 2016, a annoncé son intention d'organiser un scrutin présidentiel anticipé l'an prochain, ce qui lui permettrait de remettre les compteurs électoraux à zéro et de régner sur l'archipel, en cas de victoire, jusqu'en 2029.Le ministre de l'Education, en contact avec les médiateurs (notables et chefs religieux de la ville) qui négocient avec les rebelles, a paru sceptique sur une issue heureuse des pourparlers engagés vendredi.

"Ils avaient jusqu'à ce matin (samedi) pour rendre les armes, ce n'est pas fait. Maintenant ils [les médiateurs] avancent des nouveaux problèmes, ils disent ne pas savoir pas où se trouveraient exactement les rebelles, un rétablissement immédiat de la circulation, jusqu'à exiger une rencontrer le chef de l'Etat... Je sais qu'ils sont en train de jouer avec moi", a-t-il dit.

"Qu'ils déposent les armes à l'endroit qu'ils veulent, à la mairie, n'importe où, partout où ils veulent, nous irons les chercher", a-t-il poursuivi.
 

"Pas optimiste"


La nuit de vendredi à samedi a été calme. Les barrages militaires ont été renforcés et toute personne qui s'en approche est priée de s'éloigner. Le gouvernement des Comores a proposé vendredi aux rebelles retranchés dans la médina d'Anjouan l'impunité contre un désarmement.

Selon le protocole d'accord, le président Azali Assoumani est "disposé à accorder l'impunité à toute personne civile qui remettra son arme aux autorités militaires" vendredi entre 6h du matin et 18h. Le texte précise que "personne ne sera poursuivi" et que chacun "pourra partir librement vers la destination de son choix".

Les rebelles qui demandaient davantage d'assurances avaient obtenu un délai jusqu'à samedi.

L'un des trois signataires du texte, Abdallah Mohamed, secrétaire général de l'exécutif de l'île controlé par l'opposition, a été arrêté dans la nuit de vendredi, selon des proches.  

Joint au téléphone, un haut fonctionnaire qui participe dès le début aux négociations partage le même scepticisme que le représentant du gouvernement, M. Salim Hafi.

"Je ne suis pas spécialement optimiste. Ce n'est pas sûr que les négociations aboutissent, en tout cas pas dans les délais souhaités... On verra", a-t-il dit à l'AFP sous le sceau de l'anonymat.
 

Dictateur "de république bananière"


Les affrontements de cette semaine entre les rebelles et l'armée comorienne à Mutsamudu ont déjà fait trois morts, selon les autorités, et au moins six personnes ont été grièvement blessées, d'après une source hospitalière à Mutsamudu.  

Les autorités accusent le parti Juwa, de l'opposant et ancien président de l'archipel Abdallah Sambi, originaire d'Anjouan, d'être à l'origine des violences qui ont éclaté lundi quand les manifestants ont érigé des barricades et que les forces de l'ordre les ont démantelées.

Les opposants, qui accusent le président Assoumani de se comporter en dictateur "de république bananière" et de vouloir se maintenir au pouvoir, renvoient la responsabilité de la situation au gouvernement.