A Marseille où l’on compte environ 100 000 Comoriens, un urgentiste a alerté le public, dans une vidéo, sur la fragilité de cette communauté face à l’épidémie de Covid-19. Depuis, des bénévoles ont créé "Covid-19 cellule de soutien communauté comorienne".
Le 28 mars 2020, un médecin de Marseille tire la sonnette d’alarme. Selon le docteur Slim Hadiji, médecin urgentiste et généraliste dans le 13e arrondissement, la communauté comorienne de Marseille est en grave danger en raison de l’épidémie de Covid-19.
Entre temps, le 31 mars, le docteur Slim Hadiji perdait un deuxième patient comorien, une femme cette fois, âgée de 48 ans, qui laissait derrière elle trois orphelins de 9 à 14 ans. "Il était désespéré, confie à Outre-mer la 1ère Nassurdine Haidari. C’est un médecin au front, 70% de sa patientèle est d’origine comorienne. Avec le docteur on a parlé tranquillement. C’est vrai qu’il y a eu un grand mariage avant le confinement, mais il y a aussi le fait que les Comoriens - dont beaucoup continuent à travailler - prennent les transports en commun. Les plus pauvres sont les plus exposés. Il y a aussi le problème des logements dans lesquels il est difficile de s’isoler".
Après cet appel, Nassurdine Haidari et sa femme Chahidati Soilihi décident de créer une cellule d’urgence baptisée "Covid-19 cellule de soutien communauté comorienne" à laquelle le docteur Slim Hadiji participe activement en faisant des consultations bénévoles par téléphone. La cellule est joignable 24h/24 au 06.22.93.30.36.
"Il y avait un vrai besoin d’informations dans la communauté comorienne en raison de la barrière de la langue, souligne Chahidati Soilihi. Les anciens et les primo-arrivants ne maîtrisent pas bien le Français. C’est pourquoi mon mari a fait une vidéo pour inviter les Comoriens qui présentent des symptômes du Covid-19 à se rendre à l’IHU (Institut hospitalo-universitaire dirigé par le professeur Raoult) pour se faire dépister".
"Cette cellule est vraiment necessaire, ajoute Nassurdine Haidari, car la communauté comorienne reste invisible, les gens ont besoin d’exprimer leurs problèmes. Or chez nous il y a beaucoup de pudeur, de dignité et la peur de la honte. Or il ne faut pas avoir honte d’avoir le Covid-19 !"
Le couple a aussi mis en place un partenariat avec une association d’agriculteurs bio d’Aix-en-Provence Paume de terre qui livre pour les plus démunis de la communauté 25 kg de fruits et légumes frais.
Nassurdine et Chahidati passent énormément de temps à animer cette cellule composée d'une vingtaine de personnes dont une Mahoraise. Ils ont la satisfaction de voir que leur action porte ses fruits en rendant compréhensible le vocable médical. "Un homme de 70 ans nous a téléphoné, raconte Nassurdine Haidari. Il venait de passer quatre jours à l’hôpital. On lui a donné un traitement pour sa toux persistance et ses difficultés respiratoires. Il m'a dit : "Je suis allé à l'IHU mon fils, mais je n’ai rien compris. Je ne suis pas malade". Heureusement, il nous a écouté et a bien pris son traitement à base de chloroquine, une fois qu’on lui a tout expliqué dans sa langue."
Ces propos ont été immédiatement contredits par le directeur de l'ARS PACA, Philippe De Mester, pour qui "il est prématuré de pronostiquer la fin de l'épidémie" à Marseille. En attendant, la cellule de soutien Communauté comorienne ne compte pas, elle, relâcher la garde, même si la situation de la région marseillaise est loin d'être aussi critique que celle de l'Ile-de-France au regard de l'épidémie.
Nassurdine Haidari note toutefois qu'aujourd'hui, la cellule reçoit beaucoup moins d'appels concernant le Covid-19, mais plutôt des demandes d'aides alimentaires ou sociales. À propos du très controversé docteur Raoult, il n'a pas d'état d'âme : "pour nous, à Marseille, si on considère qu'on est en guerre, le meilleur général c'est Raoult". Il témoigne qu'à la Cellule de soutien "communauté comorienne", les malades qu'ils ont envoyés à l'IHU et qui ont suivi le protocole "se sont tirés d'affaire".
Le medecin dont la grande majorité des patients est originaire des Comores et de Mayotte note que depuis ses deux premiers décès dus au Covid-19, "quasiment tous ses patients sont sous hydroxychloroquine". "Je n'en ai perdu aucun", ajoute-t-il avec soulagement. Aujourd'hui, depuis son alerte par vidéo, le nombre de malades comoriens du Covid-19 hospitalisés a chuté. Le message est largement passé dans la communauté qui songe maintenant aux conséquences économiques du confinement.
Mais le médecin reste toujours aussi actif. Dès ce jeudi 16 avril, il lance avec l'association Médecins sans frontière, un laboratoire de ville et l'hôpital Nord, la création d'un centre de dépistage du Covid-19 pour les quartiers nord de Marseille. Le centre en plein air se tiendra sur le parking de la Maison régionale de santé (13 rue Raymonde Martin dans le 13e arrondissement de Marseille).
La communauté comorienne est en train de voir ses membres mourir du coronavirus. Les services de réanimation sont malheureusement remplis de patients comoriens. (…) Plus de 70% des patients enregistrés à l’hôpital nord sont comoriens ainsi qu’à l’hôpital européen et l’hôpital militaire Laveran.
Docteur Slim Hadiji
Rester chez soi
Le docteur Hadiji poursuit "mes chers amis, l’heure est vraiment grave, j’ai perdu hier mon premier patient comorien. La famille n’a pas eu le droit d’aller le voir car même après le décès cette maladie reste contagieuse. (…) Mes confrères et amis médecin font le même constat. (…) Chacun doit rester chez soi et pas de visites entre vous. (…) Ensemble disons stop aux madrassas (réunions religieuses, NDLR)…"Stigmatisation
Et le médecin dresse la longue liste des réunions sociales, amicales, religieuses auxquelles la communauté comorienne de Marseille très active ne doit plus participer. Certains dans la communauté y ont vu une stigmatisation. C’est le cas du député LREM Saïd Ahamada qui interviewé dans 20 minutes déclarait : "Peut-être que certaines personnes d’origine comorienne ne respectent pas le confinement, mais ce n’est pas la communauté comorienne dans son ensemble".Appel téléponique
Nassurdine Haidari, membre très actif de la communauté reconnaît avoir fait le même constat quand il a découvert la vidéo. Beaucoup de ses compatriotes l’avaient appelé au téléphone à ce sujet. Il a décidé à son tour de contacter ce médecin qu’il ne connaissait pas.Entre temps, le 31 mars, le docteur Slim Hadiji perdait un deuxième patient comorien, une femme cette fois, âgée de 48 ans, qui laissait derrière elle trois orphelins de 9 à 14 ans. "Il était désespéré, confie à Outre-mer la 1ère Nassurdine Haidari. C’est un médecin au front, 70% de sa patientèle est d’origine comorienne. Avec le docteur on a parlé tranquillement. C’est vrai qu’il y a eu un grand mariage avant le confinement, mais il y a aussi le fait que les Comoriens - dont beaucoup continuent à travailler - prennent les transports en commun. Les plus pauvres sont les plus exposés. Il y a aussi le problème des logements dans lesquels il est difficile de s’isoler".
Après cet appel, Nassurdine Haidari et sa femme Chahidati Soilihi décident de créer une cellule d’urgence baptisée "Covid-19 cellule de soutien communauté comorienne" à laquelle le docteur Slim Hadiji participe activement en faisant des consultations bénévoles par téléphone. La cellule est joignable 24h/24 au 06.22.93.30.36.
Une cellule ouverte
Au sein de cette cellule de crise, il y a des médecins, des infirmiers, des aides-soignants comoriens, des chefs d’entreprise, des personnalités de la communauté mais pas seulement. Le couple fondateur souhaite que la cellule soit la plus ouverte possible."Il y avait un vrai besoin d’informations dans la communauté comorienne en raison de la barrière de la langue, souligne Chahidati Soilihi. Les anciens et les primo-arrivants ne maîtrisent pas bien le Français. C’est pourquoi mon mari a fait une vidéo pour inviter les Comoriens qui présentent des symptômes du Covid-19 à se rendre à l’IHU (Institut hospitalo-universitaire dirigé par le professeur Raoult) pour se faire dépister".
Santé, social, funéraire
En peu de temps, "la cellule a fait la preuve de son utilité", ajoute Chahidati Soilihi. "En 14 jours, nous avons reçu 43 appels dont 70% relèvent de la santé. Pour le reste, il y a beaucoup de Comoriens qui sont dans des situations délicates, notamment ceux qui travaillaient en cuisine et n’étaient pas déclarés. Nous les dirigeons vers une assistante sociale. Il y a aussi ceux qui perdent des proches. Une bénévole qui connaît bien le domaine funéraire et les rites de la communauté comorienne leur vient en aide"."Cette cellule est vraiment necessaire, ajoute Nassurdine Haidari, car la communauté comorienne reste invisible, les gens ont besoin d’exprimer leurs problèmes. Or chez nous il y a beaucoup de pudeur, de dignité et la peur de la honte. Or il ne faut pas avoir honte d’avoir le Covid-19 !"
Le couple a aussi mis en place un partenariat avec une association d’agriculteurs bio d’Aix-en-Provence Paume de terre qui livre pour les plus démunis de la communauté 25 kg de fruits et légumes frais.
Organisation du Ramadan
La cellule a également créé un pôle religieux composé de trois imams. La communauté comorienne reste majoritairement pratiquante. "On va voir avec eux comment organiser le Ramadan qui démarre le 24 avril en période de confinement, explique Chahidati Soilihi. On a l’habitude de faire de grands repas en famille à la nuit tombée, là il va falloir s’adapter au changement".Nassurdine et Chahidati passent énormément de temps à animer cette cellule composée d'une vingtaine de personnes dont une Mahoraise. Ils ont la satisfaction de voir que leur action porte ses fruits en rendant compréhensible le vocable médical. "Un homme de 70 ans nous a téléphoné, raconte Nassurdine Haidari. Il venait de passer quatre jours à l’hôpital. On lui a donné un traitement pour sa toux persistance et ses difficultés respiratoires. Il m'a dit : "Je suis allé à l'IHU mon fils, mais je n’ai rien compris. Je ne suis pas malade". Heureusement, il nous a écouté et a bien pris son traitement à base de chloroquine, une fois qu’on lui a tout expliqué dans sa langue."
Polémique à Marseille
Selon le très médiatique professeur Raoult, l'épidémie de coronavirus serait "en train de disparaître progressivement" à Marseille. Pour conforter ses propos, le directeur de l’IHU (Institut universitaire-hospitalier) Méditerranée Infection avance que lors du pic, il y avait jusqu’à 368 nouveaux cas par jour et, aujourd’hui, il y a entre 60 et 80 nouveaux cas par jour.Ces propos ont été immédiatement contredits par le directeur de l'ARS PACA, Philippe De Mester, pour qui "il est prématuré de pronostiquer la fin de l'épidémie" à Marseille. En attendant, la cellule de soutien Communauté comorienne ne compte pas, elle, relâcher la garde, même si la situation de la région marseillaise est loin d'être aussi critique que celle de l'Ile-de-France au regard de l'épidémie.
Nassurdine Haidari note toutefois qu'aujourd'hui, la cellule reçoit beaucoup moins d'appels concernant le Covid-19, mais plutôt des demandes d'aides alimentaires ou sociales. À propos du très controversé docteur Raoult, il n'a pas d'état d'âme : "pour nous, à Marseille, si on considère qu'on est en guerre, le meilleur général c'est Raoult". Il témoigne qu'à la Cellule de soutien "communauté comorienne", les malades qu'ils ont envoyés à l'IHU et qui ont suivi le protocole "se sont tirés d'affaire".
Chute du nombre de Comoriens hospitalisés
Contacté par Outre-mer la 1ère, le docteur Slim Hadiji tient le même discours. Lui-même a été l'élève du professeur Raoult en qui il a toute confiance. "L'hydroxychloroquine ne guérit pas du Covid-19, explique-t-il, mais elle permet de lutter efficacement contre l'épidémie en baissant la charge virale du patient. Le malade est moins contagieux que s'il ne prenait pas ce traitement".Le medecin dont la grande majorité des patients est originaire des Comores et de Mayotte note que depuis ses deux premiers décès dus au Covid-19, "quasiment tous ses patients sont sous hydroxychloroquine". "Je n'en ai perdu aucun", ajoute-t-il avec soulagement. Aujourd'hui, depuis son alerte par vidéo, le nombre de malades comoriens du Covid-19 hospitalisés a chuté. Le message est largement passé dans la communauté qui songe maintenant aux conséquences économiques du confinement.
Mais le médecin reste toujours aussi actif. Dès ce jeudi 16 avril, il lance avec l'association Médecins sans frontière, un laboratoire de ville et l'hôpital Nord, la création d'un centre de dépistage du Covid-19 pour les quartiers nord de Marseille. Le centre en plein air se tiendra sur le parking de la Maison régionale de santé (13 rue Raymonde Martin dans le 13e arrondissement de Marseille).