Covid-19 : pourquoi la stratégie "Covid-Free" calédonienne est autant fragilisée

Le sas sanitaire mis en place par le gouvernement a montré son efficacité. Il est toutefois de plus en plus contesté aujourd'hui d’un point vue juridique mais aussi financier.

Nouveau revers pour la quatorzaine. La justice a autorisé, vendredi 9 juillet, la sortie d’un enfant non-vacciné après la septaine observée avec ses parents vaccinés contre le Covid-19. Auparavant, il fallait qu’au moins un des deux parents reste en quatorzaine, même s’il était vacciné, avec son enfant de moins de 12 ans. 

Un nouveau coin enfoncé dans le protocole sanitaire imposé par la Nouvelle-Calédonie qui se voit de plus en plus remis en cause. NC la 1ère vous explique pourquoi.

  • Parce que les procédures judiciaires sont de plus en plus nombreuses

La décision de la cour d’appel de la cour d’appel de Nouméa n’est pas la première. Au contraire, depuis le mois d’avril, les recours se sont multipliés contre la quatorzaine. Le 16 avril, deux caméramans placés en quatorzaine à la suite d'un reportage sur un porte-conteneurs saisissent la justice. Ces deux Calédoniens attaquent devant la justice l’arrêté de quatorzaine pris par le haut-commissariat et parviennent à quitter leur hôtel après treize jours, grâce à l'action en justice de leur avocat, Maître de Greslan.

D’autres actions en justice suivront, poussant le gouvernement à revoir son dispositif, en passant par exemple de la quatorzaine à la septaine pour les personnes complètement vaccinées au Pfizer ou au Moderna ou en ouvrant la septaine à des personnes ayant déjà contracté le Covid-19 et qui ont reçu une seule dose d’un de ces deux vaccins. Et ce n’est pas fini à en croire Me Martin Calmet qui compte neuf procédures sur son bureau actuellement.

Les gens prennent conscience qu’aujourd’hui, ces mesures qui étaient peut-être adaptées à un certain moment ne le sont plus.

Me Martin Calmet

 

"Quant à l’argument de dire c’est quand on aura une immunité collective que l’on va rouvrir, ce n’est pas acceptable. Parce qu'on ne peut pas contraindre les gens qui sont vaccinés à subir le fait que les autres personnes ne veulent pas se faire vacciner", poursuit-il.

Sur le plan légal, le dispositif risque en outre de ne plus tenir à partir du 30 septembre, date de la levée de l'état d'urgence sanitaire national. "On était déjà limite en ne laissant pas aux arrivants le choix du lieu de la quarantaine, mais quand l'état d'urgence sera levé, il n'y aura plus de base constitutionnelle à cette stratégie", a confié un avocat à l’AFP.

  • Parce que ce sas sanitaire coûte très cher 

Si la stratégie "Covid-free" a montré son efficacité en Nouvelle-Calédonie depuis l’an dernier, avec notamment aucune mort enregistrée sur le Caillou, elle pèse sur les finances du pays. Entre les hôtels réquisitionnés pour les quatorzaines, la nourriture fournie et les personnels mobilisés, le sas sanitaire a coûté 7 milliards de francs CFP en 2020.

La Nouvelle-Calédonie "ne pourra pas supporter très longtemps" le coût du sas sanitaire, a d’ailleurs martelé Thierry Santa, le 7 juillet, lors du dernier point presse de son gouvernement. Evalué à 700 millions de francs par mois, ce dispositif est financé jusqu’au 31 octobre. "Après, il faudra aller chercher de nouveaux financements", prévient-il. En effet, le Caillou a pu faire face jusqu’à maintenant à ces dépenses notamment grâce à un emprunt de 28,6 milliards de francs contracté auprès de l’AFD et à une nouvelle enveloppe de 10 milliards de francs fournie par la France. 

  • Parce qu’elle handicape le pays dans certains secteurs

Si la Calédonie peut se féliciter d’avoir évité jusqu’à présent une surtension de ses services de santé à cause du Covid-19, cette stratégie sanitaire commence à avoir des effets problématiques dans son offre de soin. Le président de la commission médicale d'établissement de l'hôpital territorial, Thierry de Greslan, a ainsi averti que "18 à 20% des médecins envisageaient de quitter définitivement le territoire", en raison de la fermeture des frontières qui génère des "situations personnelles compliquées".

"En cardiologie, depuis un an, nous n'avons plus que neuf médecins sur douze. Parmi eux, cinq vont partir d'ici la fin de l'année. Or, nous assurons l'ensemble des urgences cardiologiques du territoire, avec un infarctus par jour", a-t-il déclaré, jugeant la situation "alarmante". Plusieurs autres services sont menacés. Sans oublier que cette stratégie plombe les finances de l’économie locale qui doit se passer du tourisme en raison de la fermeture des frontières.

Il y a une nécessité de réouverture de la Nouvelle-Calédonie pour l’économie mais aussi pour se fournir en pièces indispensables à certaines industries.

Christopher Gygès, ancien porte-parole du gouvernement

 

Une analyse partagée par les acteurs économiques, dont l'activité pâtit de l'impossibilité de faire venir techniciens ou formateurs de l'extérieur. "On ne dit pas qu'il faut rouvrir les frontières demain, mais les autorités doivent dire dans quelles conditions elles vont rouvrir. Nous sommes au bout de l'exercice", a expliqué à l'AFP Xavier Benoist, président de la Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie.

Dans cette perspective, Thierry Santa a appelé ses concitoyens à se faire vacciner "pour que l'on puisse envisager en fin d’année, grâce à l’immunité collective, de rouvrir totalement les frontières". Reste que ce dossier est désormais entre les mains du nouvel exécutif, qui a été élu le 8 juillet.