Cyclones, montée des eaux, disparition des coraux... Face au réchauffement climatique, les Outre-mer en première ligne

Basse-Terre le mardi 9 juillet 2024 après le passage de l'ouragan Beryl
D'ici 2060, la région de Pointe-à-Pitre pourrait être submergée par les eaux un jour sur deux. Partout en Outre-mer, les cyclones seront plus violents et des villes côtières pourraient disparaître. Le constat du Réseau Action Climat, qui vient de publier un rapport sur l'impact du changement climatique sur les régions françaises, est alarmant.

"Les Ultramarins sont les plus exposés au réchauffement climatique", résume Benjamin Crettenand, chargé de sensibilisation au changement climatique pour le Réseau Action Climat. Il a coécrit le rapport que vient de publier l’association sur les conséquences du réchauffement climatique en France, région par région. "Toutes les régions de France sont déjà impactées et le seront de plus en plus, mais les Outre-mer sont les territoires les plus exposés. Ils sont vraiment en première ligne", souligne Benjamin Crettenand. Non seulement la géographie expose les Outre-mer à des phénomènes climatiques extrêmes, mais l’organisation de l’espace dans ces territoires, où les zones habitées sont concentrées sur les littoraux, accentuent les risques.

Les défis ne sont pas les mêmes partout Outre-mer, mais Réseau Action Climat met en avant trois risques climatiques que partagent la plupart des territoires ultramarins : la disparition des coraux, l’augmentation des cyclones et la montée des eaux.

Effondrement de la chaîne alimentaire et mort des coraux

Avec un réchauffement à +2°C, 99% des coraux pourraient disparaître. La Martinique et la Guadeloupe ont déjà perdu de 70 à 80 % de leurs coraux depuis les années 1980. Or des coraux qui disparaissent, c’est la chaîne alimentaire qui s’effondre. Le secteur du tourisme sera impacté, celui de la pêche aussi. "Au-delà, les coraux ont un rôle de lutte contre certains impacts du changement climatique", note Benjamin Crettenand. Les coraux limitent l’érosion en devenant du sable une fois morts et réduisent l’impact des tempêtes.

Des cyclones plus intenses et plus dévastateurs

Or les catastrophes climatiques seront de plus en plus violentes. "C’est une vraie différence avec l’Hexagone, décrypte le co-auteur du rapport. Dans l’Hexagone, on n’a pas forcément de lien direct démontré entre l’augmentation des tempêtes et le changement climatique, par contre, sur les cyclones tropicaux, on a un lien qui est fait sur l’intensification." Les cyclones ne seront pas forcément plus fréquents, mais ils seront plus intenses et plus dévastateurs.

Irma st Martin

Le Réseau Action Climat cite l’exemple d’Irma, l’ouragan qui a ravagé les Caraïbes et notamment Saint-Martin en 2017, comme étant représentatif de ce que seront les ouragans du futur. La catastrophe avait fait 136 morts, plus d’un millier de blessés, avait dégradé 95% des bâtiments et détruit une grande partie des productions agricoles. Outre les impacts directs, les auteurs notent que des catastrophes de ce type "génèrent également de véritables hémorragies démographiques : plus de 6000 habitants (soit 8% de la population actuelle de l’île) ont quitté Saint-Martin suite à l’ouragan Irma".

Des territoires vulnérables face à la montée des eaux

La hausse du niveau des mers s’accélère. "On a une forte urbanisation en littoral dans les Outre-mer. Ça amène de graves risques pour les habitations, et ça peut entraîner la disparition des îles les plus basses", alerte Benjamin Crettenand. Les îles Tuamotu, en Polynésie, pourraient être submergées d’ici la fin du siècle. À l’autre bout de la terre, le village de Miquelon, à Saint-Pierre et Miquelon, est menacé par l’avancée du trait de côte. Le déplacement du village a déjà commencé.

Le littoral de Miquelon lors d'un épisode venteux

"Les îles plus hautes ne sont pas à l’abri pour autant. La plupart d’entre elles sont montagneuses et donc principalement aménagées sur leur bande côtière, directement exposée aux submersions", précise Benjamin Crettenand. Si les scénarios pessimistes se concrétisent, la zone de Pointe-à-Pitre et de Jarry, où vivent près de la moitié des Guadeloupéens, sera submergée 180 jours par an à partir de 2060-2080.

La relocalisation des habitants pour fuir la mer qui avance sera particulièrement difficile dans les territoires montagneux, qui disposent de peu de terres propices à l’urbanisation au-delà des côtes. D'autant que déplacer les populations pourrait les exposer à d’autres risques : des glissements de terrain ou des éruptions volcaniques, par exemple.

On est sur des conséquences qui arrivent très vite. Quoi qu’il arrive, l’élévation du niveau de la mer va continuer pendant des siècles. Mais plus nos émissions seront élevées, plus le niveau de la mer va augmenter rapidement, et on n’aura pas le temps de se mettre à l’abri.

Benjamin Crettenand, chargé de sensibilisation au changement climatique pour le Réseau Action Climat

Parce que la place manque, les sols sont particulièrement artificialisés en Outre-mer : 13% en moyenne hors Guyane, contre un peu moins de 8% dans l’Hexagone. Cela rend les territoires ultramarins très vulnérables à la montée des eaux : rendus imperméables par du béton ou du goudron, les sols laissent l’eau ruisseler de plus en plus loin dans les terres.

Ne rien faire coûte cher

"Pour réduire les impacts, il va falloir des moyens pour les collectivités locales. Des moyens financiers, mais aussi humains et techniques", résume le co-auteur du rapport, qui dénonce des coupes dans les fonds alloués à la transition écologique. "Par exemple le fond vert, qui est présenté comme le principal levier de financement de la transition écologique à l’échelle locale, a été réduit. Il était annoncé à 2,5 milliards d’euros en 2024, pour 2025 on nous annonce un milliard", regrette-t-il.

Pourtant, si financer la transition coûte cher, ne rien faire coutera encore plus cher. Oxfam estime que 120 milliards d'euros ont déjà été perdus depuis 1980 à cause du réchauffement climatique. L’Ademe (l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) va dans le même sens et alerte : si on ne fait rien, on risque de perdre jusqu’à 7 points de PIB par an d’ici la fin du siècle.