La mobilisation contre le RN ne faiblit pas. Elle s’intensifie même. Les pétitions, les tribunes et les déclarations de personnalités fleurissent dans les médias à l’approche du second tour des élections législatives. Cent soixante diplomates ici, mille architectes là, des diplômés de grande école, des soignants, des enfants et petits-enfants de résistants ou encore des personnalités du sport comme Marie-José Pérec, Yannick Noah ou Marcus Thuram, premier joueur des Bleus à prendre position en déclarant : "Il faut se battre pour que le RN ne passe pas".
Des tribunes de tous horizons dont certaines sont plus inattendues comme celles des "urbanistes mobilisés" qui estiment que si l’extrême droite arrivait au pouvoir, le désastre serait d’abord social. Car le RN, écrivent-ils, "préfère l’action policière et les caméras de surveillance à une politique d’aide aux quartiers en difficulté et de développement des services publics." D’autres formes de pétitions qui circulent, sont plus incisives comme le clip "No Pasarán", dévoilé le 1ᵉʳ juillet et dans lequel une vingtaine de rappeurs dénonce la montée de l'extrême droite. Les artistes se succèdent avec des passages très virulents : "Allez niquer vos mères Marine et Bardella" ou encore "tous les jours fuck le RN".
Les historiens
La dernière tribune de cette longue série concerne cette fois un collectif de plus d’un millier d’universitaires et de chercheurs d’horizons politiques différents. Il appelle "la France à ne pas tourner le dos à son passé" et à faire battre le Rassemblement national au second tour. Une prise de position rare.
Dans cette tribune publiée ce mardi 3 juillet dans le quotidien Le Monde, les historiens rappellent que "jusqu’à ce jour l’extrême droite n’est arrivée au pouvoir que dans la tourmente d’une défaite militaire et d’une occupation étrangère, en 194O". Ils décrivent le RN comme "héritier du Front national, fondé en 1972 par des nostalgiques de Vichy et de l'Algérie française", qui "s'inscrit ainsi dans l'histoire de l'extrême droite française, façonnée par le nationalisme xénophobe et raciste, par l'antisémitisme, la violence et le mépris à l'égard de la démocratie parlementaire".
Pour Gilles Manceron, historien et spécialiste de l’histoire coloniale, la France est incontestablement à un tournant. "Nous sommes à un moment important, inédit dans l’histoire contemporaine de la France. Si on met à part l’épisode de la défaite française de 1940 qui a été saisi par une droite extrême comme une divine surprise […] Celui que nous vivons actuellement est peut-être plus grave, parce qu’il est dû à des phénomènes internes de la France".
Un mauvais signal pour les Outre-mer
Le Rassemblement national dans sa convergence vers la normalisation du parti entamée en 2011, a trouvé Outre-mer un terrain favorable sur ses thèmes de prédilection comme la vie chère, la sécurité ou encore l’immigration. "Ça ne veut pas dire qu’il y a une vraie compréhension et je ne pense pas que cette montée du RN laisse présager des choses favorables pour ces territoires", indique Gilles Maxence qui exprime sa crainte de voir changer le regard sur ces populations ultramarines si ce parti arrive au pouvoir. "Ce sont des personnes qui ont une citoyenneté française incontestable et les voir mises en danger, regardées avec suspicion, avec rejet, c'est quelque chose d’inquiétant."
« Les gens s’en foutent »
Des pétitions, des tribunes, des consignes de vote qui ne semblent pas formaliser outre mesure le RN, ni même les électeurs. Invité de RTL, le maire de Perpignan, Louis Alliot a balayé d’un revers de main ces différentes initiatives. « Je m’excuse du terme, mais les gens s’en foutent de ce que disent, soit les états-majors parisiens, soit les personnalités diverses et variées. Les gens s’en foutent, affirme-t-il.
En pleine campagne, le délégué départemental du Rassemblement national (RN) à La Réunion, Johnny Payet, s’est attiré les foudres de la quasi-totalité des élus de la région après ses propos sur l’esclavage, mais sans conséquence sur le verdict des urnes puisque le RN s’est qualifié au second tour dans la totalité des sept circonscriptions de l’île.
Interrogé par un auditeur sur Réunion La1ère sur le choix de son parti de voter contre la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité, en 2020, au Parlement européen, le patron local du RN a déclaré : "Pour moi, le passé, c’est le passé. On ne peut pas mettre la faute du passé sur les politiques d’aujourd’hui. (…) Aujourd’hui, on a fait un pas de mille ans. On ne doit plus parler d’esclavage. Je dis à mes petits-enfants que l’esclavage, c’est fini. On doit regarder devant nous. C’était une façon de vivre il y a des années et des années. Il faut le mettre sur le côté". Avant d’ajouter, "Personnellement, je ne fête pas le 20 décembre", la journée hommage à l’abolition de l’esclavage dans l’île.
Difficile d’analyser la portée des initiatives contre l’extrême-droite relayées par les médias. Ces pétitions auront-elle un effet dans les urnes ? Gilles Manceron se montre plutôt réservé. "Très sincèrement j’en doute. Je l’ai signée des deux mains, comme on dit, mais je ne suis pas persuadé que cela puisse avoir un effet tangible. On ne peut pas le savoir."