"Décadrage colonial", une expo photographique à Paris pour décoloniser les esprits

Photomontage d'Alexandre Liberman pour le magazine VU n° 311. Hors-Série "Colonisation", 1934
Jusqu’au 27 février 2023, au Centre Pompidou à Paris, l’exposition photographique "Décadrage colonial" explore les œuvres parfois inédites de l’entre-deux guerres consacrées à l’empire français d’alors. Elle témoigne aussi des résistances qui ont jalonné cette période.

Fascination pour les cultures "exotiques", fétichisation et érotisation des corps noirs et bruns, tentative de renouvellement de l’ethnographie ou d’élaborer une nouvelle image de la nation, l’art de la photographie reste encore peu étudié en contexte colonial français. En plongeant dans sa propre collection ainsi que celle de la Bibliothèque Kandinsky, le Centre Pompidou porte un regard critique et original sur cette période.

L’exposition est divisée en cinq parties, où l’on trouve des photographies mais également des vidéos de l’époque coloniale ainsi que de nombreux documents d’archives allant de livres sur la France d’Outre-mer à des ouvrages du Guyanais Léon-Gontran Damas ou à la revue Tropiques, fondée par Aimé et Suzanne Césaire, entre autres. On peut aussi entendre leurs textes, ainsi que ceux de la Martiniquaise Paulette Nardal, lu par les artistes Casey et Rocé.

Photo du Français Eli Lotar à El Jadida, Maroc (entre 1933 - 1935)


L’exposition s’ouvre avec l’Exposition coloniale de Vincennes, qui rassembla huit millions de visiteurs en 1931, dont on rappelle qu’elle fut particulièrement dénoncée par les surréalistes et les communistes. La deuxième partie nous invite à réfléchir sur le rapport entre ethnographie et photographie, dont la photographie de presse qui commence à prendre son essor avec la publication de nombreux magazines. La section suivante est orientée sur l’approche esthétique des photographes et l’objectivation des corps colonisés dans les années trente.

Née à Pointe-à-Pitre, la Guadeloupéenne Adrienne Fidelin fut la compagne du photographe américain Man Ray. Elle posera pour des revue de charme à Paris et fut la première mannequin noire à apparaître dans le prestigieux magazine de mode américain Harper’s Bazaar, en 1937, photographiée par son compagnon.


Dans son cinquième volet, "Décadrage colonial" montre comment les photographes ont pu être instrumentalisés par l’idéologie et la propagande impérialiste. A l’apogée de l’empire français, l’Exposition coloniale fait place aux Salons de la France d’Outre-mer, dont le premier est organisé en 1935. Moins basé sur le divertissement ethnographique, ces manifestations s’intéressent plus aux ressources et aux avantages économiques des territoires dominés par l’Hexagone.  

Vue de l'exposition "Décadrage colonial"


Pour finir, l’exposition s’achève avec "La vérité sur les colonies", un chapitre dédié à des photographes engagés qui ont posé un autre regard sur les régions occupées par la France. Terminée la vision bon enfant des dominés, dont on aperçoit surtout les conditions misérables. Parallèlement, on effectue un retour sur Marseille, ville multiculturelle par excellence, avec ses travailleurs et dockers venus du monde entier, notamment photographiés par le célèbre Henri Cartier-Bresson.