Zaïdou Bamana comparaissait hier à Paris pour injures publiques à l’encontre de Camille Miansoni, ex-procureur de Mayotte. Le journaliste mahorais encourt jusqu'à quatre mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende. La partie civile réclame, quant à elle, un euro symbolique.
C'est devant la 17ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris, spécialisée dans les affaires de presse, que comparaissait hier le journaliste mahorais indépendant Zaïdou Bamana pour injures publiques à l’encontre de Camille Miansoni, ex-procureur de Mayotte. Ce dernier était représenté par son avocat, Me Le Gunehec, à l'audience. Zaïdou Bamana encourt jusqu'à quatre mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende. La partie civile réclame, quant à elle, un euro symbolique.
Publication sur les réseaux sociaux
Ce qui a amené Zaïdou Bamana devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris, c’est une plainte de Camille Mansioni, ex-procureur de Mayotte aujourd’hui en poste à Brest.
La plainte fait suite à la publication sur la page facebook du journaliste indépendant en mai 2020 d’un texte intitulé "La Loi du talion contre l’impunité des criminels : Quand la justice de la République devient criminogène". Dans cet article, il revenait sur une manifestation qui avait eu lieu à Labattoir contre la délinquance et l’insécurité au printemps de l'année dernière. Zaïdou Bamana comptait d'ailleurs mettre en avant dans sa défense le contexte inquiétant dans lequel il a été amené à rédiger l’article aujourd’hui incriminé.
Selon Zaïdou Bamana, le procureur faisait à Mayotte à l'époque "’l'objet de critiques ouvertes du fait de son comportement et de ses provocations à l’égard de la population mahoraise.”
Le journaliste estime que ce procès délocalisé à Paris est abusif : "le procureur du parquet général de la Réunion voulait me conduire au tribunal pour apologie de la violence et incitation à la haine raciale -ce qui n'est pas le cas, le procureur Mansioni quant à lui me poursuit pour injure publique. Or il n’y a jamais eu injure sur ce texte qu’il juge illégal à tort." Zaïdou Bamana ajoute : “il n'y a jamais eu aucune vidéo de ma part en parole ou de texte qui injurie monsieur Mansioni.”
En réalité, ce procès est abusif parce qu’il n’y avait pas matière à me poursuivre. Ils ont profité d’une autre procédure pour m'intégrer dans cette affaire.
10 000 euros d'amende, quatre mois de prison avec sursis
Quatre mois avec sursis et 10 000 euros d’amende sont requis par la procureure en charge du dossier à Paris. De quoi satisfaire la partie civile. Maître Renaud Le Gunehec, avocat de Camille Mansioni, déclare : “l’audience a montré que tout n’était pas possible dans le débat public et que là, manifestement, des lignes avaient été franchies avec des propos qui correspondaient à la construction d’un discours raciste, visant notamment Monsieur Mansioni. C’est ce qui a été rappelé par le ministère public quand il a requis."
Plusieurs personnes à la barre
Me Le Gunehec précise néanmoins : “Monsieur Bamana n’était pas le seul prévenu à la barre c’est important de le rappeler." Cinq dossiers étaient étudiés ce mercredi 13 janvier et trois personnes sont en effet poursuivies pour propos injurieux : Zaïdou Bamana , "le directeur de publication du site qui avait repris l’article du journaliste" et la militante Qatary Lawson, très active sur les réseaux sociaux.
“A la suite de prises de parole très légitimes du procureur pour rappeler qu’on ne pouvait pas se faire justice soi-même et pour réagir à une campagne de diffamation et d’injures racistes qui le visait depuis le début du mois de mai, explique Me Le Gunehec, Monsieur Mansioni s’est exprimé avec beaucoup de légitimité et de sang froid et il a essuyé en retour des injures de Qatary Lawson et Qatary Lawson."
Me Le Guhenec ajoute : “C’étaient [des injures comme] (...) *noir évolué* et dans l’article de monsieur Bamana, une référence évidemment injurieuse, très malveillante aux origines de Monsieur Mansioni en disant en substance qu’il allait apporter à Mayotte la sauvagerie congolaise, celle qui viendrait de la Republique Démocratique du Congo."
Un euro symbolique
L’avocat du procureur Camille Mansioni s’en explique : “ce qui est recherché, c'est surtout un exemple et une sanction du fait qu’on ne peut pas mener comme cela une campagne injurieuse, et raciste de surcroît, à l’endroit d’un magistrat, d’un chef du parquet qui a tout simplement fait son travail.”
Un euro parce que c’est une condamnation tout à fait symbolique, le but n’est pas d’avoir des dommages et intérêts, le but encore une fois est de montrer qu’il y a des limites à ne pas franchir. (...) c’est un exemple et une condamnation exemplaire qu'on attend."
Selon Me Asskani Moussa, l’avocat de Zaïdou Bamana, “le délit qui a été allégué n'était pas établi matériellement parlant” : il a plaidé la relaxe. “Le tribunal peut le déclarer coupable mais encore faut-il savoir sur la base de quel fait il est déclaré coupable”, indique-t-il.
Condamné à un euro symbolique ou plus ? Relaxé ? Zaidou Bamana devrait être fixé le 3 mars, date de la mise en délibéré.
►Pour aller plus loin, regardez ce reportage d'Outre-mer la 1ère :