Ce mardi, la commission des lois de l'Assemblée nationale s'est réunie pour débattre du projet de loi constitutionnel visant à modifier le corps électoral pour les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie. Adopté au Sénat à 233 voix contre 99 le 2 avril dernier, le texte proposé début janvier par l'exécutif a également été adopté en commission des lois de l'Assemblée. "Nous avons fait la moitié du travail à l'Assemblée", s'est félicité le rapporteur, Nicolas Metzdorf, député de Nouvelle-Calédonie. Le projet de loi va poursuivre son chemin législatif en séance publique.
Si les élus Les Républicains au Sénat étaient parvenus à faire adopter quelques amendements lors des débats en commission, seuls les élus de la NUPES ont cette fois proposé des modifications du texte à la commission des lois de l'Assemblée nationale. Certains amendements demandaient tout simplement la suppression de chacun des articles du texte. Les 34 propositions ont finalement été rejetées, et le projet de loi largement adopté par la commission.
"Ça ne se négocie pas "
"Est-ce qu'on négocie le droit de vote de quelqu'un né sur le territoire ? Non, ça ne se négocie pas", a par exemple argumenté Nicolas Metzdorf, député de la Nouvelle-Calédonie et rapporteur du texte. Et le député insoumis Bastien Lachaud de rappeler le droit à l'autodétermination des peuples. Le projet de loi prévoit donc de rendre le corps électoral "glissant" : les citoyens résidant sur le territoire depuis au moins dix ans au moment des élections pourraient ainsi prendre part au scrutin. Si chaque partie s'accorde à dire que le dégel du corps électoral est nécessaire, c'est sur la méthode que les débats se sont surtout portés.
Il ne sert à rien de vouloir mettre le couteau sous la gorge. Ça ne fonctionne pas.
Davy Rimane, député de la Guyane
Les députés de la majorité et des Républicains ont tous soutenu le projet de loi mentionnant la nécessité de modifier le corps électoral. "La situation économique ne nous permet pas d’attendre plus longtemps" estime la députée MoDem Aude Luquet, dénonçant un "déni de démocratie" de la part des élus de gauche, qui ne permettraient pas "à ces personnes qui habitent depuis plus de dix ans en Nouvelle-Calédonie de pouvoir voter." Les députés de gauche ont eux demandé plus de temps pour poursuivre les discussions autour d'un "accord global" en "laissant le temps au temps". L'une de leurs revendications, rejetée : l'instauration d'une nouvelle mission du dialogue en Nouvelle-Calédonie. Pour le rapporteur du texte : "rajouter du temps au temps, c'est rajouter de l'incertitude."
Débat sur la décolonisation
"Il faut qu'il y ait un accord dans l'esprit de ce qui a été fait il y a trente ans, complète Davy Rimane, président de la délégation Outre-mer à l'Assemblée nationale, à l'issue de la commission. Et là, la majorité en place va sur une posture pyromane et dangereuse." Prônant un dégel rapide du corps électoral, le député républicain Philippe Gosselin répond : "Il va bien falloir construire le jour d’après. Ça ne veut pas dire que l’esprit de Nouméa et Matignon soit mort", termine-t-il faisant référence aux accords de Nouméa et Matignon qui faisaient passer l'avenir du Caillou par la voie référendaire.
On est allé au bout de la décolonisation en Nouvelle-Calédonie.
Nicolas Metzdorf, député calédonien
Les deux parties irréconciliables en commission se sont aussi écharpées sur l'état décolonial ou non de la Nouvelle-Calédonie. Les uns prônant un processus terminé, les autres insistant sur le fait que la décolonisation n'est pas arrivée à son terme en Nouvelle-Calédonie. "Qui est le peuple calédonien aujourd'hui ?", s'est interrogé Tematai Le Gayic, député Nupes polynésien, évoquant une logique électoraliste de la part de ceux qui soutiennent le texte "parce qu'il ne s'accorde pas dans un accord global, qui est un accord de paix et de stabilité."
Enlisement de la Nouvelle-Calédonie
"Reculer une nouvelle fois les élections, c'est enliser la Nouvelle-Calédonie, estime Nicolas Metzdorf. On a besoin de repartir sur un nouveau pan de notre histoire". Le Parlement a récemment acté le report des élections provinciales, qui devront être organisées d'ici au 15 décembre. Mais pour Davy Rimane, "le fait de dégeler le corps électoral ne va pas permettre de sortir la Nouvelle-Calédonie de sa situation économique et sociale."
L'article 2 du texte adopté en commission des lois prévoit son annulation, si un nouvel accord global était finalement trouvé. "Ce texte constitutionnel est intéressant dans la mesure où il permet à un accord global d'écraser ce texte, et d'y intégrer le dégel du corps électoral, explique Philippe Dunoyer, député calédonien, membre de la commission des lois. Ce que je souhaite, de la même manière qu'en 1988 et 1998, c'est que tous les sujets d'importance pour les deux sensibilités, indépendantistes et non-indépendantistes, fassent l'objet de discussions et d'un équilibre."
En attendant un accord global, les débats sur la modification du corps électoral pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie se poursuivront en séance publique lundi 13 mai, avant le vote solennel prévu mardi 14. Le groupe Nupes envisage déjà le dépôt d'une motion de rejet pour que le texte ne soit pas étudié en séance.