Surprenante découverte. Menés en collaboration entre les chercheurs français et singapouriens, des travaux scientifiques montrent le changement de comportement des Aedes aegypti, moustiques femelles qui s’attaquent aux humains. Lorsqu’elles sont infectées par le virus de la dengue, elles entrent dans un état second, comme "manipulées" par le virus, et elles perdraient une partie de la raison.
Fortement présent en Outre-mer, particulièrement à La Réunion et aux Antilles, le virus de la dengue provoque chaque année 400 millions d’infections et 25 000 morts, selon l’Institut de recherche et développement (IRD). Julien Pompon, chercheur au sein du laboratoire MIVEGEC de Montpellier, a supervisé et coordonné cette étude pendant trois ans sur le comportement des moustiques. Le scientifique a remarqué que les agissements des Aedes aegypti étaient particuliers lorsqu'elles sont au préalable infectées : "On sait par ailleurs que les moustiques qui transmettent le paludisme ont leur comportement modifié une fois infectés. On s'est posé la question pour le virus de la dengue, est-ce que les moustiques infectés ont un comportement changeant ?"
Trois fois plus de transmission chez l'humain
L'étude a été menée sur une centaine de moustiques, dont la moitié étaient infectés par la dengue. "On a construit des petites cages dans lesquelles on a mis un moustique avec une souris endormie. À l'aide d'une caméra à haute définition, on a pu observer précisément son comportement, dont on obtient une vision générale", explique Julien Pompon.
Les Aedes aegypti deviennent "affolées", selon le scientifique. "On a observé que les moustiques infectés étaient plus attirés par les souris, ce qui veut dire que ces moustiques vont plus se rapprocher d'un hôte humain pour le piquer davantage. Deuxième constat, les moustiques infectés ont besoin de piquer plusieurs fois pour arriver à prélever la même quantité de sang que les moustiques non-infectés."
À chaque piqûre d'un moustique infecté, même courte, il y aura transmission de la dengue.
Julien Pompon, chercheur au MIGEVEC
Dans ce cas, la transmission du virus de la dengue serait trois fois plus supérieure à la normale. "C'est exponentiel", ajoute Julien Pompon. "Trouver que le nombre de piqûres augmentent en fonction de l'infection du moustique n'était pas évident, c'est la découverte. Le jeu de l'évolution a fait que le virus a muté pour modifier le comportement du moustique afin d'optimiser sa transmission."
L'explication réside dans le fait que le moustique n'arrive pas "au repas sanguin", explique Julien Pompon : "Les moustiques infectés piquent, mais ne vont pas jusqu'à la veine, ils ne la trouvent pas. L'infection modifie soit les organes sensoriels du moustique, soit il est plus faible."
La vitamine A pour contrer la prolifération ?
Selon une étude menée en Chine, un dérivé de la vitamine A pourrait atténuer la prolifération d'une bactérie présente dans la dengue chez les humains. Ce dérivé, nommé l'isotrétinoïde, a déjà été testé sur des souris et les résultats ont été concluants.
Pour le scientifique du MIGEVEC, c'est peut-être une solution pour contrer la prolifération de la dengue : "Pourquoi pas, la vitamine A n'est pas toxique à trop forte dose. Il faut faire des essais cliniques sur des humains avant tout."
Et justement, des essais sont programmés dès cet automne, en Malaisie.