Dans son rapport annuel paru ce mardi 2 février, la Fondation Abbé Pierre détaille l'état du mal-logement en France, aggravé par la crise sanitaire. En Outre-mer, ce sont les inégalités sociales déjà existantes et les financements "insuffisants" qui creusent les difficultés d'accès au logement.
Dans son 26e rapport annuel, paru ce mardi 2 février, la Fondation Abbé Pierre souligne la situation défavorable de l'habitat dans les territoires ultramarins et les difficultés d'accès au logement. Un constat qui s'explique par des "revenus inférieurs", des aides sociales "moins solvabilisatrices qu'en métropole" et "un habitat privé fortement dégradé".
Le ministère des Outre-mer recense 110 000 logements insalubre, soit 12% du parc total de 900 000 logements. En ajoutant l'habitat informel non déclaré ou encore les logements jugés insalubres par l'aspect extérieur des bâtiments, la Fondation arrive à un total de 218 455 logements jugés indignes dans l'ensemble des Outre-mer. À l'échelle nationale, il y a 2 819 000 personnes vivant dans des conditions de logement très difficiles.
Difficiles à définir et à repérer, les différentes formes de l'habitat indigne en Outremer, conjuguées à leur développement continu, sont également difficiles à quantifier.
Des spécificités par territoire
En Guyane, on dénombre 37 300 habitations "spontanées", sans autorisation, parfois organisées en bidonvilles. Il y a également 8 700 logements potentiellement insalubres et 5 300 logements jugés irrémédiablements insalubres et dangereux, qui devraient être détruits. Du côté de Mayotte, on parle de constructions "fragiles", faites de bois, de tôle, de terre ou de végétal, au nombre de 25 200, là aussi sous forme de bidonvilles. S'y ajoutent 20 000 logements en dur présentant "au moins un défaut grave" : absence de WC, installation électrique dangereuse, pas de cuisine... À La Réunion, 33 526 bâtis précaires ont été recensés, ainsi que 15 601 bâtis indignes comptés dans 20 communes (dont 30 à 40% sont inoccupés). Là, ces constructions se trouvent plutôt en milieu rural, dans les Hauts, par exemple.
Pour la Guadeloupe, la Fondation annonce 30 000 logements indignes, dont 11 000 insalubres et 4 700 habitations de fortune (ou cases traditionnelles). La Martinique en recense 31 828, dont 24 419 "dégradés" et 7 409 "très dégradés", à savoir des cases traditionnelles (756), des habitations de fortune (953) et des logements en bois (5 576). Il s'agit souvent pour les Antilles de logements occupés par des personnes âgées, installées dans les campagnes. Mais on en trouve aussi dans les centres-villes de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France.
La Polynésie vient ensuite dans le classement des territoires ultramarins les plus concernés par le mal-logement, avec 10 000 logements insalubres recensés rien que dans le chef-lieu Papeete. À titre de comparaison, on en recense dix fois moins dans le chef-lieu de Nouvelle-Calédonie, Nouméa, où entre 1 800 et 2 000 logements insalubres ont été comptabilisés.
Plus largement, les habitants en Outre-mer sont particulièrement touchés par les défauts graves de confort (existence d'un vis-à-vis de moins de 10 mètres, problèmes d'étanchéité et d'isolation des murs, du toit ou du sol, infiltrations ou inondations...)
Financement "insuffisant"
Une autre problématique touche les Outre-mer : le problème du financement des logements. "Malgré les objectifs ambitieux (...), les moyens budgétaires affichés sont stables au cours des dernières années", note ainsi le rapport. Alors que le plan de logement Outre-mer (PLOM) pour 2015-2020 affichait l'objectif de 15 000 logements financés par an, les différents projets de loi de finance (PLF) de ces dernières années n'ont alloué des fonds que pour la construction de 9 144 logements en 2018, 9 529 en 2019 et encore moins pour 2020, 9 350. Le nouveau plan logement Outre-mer (2020-2022) sera doté d'au moins 200 millions par an avec un nouveau système de répartition des fonds, explique le rapport.
À noter également sur ces dernières années une stabilisation du nombre de HLM financés en Outre-mer, 5 384 en 2019 dont 2 036 logements très sociaux, "loin du record de 2012" qui était de 7 643.
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