Le cabinet Huglo Lepage a lancé une action collective le 13 mai dernier en faveur des victimes non professionnelles des produits phytopharmaceutiques. Une initiative pour permettre une égalité de traitement entre riverains et agriculteurs.
Depuis 2020 les agriculteurs qui ont développé un cancer de la prostate, un lymphome non hodgkinien ou une maladie de Parkison peuvent obtenir réparation sans avoir à prouver qu’il y a un lien entre ces maladies et les pesticides utilisés. Même si cette reconnaissance est encore difficile à obtenir pour les professionnels, rien n’a été fait pour les riverains. Pourtant, ils sont soumis aux mêmes dangers que les agriculteurs. S’ils développent l’une de ces trois maladies, ils doivent faire la preuve qu’elles sont liées aux pesticides présents dans leur environnement.
Vu le nombre de cancers en France aujourd'hui, établir un lien entre pesticides et cancer, c'est mission impossible. Donc, nous demandons l’application du principe d’égalité pour les riverains des champs d’épandage de pesticide. Ils doivent bénéficier d’une même reconnaissance de leur préjudice que les agriculteurs s’ils développent l’une de ces trois maladies.
Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de la transition écologique et députée européenne
Cette initiative, lancée via une plateforme baptisée "Agir collectivement" a pour objectif de recueillir l'adhésion du plus grand nombre de victimes en vue de demander réparation de leur préjudice à l'État. Une action qui pourrait intéresser les Antillais malades en raison de leur contamination à la chlordécone, ce pesticide utilisé dans les bananeraies jusqu’en 1993.
Le taux de cancer de la prostate aux Antilles est l’un des plus élevés au monde, une situation due à la surexposition à la chlordécone. Depuis le 22 décembre 2021, cette pathologie est reconnue comme maladie professionnelle et s’inscrit dans le plan dit « chlordécone IV » mais là encore, cela ne concerne que les travailleurs agricoles en contact pendant au moins 10 ans avec le pesticide. Pour les riverains qui ont développé cette pathologie comme la maladie de Parkison ou le lymphome non hodgkinien, rien n’est fait. Ces personnes pourraient donc être intéressées par l’initiative lancée par Corinne Lepage, mais il y a des conditions qui restent à éclaircir.
Ces personnes ont déjà engagé par le passé un certain nombre d’actions qui ont échoué donc il faudrait que nous regardions s’il y a un problème de prescription qui peut jouer contre elles. S’il n’y a pas de problème de prescription particulier, il n’y a aucune raison qu’elles ne puissent pas en bénéficier.
Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de la transition écologique et députée européenne
Des personnes qui n'ont pas déclaré de maladie, mais qui subissent un préjudice d'anxiété peuvent également rejoindre cette plateforme. Le préjudice d’anxiété est d’ores et déjà reconnu comme maladie professionnelle et il est possible d'obtenir réparation en cas d’exposition à une substance chimique. Cela pourrait donc intéresser les 25 % de Martiniquais et les 14 % de Guadeloupéens dont la chlordéconémie, c’est-à-dire le taux de chlordécone dans le sang, est supérieur au seuil recommandé par l’Anses s'ils souffrent d’anxiété.
Toute personne ne peut pas affirmer qu’elle est victime d’un préjudice d’anxiété mais à partir du moment où il y a des critères objectifs qui peuvent le justifier, ces personnes pourraient bénéficier d’une indemnité si nous gagnons.
Corinne Lepage, avocate, ancienne ministre de la transition écologique et députée européenne
L'action lancée vise à fédérer des riverains habitant à moins de 150 mètres de zones d'épandage et souffrant de l'une des pathologies inscrites aux tableaux de maladies professionnelles, mais aussi les enfants souffrant d'autres pathologies. D’autant que la stratégie écophyto 2030 présentée par le gouvernement le 6 mai 2024 reconnait que "Les impacts des produits phytopharmaceutiques sont désormais bien documentés, notamment par des expertises scientifiques collectives récentes réalisées par l'Inrae, l'Ifremer, l'Ipbes et l'Inserm".
L’objectif de Corinne Lepage et de son cabinet est de démontrer que les malades des pesticides non professionnelles ne peuvent pas continuer à ignorer.