L'affaire remonte à la fin des années 1990. À l'époque, un stagiaire de l'agence d'intérim Adecco, basée à Montparnasse, à Paris, donne l'alerte : l'entreprise attribuerait des codes pour différencier les intérimaires en fonction de leur couleur de peau. Trois lettres – BBR ou Bleu Blanc Rouge – pour les blancs, deux lettres et un chiffre – PR4 – pour les noirs.
Ce fichage ethnique aurait concerné environ 500 intérimaires entre 1997 et 2001, mais seules une quinzaine de victimes, dont deux Antillais, se sont portées partie civile. De renvois en non-lieux, la procédure judiciaire aura duré plus de 23 ans. Le verdict a finalement été rendu ce mercredi 13 mars 2024.
La discrimination, un délit
Au cours du procès, Olivier P. et Mathieu C., les directeurs de l'agence de Montparnasse, ont admis que le fichier PR4 existait, tout en affirmant qu'il ne classait pas les intérimaires en fonction de leur couleur de peau mais en fonction de compétences professionnelles, notamment la maîtrise du français. L'argument n'a pas convaincu les juges : la société Adecco a été condamnée à 50 000 euros d'amende, les deux directeurs à 10 000 euros d'amende chacun, dont 7 000 avec sursis.
La discrimination à l'embauche est un délit passible de 45 000 € d’amende et de cinq ans d’emprisonnement. Bien qu'illégale, la pratique reste répandue. La dernière campagne de "testing" menée par l'association SOS racisme révèle que "61 % des boîtes d’intérim ont un comportement problématique de façon plus ou moins frontale", et que "dans 14 % des cas, la discrimination ne fait aucun doute".