L'enquête pour disparition inquiétante a été ouverte en juillet dernier. C’est à ce moment-là que Joëlle Apali, aînée de la famille, décide de prendre l’affaire en main, succédant ainsi à sa mère, qui tentait d’alerter les forces de l'ordre depuis plusieurs mois déjà.
Une enquête qui piétine
Mais les choses n'avancent pas. Joëlle s'aperçoit courant juillet que rien ne se passe : banque, opérateurs mobiles… rien ne bouge. “Ils traînent et moi je vois le temps qui passe, confie Joelle, août arrive, ça traîne, ça traîne, en même temps c’est les vacances, nous sommes dans l’après-covid...”Joelle s’inquiète. Elle a l’impression que la disparition de son frère n’est pas prise au sérieux par la police de Reims. Une sorte de bras de fer commence et Joëlle se retrouve à mener son enquête de son côté : elle découvre ainsi que son frère a changé de numéro de téléphone au cours de l’année, se rend elle-même chez son opérateur mobile... en vain.
Un coup de pression s’impose : déterminée à faire avancer l’enquête officielle, Joëlle écrit au préfet. A partir de là, tout va s'accélérer. En octobre, la police commence enfin les interrogatoires. Le parquet donne son feu vert pour fouiller l’appartement du comédien et prélever des empreintes dans sa voiture qui a été retrouvée sur un parking aérien, et enlevée par la police municipale le 14 septembre dernier.
Joëlle ajoute : "en une journée, la police a réussi à savoir que le portable de mon frère n'était plus actif depuis octobre 2019, qu’il ne bornait plus.” Le 2 novembre 2020, un appel à témoin est enfin diffusé dans la presse régionale et sur les réseaux sociaux.
"Nous avons travaillé sur ses comptes bancaires, sur l'usage éventuel de sa carte bleue. Pour l'heure, nous n'avons aucun élément. C'est pour cela que nous avons lancé un appel à témoin", précise Matthieu Bourrette, procureur de la République de Reims.
[#AppelATémoin] Le commissariat de Police de #Reims compte sur vos retweets. Merci à tous pic.twitter.com/UfYoVxb6oa
— Police nationale 51 (@PoliceNat51) November 2, 2020
Pour Joëlle, c’est un mélange de “soulagement" et de “colère” “parce qu’on a perdu beaucoup de temps”. Et notamment en ce qui concerne l’analyse des derniers relevés téléphoniques de son frère - ceux de septembre et octobre 2019-, dont on vient de lui apprendre qu’il était trop tard pour les récupérer.
Les enquêteurs se concentrent aujourd'hui sur les listes de passagers pour essayer de déterminier si le comédien a pu prendre un avion avant sa disparition et quitter le territoire. Le parquet de Reims indique que pour le moment, "il n'y a pas encore de retour".
Nouveaux éléments
Très récemment, une nouvelle information est néanmoins venue éclaircir l'horizon de Joëlle : par l’intermédiaire du réalisateur Jean-Claude Barny - qui avait dirigé Djéjdé sur Le Gang des Antillais, Joëlle est entrée en contact avec l’attachée de presse Rebecca Valentine Marival. Cette dernière affirme avoir croisé son frère en octobre 2019, gare de l’Est, à Paris. “ Elle est formelle, il avait un costume qui sortait du pressing à la main, avec une valise. Il a pris le temps d’échanger quelques mots avec elle avant de la laisser parce qu’il était pressé. Il devait prendre son train pour rentrer chez lui à Reims.”Pour moi, cela a toute son importance parce qu’elle est la dernière personne à avoir vu mon frère.
Un frère plein de secrets
Ce frère de trois ans son cadet, Joëlle le redécouvre au gré des photos et documents qu’elle a retrouvés dans son appartement. Voilà plusieurs années qu’elle n’avait plus de nouvelles de lui. "Des histoires de famille, soupire Joëlle, chacun mène sa vie de son côté, les années passent et chacun attend que l’autre fasse le premier pas…”Djédjé est issu d’une famille de cinq enfants. De cette famille, il ne parlait pas beaucoup. "Tous me disent la même chose, que ce soit ses amis d’enfance, ses collègues, ses anciennes petites amies… C’était quelqu’un de très secret, vraiment adorable, mais qui ne dévoilait pas sa vie. C”était un taiseux. Ce qui revient tout le temps aussi, c’est qu’il ne parlait pas de nous.” Depuis quatre mois, Joëlle réapprend, en quelque sorte, à connaître ce frère si mystérieux.
Christian Mupondo a du mal à parler de son ami Djédjé au passé. Les deux hommes s’étaient rencontrés sur un tournage en 2009. Selon lui, celui qu’il considère comme son “grand frère” est forcément “quelque part”. Il raconte : "ce n’est pas quelqu’un qui avait des idées suicidaires, bien au contraire, c’est quelqu’un qui motivait toujours, faut se battre dans la vie, faut jamais rien lâcher. il n’avait pas de problèmes avec des gens, il était vraiment super cool avec tout le monde."
Après ce n’était pas quelqu’un qui se livrait énormément, il était vraiment réservé. Sur sa vie sentimentale, il n’était pas très bavard.
Quant à leurs relations familiales, Joëlle raconte : “Il n'a pas eu de contact avec notre mère toute l’année 2019. Elle a quand même essayé de le joindre pour son anniversaire en janvier 2020. Elle n'a pas eu de réponse."
A la même période, Jean-Claude Barny essaie aussi de contacter le comédien, pour lui faire part d’une bonne nouvelle : Le Gang des Antillais débarquait sur Netflix… “J’étais très heureux, surtout qu’on a eu de très bons scores dans des pays où on ne s’y attendait pas. J’ai appelé son agent, elle n’avait pas de nouvelles non plus.” Ce que remarque alors le réalisateur guadeloupéen, c’est que personne se semble s’inquiéter : “il a l’habitude de disparaître comme ça, alors on le laisse tranquille (...) Il y a quelque chose de pas du tout rationnel dans cette histoire.”
Début 2020 : la famille s’inquiète
Il y a pourtant bien quelqu’un qui s’inquiète : depuis sa ville d’Orléans, la mère de Djédjé ne se résout pas à ce silence radio. Avant que ne débute le confinement, entre janvier et mars, elle va se rendre à Reims à deux reprises. Lors de son deuxième passage, elle fait appel aux pompiers qui pénètrent chez son fils par la fenêtre du salon. Ils constatent que l’appartement est “bien rangé”. Les pompiers retrouvent aussi le mot que sa mère avait laissé la première fois sous sa porte… La mère de Djédjé essaie alors de porter plainte, mais on la décourage : “non, madame, c’est un majeur. A 45 ans, un adulte a le droit de disparaître...”Après le confinement, elle y retourne, accompagnée cette fois de deux amis et collègues de Djédjé, et de deux de ses filles. Sur place, ils font appel à un serrurier. Joelle raconte : “ils arrivent à entrer et comme les pompiers l’avaient décrit, l’appartement est nickel. Au préalable, ils ont tous pensé à mettre des gants, ils ont commencé à fouiller et ont retrouvé dans un tiroir bien rangé le portefeuille de mon frère avec tout dedans…Quand je dis tout, c’est tout : carte d'identité, carte vitale, carte d’allocations familiales, permis de conduire et un petit porte-monnaie avec un peu plus de 20 euros dedans. Là, on comprend que l’affaire est grave.” Mais Joëlle précise néanmoins : “ils retrouvent tout, tout sauf le passeport”.
Nous sommes début juillet, la plainte de leur mère est enfin prise en compte. Les amis de Djédjé ont quant à eux décidé de faire circuler un premier avis de recherche sur les réseaux sociaux.
Une soeur déterminée à connaître la vérité
“On veut savoir, autant que possible, un maximum de choses”. Aujourd’hui, Joëlle Apali ne veut rien lâcher. “Je le savais, mais je m’en suis souvenue encore plus quand je suis allée chez lui :
Mon frère notait tout, c’était quelqu'un de très ordonné. Donc dans les ordinateurs, dans sa boite mail, on va trouver des choses, la police va trouver des éléments pour pouvoir travailler. On va finir par savoir. On veut savoir… Il écrivait beaucoup, il y a forcément des traces.”
Dans l’appartement, Joëlle a trouvé des photos, des manuscrits, des vidéos de travail, mais aussi le roman sur lequel son frère travaillait depuis plusieurs années. Djédjé y racontait le parcours initiatique de frères jumeaux, leurs destins croisés entre Paris et Abidjan. Comme un clin d’oeil à ses origines : la France de sa mère et la Côte d’Ivoire de son père.