Le Gang des Antillais, ou l'amertume des enfants du Bumidom

Image tirée du film Le Gang des Antillais de Jean-Claude Barny
Le Gang des Antillais sera dans les salles le 30 novembre. Le film réalisé par Jean-Claude Barny retrace l'histoire vraie de quatre braqueurs originaires de Guadeloupe et de Martinique qui officiaient en région parisienne dans les années 70. Plus qu'un film de gangsters, une histoire d'hommes. 
Un film sur un gang de braqueurs, sans scène de braquage, ou presque. Le Gang des Antillais raconte avant tout une histoire de désillusions. Celle de Jimmy (Djedje Apali), arrivé de la Guadeloupe à l'âge de 13 ans.  Alors que sa mère l'avait envoyé dans l'Hexagone en caressant le rêve d'en faire un fonctionnaire, Jimmy qui a rapidement décroché de l'école, s'use sur des petits boulots et des salaires minables.  
 

Braquage de postes

Devenu père célibataire, sans domicile fixe, ses rêves de grandeur et de revanche c'est via la délinquance que Jimmy va les accomplir. Et il n'est pas seul. A ses cotés Liko (Vincent Vermignon), le postier futé qui rencarde ses comparses sur les  bons plans braquage, Politik (Eriq Ebouaney), le cerveau de la bande sur qui reposent les décisions, et le peu fiable et tourmenté Môlokoye (Adama Niane).
 
Ensemble, ils décident de braquer des bureaux de poste de la région parisienne. La bande parvient, en peu de temps, à la fois à se remplir les poches et à faire la Une des journaux. L'histoire, vraie, est tirée du livre du même nom écrit par Loïc Léry, lui-même membre du gang et condamné à dix ans de prison.
 

La souffrance du Bumidom

Le parcours de ces jeunes hommes, c'est aussi l'histoire du Bumidom, le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d'Outre-mer. Créé en 1963, cet organisme a fait venir des dizaines de milliers d'originaires des départements d'Outre-mer dans l'Hexagone.

Mais si l'administration leur vendait des promesses d'avenir à leur départ des Dom, ils se sont pour la plupart retrouvés à effectuer des  emplois subalternes. La migration a également pour beaucoup été l'occasion de faire l'expérience du racisme de l'Hexagone et de se découvrir Français de deuxième, voire, troisième zone.
 

Amertume

La force du Gang des Antillais, en salles depuis le 15 octobre en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, c'est sans doute de mettre des images, et de belles répliques,  sur une histoire peu connue des Ultramarins, et complètement ignorée de la majorité des autres Français. Les mots du Général de Gaulle "Mon Dieu que vous êtes français", adressés à la foule rassemblée à Fort-de-France tranchent cruellement avec la solitude, l'amertume et parfois la misère de ces Antillais une fois installés dans l'Hexagone.

Tourné à Toulouse et en Guadeloupe, le film, très riche, parfois trop, resitue l'action dans son contexte historique. On y voit tour à tour un Mathieu Kassovitz, gérant de bar et nostalgique de l'Algérie française, des rivalités entre communautés sur fond de proxénétisme ou encore  des braqueurs amenés à soutenir les indépendantistes guadeloupéens.
 

"La France je l'ai braquée, je l'ai baisée et elle me le rend bien"

 Avec toujours en trame de fond, une rage et une soif de révolte, voire de vengeance, sur un terrain tantôt racial, tantôt social. Un cycle dont il est difficile de sortir. A l'image de ces mots, adressé par Jimmy, à son éducateur de prison Patrick Chamoiseau, (interprété par Lucien Jean-Baptiste) qui lui suggère de coucher son histoire noir sur blanc. "La France je l'ai braquée, je l'ai baisée et elle me le rend bien. Je vous parle de coït brutal, et vous me parlez de poésie".
 
 
Le Gang des Antillais, de Jean-Claude Barny.  Sortie aux Antilles et en Guyane le 15 octobre, sortie nationale le 30 novembre