Dix-sept élus ultramarins réclament des excuses à Gérald Darmanin pour des propos jugés "méprisants"

Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des Outre-mer
Le ministre a tenu des propos polémiques hier lors d'un colloque consacré aux Outre-mer. Il a notamment affirmé que c'était "la République" qui avait aboli l’esclavage, omettant le rôle des esclaves eux-mêmes dans leur émancipation.

"C’est la République française qui a aboli l’esclavage. La France a sans doute mis dans des conditions extraordinairement difficiles les populations colonisées, mais c’est la République qui a aboli l’esclavage. Donc on leur demande d’aimer la République, pas toute l’histoire de France bien évidemment." Ces propos, tenus par le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, lors d’un colloque consacré aux territoires ultramarins par Le Point, sont jugés méprisants par une vingtaine de députés ultramarins, qui les dénoncent dans un communiqué commun.

"C’est cette même République qui maintient nos territoires d’Outre-mer dans un état de sous-développement chronique", pointent les signataires, qui s'émeuvent aussi d'une forme de "révisionnisme historique" niant le rôle qu’ont tenu les esclaves dans leur émancipation. "Il amoindrit la réalité de l'esclave et il ment par omission. Il oublie que nos ancêtres ont arraché leur liberté, il oublie toutes les révoltes d'esclaves. Il pense que ça s'est fait dans le calme et la quiétude mais non, ça n'est pas le cas !", rappelle la députée de La Réunion Karine Lebon, l'une des signataires.

"Vos propos sont indignes"

Le ministre des Outre-mer a également évoqué la question de l’autonomie. "Il y a aux Antilles, en Guyane, un sentiment identitaire, de réaction, qui mérite d’être entendu, mais qui, à mon avis, ne mérite pas d’être entendu comme la Nouvelle-Calédonie a mérité d’être entendue, parce que ce n’est pas la même histoire", a-t-il déclaré.

Si les signataires reconnaissent que l'histoire coloniale est "plurielle dans sa réalisation", elle est "une dans ses causes et dans ses conséquences actuelles". Ils regrettent que "les Outre-mer demeurent le pur produit de l’expansionnisme" et "restent envisagés comme des relais de puissance et d’influence".

Olivier Serva, député de Guadeloupe et signataire du communiqué, se dit "scandalisé". "C'est un ramassis de conneries méprisantes, s'emporte l'élu. C'est du mépris du ministre des Outre-mer qui n'aiment pas les Outre-mer alors même qu'ils font la grandeur de la France."

C'est loin d'être le premier affront, la première outrance, du gouvernement à l'égard des Outre-mer. Si on avait voulu faire un bingo des choses à ne pas dire et à ne pas faire, Gérald Darmanin et le gouvernement en auraient coché toutes les cases.

Karine Lebon, députée de La Réunion

Les propos du ministre font réagir au-delà des signataires. Catherine Conconne, sénatrice de Martinique, s’est indignée sur Twitter, en répondant à une autre phrase prononcée par le ministre. Au ministre qui affirme que "vous n’aurez d’autonomie demain que si vous êtes capables de produire ce que vous mangez", elle répond qu’"aucun pays ne produit tout ce qu’il consomme". Au-delà de la question de l’autosuffisance, la sénatrice rétorque que "c’est justement pour pouvoir produire mieux que nous voulons un cadre plus adapté à nos réalités et la capacité de fixer nos règles".

Les élus demandent des excuses officielles de la part du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer.