Du Canada au Brésil, une histoire de Vale (Inco), de l'usine du Sud et du nickel

Son Conseil d’Administration s’est réuni à Paris, mais trois de ses principaux administrateurs se trouvaient en visio-conférence, à Toronto, Londres et Rio. L'usine du Sud de Vale en Nouvelle-Calédonie réoriente son activité et prend le vent de la transition environnementale.
Tout commence dans les années 90 à Sudbury, une petite ville à quatre cents kilomètres au nord de Toronto (Ontario). C’est le centre historique de l’industrie canadienne du nickel. Mines et usines métallurgiques s’y touchent. Mineurs et  métallos évoluent ainsi dans le même environnement. Vale et Glencore ne s’y côtoient pas encore. Les deux géants de la production et du négoce des matières premières sont alors absents du Canada et de l’Amérique du Nord.
 
Mine et usine de nickel dans la province de l'Ontario au Canada
Du Canada à la Nouvelle-Calédonie
L’International Nickel Company of Canada (Inco) et Falconbridge ont alors pignon sur rue. Les deux sociétés minières et métallurgiques exploitent le nickel de la région, depuis près d’un siècle pour Inco, presqu’aussi longtemps que la Société Le Nickel (SLN) en Nouvelle-Calédonie. Des dizaines de jeunes calédoniens viennent à Sudbury se former aux métiers du nickel, affrontant le froid glacial des hivers sans fin. Ils se préparent pour aller travailler, quelques années plus tard, dans l’usine du Nord et dans celle du Sud qui sont en construction en Nouvelle-Calédonie.

Le rachat des compagnies canadiennes du nickel
Inco et Falconbridge se sont lancées dans la réalisation de deux grandes usines de nickel sur le Caillou, avec deux gisements miniers parmi les plus riches de la planète, mais sans avoir les moyens financiers de leurs ambitions. Rapidement confrontées à une dérive des coûts de construction, les deux compagnies sont rachetées et absorbées en 2006. Inco par Vale, Falconbridge par Xstrata puis par Glencore.

Inco : Sudbury 1998 (images Didier Gaudermen)
©la1ere

Vale-Inco
Le siège de la branche nickel de la nouvelle société Vale-Inco demeure au Canada, à Toronto. Mais les employé(e)s des mines et des usines de Sudbury et de Port Colburn doivent rapidement oublier le quadrille et adopter les rythmes de la Samba. Les Brésiliens avaient bien rassuré Ottawa inquiète du rachat d’une entreprise canadienne par une concurrente sud-américaine. Mais progressivement, tout ou presque sera décidé à partir du berceau de Vale, dans le Minas Gerais, un Etat brésilien de tradition minière. Toronto conserve la tutelle de la branche nickel mais pas les décisions stratégiques, qui sont prises à Rio...

De la "Compagnie Vale de la Rivière Douce" (CVRD) à Vale
Société publique, connue d’abord sous le nom de Companhia Vale do Rio Doce (CVRD), exploitant des mines de fer, Vale fait la fierté de Brazilia qui en a pourtant cédé le contrôle au privé en 2001. Tout en continuant d’influer fortement sur la désignation des dirigeants de l’entreprise, désormais multinationale, qui entame une expansion rapide à l’étranger.
L’acquisition d’Inco, en 2006, en fait la deuxième compagnie minière du monde, derrière BHP Billiton. L’opération lui permet en outre de prendre pied au Canada, en Indonésie et…en Nouvelle-Calédonie.

En 2007, CVRD se rebaptise Vale et se hisse au rang de premier fournisseur de la Chine en minerai de fer. Elle étend ses activités aux métaux non ferreux, dont le cuivre et surtout le nickel.

Vale reconnait ses erreurs 
Treize ans plus tard, Vale reconnait avoir commis des erreurs pour l’usine du Sud, et entend accompagner intelligemment sa sortie du Caillou. La décision n’a sans doute pas été prise de gaité de cœur, sinon pourquoi avoir effacé la dette imposante de Vale Nouvelle-Calédonie le 29 avril 2019 ? Il ne s’agit pas seulement de solder le "passif" et de payer moins d’impôts. Vale croit que la demande croissante pour les batteries des véhicules électriques va relancer Vale-Nouvelle-Calédonie (VNC), le nickel et le cobalt, deux des principaux métaux de la transition énergétique.

Alors pourquoi se désengager ?
depuis le 25 janvier 2019, l’image de la firme brésilienne est durablement atteinte par la catastrophe de Brumadinho. La rupture du barrage a fait perdre au numéro un mondial du fer, et numéro deux du nickel, le quart de sa capitalisation boursière. Ses actionnaires exigent que Vale tranche dans le vif en se débarrassant de ses actifs dans le rouge. En tête de liste, pour le nickel, figure Vale Nouvelle-Calédonie. Aujourd’hui, le Brésilien aurait plusieurs candidats à la reprise de l’usine du Sud. Le virage de la transition environnementale est une chance pour l'usine calédonienne qui attire les fabricants de batteries électriques. A Rio, Vale pourrait annoncer fin mars le candidat à la reprise de VNC qui a sa faveur.

Logiquement, le complexe industriel calédonien réoriente son activité, tournée vers un nouvel alliage de nickel et de cobalt, un marché en pleine croissance. Le Conseil d'administration de Vale NC s'est tenu à Paris, le 31 janvier. Il a confirmé cette orientation. L'usine du Sud poursuit son activité, Vale va même investir plus de 100 millions de dollars, mais il y aura un plan social "le plus limité possible". A Londres, les spéculateurs du nickel attendaient la fermeture de l'usine, ils se sont trompés. Une fois de plus...
 
Usine du Sud (nickel et cobalt) Vale Nouvelle-Calédonie