"Eau Secours", un jeu vidéo pour rendre visible le problème de l’eau en Guadeloupe

Samora, créateur du jeu vidéo "Eau Secours" sur les coupures d'eau en Guadeloupe.
Samora Curier, créateur du Mwakast, un podcast qui revisite l’identité antillaise, vient de lancer un jeu vidéo gratuit pour aborder les incessantes coupures d’eau sur son île d'origine, la Guadeloupe.

En fin d’année dernière, lorsque La1ère l’avait rencontré, Samora Curier explorait l’identité antillaise déracinée avec son podcast intitulé le Mwakast. Lorsqu’on l’interrogeait sur ce qu’est être Antillais, il répondait que "c'est avoir conscience de son histoire et l'utiliser comme un terreau pour agir concrètement pour nos territoires. Être Antillais, c'est être conscient de ce sacerdoce".

Webdesigner le jour, streamer le soir, Samora cherchait comment apporter sa pierre au développement de son île. Le sujet lui est apparu comme une évidence : les problèmes récurrents de distribution de l’eau en Guadeloupe.

Même à 6 750 kilomètres de distance, alors que l’eau de son robinet parisien semble pouvoir couler éternellement, le sujet revient quotidiennement dans les conversations. "Nous, on en parle tout le temps. Dès que j’appelle ma mère, c’est 'ah oui, aujourd’hui, il n’y a pas d’eau', ou bien 'pendant quatre jours, on n’avait qu’un petit filet d’eau' Il faut imaginer se lever le matin et ne pas savoir si on va pouvoir se doucher correctement."

Un jeu gratuit et ludique

"Mais quand on est loin, qu’est-ce qu’on peut faire ?", s'interroge Samora depuis son appartement parisien. Là-bas, sur place, il aurait participé à des marches de protestation. De l'Hexagone, il pense d’abord à enregistrer un épisode du Mwakast dédié à l’eau, avec des spécialistes. Mais il veut faire sortir le sujet du cercle restreint des experts et le rendre abordable au grand public. Un soir de mai, il lance l’idée d'un "puzzle game" sur ses réseaux.


L'idée séduit immédiatement KJP, lui aussi guadeloupéen. Installé à Bordeaux, il raconte les mêmes discussions sur l'eau avec sa famille : "Ma mère me disait 'on n’a pas eu d’eau de la semaine, on a mis de côté de l’eau'. Elle est enseignante et dans son lycée, pendant le Covid, elle n’avait pas accès à l’eau tout le temps." Passionné de pixel art, il contacte immédiatement Samora. Dans l’aventure, il se chargera de la création de la tête des personnages et de tous les éléments graphiques.

Le dernier membre du trio est RM, développeur qui réalise le jeu vidéo sur son temps libre. Lui est originaire de Rouen et n'avait jamais entendu parler de cette histoire de robinets où l’eau ne coule pas, ou si peu.

J’en ai parlé autour de moi, personne n’était au courant. Je trouve ça impressionnant qu’en 2022 des gens n’aient pas accès à l’eau potable. D’autant plus que c’est la France. C’est horrible comme situation.

RM, développeur du jeu

Maman-dlo à la rescousse

RM a pris en charge la programmation "et les mécanismes de game play". Reste à trouver l’histoire, c’est Samora qui s’en charge. Eau Secours, c’est donc l’histoire de Toupit, un petit garçon de la commune de Trois-Rivières (plutôt inspiré de sa petite cousine aventureuse, Soraya), qui en a assez de ces problèmes d’eau qui gênent sa famille au quotidien. Une nuit, en rêve, l’esprit de l’eau, Maman-dlo, lui donne la connaissance et la capacité de réparer le réseau d’eau. Ensuite ? C’est à vous de jouer pour relier les maisons avec les tuyaux et éviter les fuites ! Le jeu est entrecoupé de panneaux avec des informations vérifiées sur la situation concrète.

Toupit, le héros du jeu Eau Secours, un puzzle game pour sensibiliser aux problèmes des coupures d'eau en Guadeloupe.

Chacun a mis ses compétences propres en commun pour rendre visible le problème de l’eau en Guadeloupe. En l’espace d’un week-end, "en mode game jam", ils ont développé une première version avec un seul niveau. L’objectif est de réaliser six niveaux pour atteindre "une version finale du jeu". Le jeu est disponible gratuitement sur Internet. Ils imaginent aussi une version pour mobiles. Ils n’ont pas l’intention de le commercialiser, seulement "d’en faire un vrai jeu qui puisse ouvrir la discussion". Et peut-être, contribuer à faire changer les choses, concrètement.

Eau Secours est disponible ici.