Attention au raccourci trop rapide. Élodie n'est pas superstitieuse. Son amour pour le nombre 13 s'explique plutôt par le souvenir ému de sa jeunesse en Guadeloupe. "C'est le premier numéro que j'ai porté quand j'ai commencé le basket. À la MJC des Abymes. Mon frère aussi avait ce numéro. Enfant, je me souviens des valeurs de solidarité que l'on partageait. Très vite, le 13 est devenu un numéro porte-bonheur." Un 13 qui ne quitte plus la famille. Le frère d'Élodie l'arbore ainsi sur son maillot de club en futsal. Et jusqu'à présent, aucune autre basketteuse n'a encore réclamé le même sésame. "Que les gens se rassurent : je peux aussi jouer avec un autre numéro. Si je devais changer, je n'hésiterais alors pas à demander le… 97 !" Les souvenirs. Encore les souvenirs.
Une vraie bosseuse
Élodie est arrivée dans l'Hexagone à l'âge de quinze ans. Dotée d'un vrai talent. Évident. Un physique aussi. Impressionnant. Et pourtant, les premiers pas furent compliqués. "On m'a reproché une certaine nonchalance. Je le prenais mal évidemment. Je payais une forme de 'body language' très antillais." À tel point que des portes se ferment. "Si je ne signe pas mon premier contrat pro à Nantes, c'est en partie à cause de ça." Aujourd'hui, la Guadeloupéenne met en garde les plus jeunes. "J'essaie de dire aux petits du pays de ne pas refaire les mêmes erreurs que moi."
Élodie Naigre est malgré tout parvenue à se faire une place chez les pros. Grâce à qui ? À TRD, son triptyque fétiche : travail, rigueur, discipline. TRD donc mais également des rencontres qui changent tout. Comme celle avec l'ancien joueur Lesly Bengaber. "Un électrochoc." Chaque été, ils se retrouvent en Guadeloupe pour des vacances studieuses. "Lesly m'a donné le goût du travail bien fait. Tout ça dans la dureté. Il est arrivé au bon moment dans ma carrière. Avec lui, j'ai passé un gros cap mental." À tel point qu'Élodie entame sa deuxième saison sous le maillot de Montpellier, l'une des meilleures équipes de la Ligue féminine de basket.
Une lionne déguisée en gazelle
En l'espace de dix ans, la Guadeloupéenne sera passée de la Nationale 2 à la Ligue professionnelle. "Il n'y a pas de secret. J'ai bossé pour." Avec une caractéristique assez rare : "J'aime mettre le collectif en valeur." Traduction : Élodie pense à l'équipe avant ses statistiques personnelles. "Je dois trouver un juste milieu : chercher plus d'agressivité individuelle tout en restant dans une démarche sportive altruiste. Pas simple. Que voulez-vous… Je suis une éternelle insatisfaite !"
Comme l'an dernier, la nouvelle saison devrait se résumer à un duel entre les deux grosses cylindrées du championnat de France : Bourges et Lyon ASVEL. Objection ! s'écrie alors Élodie. "Attention, ce championnat est dur. Sur une journée, tout est possible. En Eurocup, nous sommes dans la même poule que l'ASVEL justement. Qui vous dit qu'on ne va pas créer la surprise en les sortant de la compétition ?" Pour terminer sa brillante plaidoirie, la Guadeloupéenne se veut à la fois prudente et ambitieuse. "Cette équipe de Montpellier a été profondément remaniée à l'intersaison. Il va peut-être nous falloir un peu de temps pour se trouver. Mais je crois sincèrement que nous allons faire quelque chose de bien."
Le 13 a un grand cœur
En 2022, le 13 fut partout. Virevoltant sur les parquets. Mais aussi imaginatif en coulisses. Imaginatif et généreux. "L'été lorsque j'entraînais des jeunes en Guadeloupe, je voyais bien que certains n'avaient rien. J'ai donc lancé Thirteen Association au printemps dernier." Dans la foulée, Élodie Naigre organise la première édition de l'Elo'don. "Quand vous êtes sportifs de haut-niveau, vous croulez sous des vêtements que vous n'utilisez pas. J'ai contacté mes potes du basket, du foot, du hand et du volley. Ils ont tous participé." Le 30 juillet aux Abymes, place à la distribution. "Tout le stock est parti en une matinée. Incroyable. L'an prochain pour la deuxième édition, je veux aussi inviter les sportifs afin qu'ils viennent échanger avec tous ces jeunes qui ne demandent que ça."
Élodie n'est pas la seule basketteuse guadeloupéenne de sa génération à vouloir tendre la main à la jeunesse. Kendra Chery a ainsi créé 7-S-Poire, la première ONG ayant pour mission de donner de l'espoir. "Je discute beaucoup avec Kendra. On bosse ensemble sur des idées, des projets." Élodie a 27 ans. Kendra 21. Toutes les deux ont bien ressenti le mal-être de certains. "Il y a un manque. Un manque qui s'exprime parfois à travers la violence. Ce n'est qu'un appel au secours. Nous voulons aider tous ces gens par le sport. Car je suis convaincue que le sport peut donner beaucoup. Bien plus en tout cas qu'on ne peut l'imaginer."