En Guadeloupe, les interpellations de passeurs de cocaïne se multiplient

surveillance police
Le transport de cocaïne par des mules a pris de l'ampleur en Guadeloupe ces derniers jours, depuis que le renforcement des contrôles des passagers au départ de la Guyane déroute le trafic.

Les interpellations de passeurs, souvent originaires d'Afrique, se multiplient à Pointe-à-Pitre. " Depuis fin 2022 on constate un phénomène de décalage à partir de, peut-être, ce qui était le flux guyanais", explique Olivier Fouque, directeur régional des douanes en Guadeloupe. "Comme il y a des contrôles à 100% [concernant les lignes transatlantiques au départ de Cayenne, NDLR], il y a un déport qui se fait, ils font des stops aux Antilles pour repartir vers l'Hexagone", ajoute-t-il. "Il peut y avoir plusieurs interpellations par semaine", note ce responsable des douanes.


Depuis le début de l'année à l'aéroport de Pointe-à-Pitre, il dénombre ainsi 39 interpellations de mules [des voyageurs transportant de la drogue dans leurs bagages, leurs vêtements ou dans leurs intestins, NDLR] avec "au moins un kilo (saisi) par interpellation". Or ce type d'arrestations "avait quasiment disparu en Guadeloupe", expliquait en juin à l'AFP l'ancien procureur de la République de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins. 


"L'augmentation de la circulation de la cocaïne aux Antilles fait partie des points de vigilance à avoir", a indiqué à l'AFP Nicolas Prisse, président de la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives), en visite en Martinique et en Guadeloupe début novembre.
Aux douanes, M. Fouque souligne, de concert avec les autorités judiciaires locales, l'augmentation du procédé "in corpore", c'est-à-dire le fait pour les passeurs d'ingérer la drogue encapsulée dans des ovules. Ils sont "une vingtaine in corpore" à avoir été interpellés sur le territoire depuis janvier, précise Caroline Calbo, procureure de la République de Pointe-à-Pitre, déplorant "deux décès" de mules par overdose en 2023.

"Filière africaine" 

Si certains passeurs restent originaires de la région Antilles-Guyane, avec des profils et âges variés, la procureure évoque désormais "des trafiquants qui exploitent la vulnérabilité de personnes de nationalité africaine". Il s'agit là d'un nouveau profil de passeurs apparu en Guadeloupe. Maitre Olivier Chipan, avocat défendant régulièrement des passeurs, voit aujourd'hui "à 90% des gens originaires d'Afrique, beaucoup du Nigeria", constate-t-il. "On a l'impression qu'il y a une vraie organisation, qui envoie des personnes qui ont le même profil: des hommes entre 25 et 50 ans qui souvent vivent tout seuls en Europe, et n'ont pas une situation professionnelle très florissante. Des membres de l'organisation leur proposent de venir en Guadeloupe en leur disant: « Tu vas ingérer des ovules de cocaïne et on va te donner 3.000 ou 4.000 euros »", raconte l'avocat.

Cette filière africaine, comme l'appellent désormais certains acteurs de ces dossiers, ne serait "pas forcément " nouvelle selon M. Fouque, mais se serait déportée de la Guyane vers les Antilles.
"Ce sont des gens qu'on envoie dans les flux aériens [...] en les déroutant sur les Antilles pour donner l'impression qu'ils ne viennent pas de Guyane, et nous, on essaie d'intercepter ce flux", souligne le responsable de la douane.

Avant, "on n'a jamais eu de Nigérians arrêtés à l'aéroport de Pointe-à-Pitre, ce sont des détenus étrangers qu'on n'avait pas par le passé, on essaie de gérer ça" souligne de son côté Eric Pétilaire, secrétaire régional de la CGT Pénitentiaire.
La barrière de la langue de ces détenus anglophones les rend "difficiles à cerner [...] et du fait de leur lien avec le trafic international de drogue, ce sont des profils qui nous inquiètent, qui sont imprévisibles", explique le syndicaliste à l'AFP. Ils sont au moins "une dizaine", selon M. Pétilaire, à être incarcérés en Guadeloupe. 


Quand elle est jugée, "une mule interpellée ici ou en Martinique, qu'on ne connaît pas ou qui est de nationalité étrangère, va se prendre au minimum 18 mois d'emprisonnement ferme parce qu'il n'a pas de garanties de représentation", précise Caroline Calbo.