[Entretien] Obligation vaccinale en Nouvelle-Calédonie : est-ce constitutionnel ?

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a annoncé lundi vouloir imposer la vaccination obligatoire aux voyageurs entrants sur le territoire. Mais est-ce constitutionnel ? Entretien avec le Pr Jacques Ziller constitutionnaliste et professeur de droit.

Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie souhaite durcir les conditions d’entrée sur le territoire. Une décision prise "face à la multiplication des recours intentés ces derniers jours par des voyageurs de retour en Nouvelle- Calédonie qui souhaitent échapper aux conditions de quatorzaine." selon le président de gouvernement, Louis Mapou.

Parmi les mesures annoncées, celle d’une obligation vaccinale pour les voyageurs entrant sur le territoire, que le gouvernement veut adopter dès mercredi 18 août.

Jacques Ziller, constitutionnaliste, professeur de droit à l’Université de Pavia, ancien professeur à Paris-1 et à l’Université des Antilles-Guyane, nous apporte des éléments de réponse sur la légalité d’une telle mesure :

Le gouvernement calédonien souhaite imposer la vaccination aux voyageurs entrants sur le territoire. Quelle légalité pour cette obligation ?

Pr Jacques Ziller : Il y a deux éléments de réponse qui sont assez simples. 

Le premier c’est que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, contrairement aux autorités régionales ou aux autorités des territoires d’Outre-mer, a une compétence en matière de santé. Pour le reste de la France, il n’y a que l’Etat qui pourrait prendre ce genre de décisions.

Le deuxième point c’est de savoir si la compétence est bien exercée : est-ce qu’il s’agit uniquement d’une mesure de santé ? Auquel cas le gouvernement peut la prendre, en contrôlant si elle est proportionnée. Ou est-ce qu’il s’agit d’une mesure de police ? Car le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n’a pas de compétence en matière de police. 

Une fois la décision adoptée, que peut-il se passer ?

Pr Jacques Ziller : Vu l’ampleur des contestations un peu partout en France et en Nouvelle-Calédonie, on peut prévoir qu’il y aura un recours devant le tribunal administratif de Nouméa pour contester cette mesure : dire d’une part que le gouvernement n’est pas compétent et que, si jamais il est compétent, c’est disproportionné.

Le tribunal administratif de Nouméa, très vraisemblablement dans ce cas-là, va faire une question préjudicielle de constitutionnalité pour demander au Conseil Constitutionnel de se prononcer.

S’il y a un recours, pourrait-il y avoir une censure de la part du Conseil Constitutionnel ?

Pr Jacques Ziller : Oui, si le Conseil Constitutionnel considère que c’est une compétence de police qui est exercée et pas une compétence de santé. Dans ce cas-là, cela voudrait dire que seul le représentant de l’Etat pourrait prendre cette décision.

Sur le fond, au regard de la jurisprudence, j’aurais une tendance à dire qu’ils diront que ce n’est pas disproportionné vu qu’il n’y a pas en ce moment de contamination en Nouvelle-Calédonie [le territoire n’a pas eu de nouveau cas depuis deux semaines ndlr] et vu justement ce qu’il se passe en Martinique, en Guadeloupe où ça monte en flèche.

Cette décision du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est une première en France ?

Pr Jacques Ziller : C’est la première fois que ce n’est pas l’Etat [qui prend la décision]. Pour l’Etat, ça a déjà été décidé dans la loi sur le pass sanitaire, qui prévoit la vaccination obligatoire pour les personnels médicaux.

La différence c’est que là, ce n’est pas l’Etat, c’est le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Mais c’est moins nouveau que ça n’y parait.