Le verre à moitié plein ou à moitié vide c’est selon. Comme en parle d’ailleurs Pauletta Foppa le pivot en zone d’interview : "Ce match nul a un goût de victoire car on n’a pas perdu et ça fait plaisir mais on aurait toutes voulu gagner et ça nous embête quand même un peu."
Olivier Krumbholz le coach des bleus prend cela avec philosophie :
"On a laissé passer l'orage et on beaucoup mieux joué en deuxième mi-temps, on a été plus solides et organisées en défense. Peut-être qu’on les avait un peu trop surestimées, elles n’ont rien raté en première mi-temps mais après elles ont moins bien joué. Mais avec ce calendrier, il ne peut pas y avoir de miracles pendant deux mi-temps. Amandine Leynaud a été exceptionnelle, et ensuite on a remis les choses en place."
Savoir faire le dos rond
Dans le même temps, Océane Sercien-Ugolin, dans l’analyse effectuée en zone mixte, est très lucide. A 23 ans elle garde le recul nécessaire sur ce match :"La clef de ce match a été notre stabilité émotionnelle. Quand bien même on a douté par moments, on s’est toujours remises en selle, on est juste revenues à l’essentiel : défendre, récupérer le ballon et monter la balle et assurer les ballons en attaque. Il y a eu des ajustements à faire mais ce sont les aléas de tout match et on s’adapte."
Angélique Spincer l’entraineur de Plan-de-Cuques ne rate rien de cet Euro devant son poste de télévision. La Réunionnaise, ex-internationale (69 sélections), a déjà été confrontée à ce genre de joutes de haut niveau. Elle nous donne son analyse sur ce match :
"On peut parler d’abord d’une domination russe, on n’est pas face à n’importe qui, c’est un client sérieux car elles étaient denses et solides et il a fallu du temps pour se mettre dans le rythme du match. Comme nous les Russes sortaient d’un match joué la veille mais ont été plus rapides à se remettre en jambes. Il nous a fallu une mi-temps avec son lot d’échecs aux tirs, une défense qui y était un peu moins. Plein de petites choses négatives, mais on n’a jamais été très loin au score. (Ndlr la France est menée de 3 buts à la pause). C’est ce qui nous a permis de recoller et de passer devant. Au final ce nul est justifié."
Dans les vestiaires les cadres ont su remobiliser le groupe, et on est reparti avec nos points forts, défense, arrêts des gardiennes et un jeu dans le grand espace, ça nous a bien réussi.
Magique Océane !
24 minutes de temps de jeu, Océane Sercien-Ugolin est désormais bien installée dans le groupe, titulaire à chaque début de match. Et ses statistiques d’hier soir parlent d’elle-même : 5 sur 5 aux tirs, dans tous les angles du but quand on analyse les trajectoires, un 100 % de réussite, ce qui à ce niveau est rare. Elle nous en dit un peu plus :"Je suis contente de vous avoir montré mon jeu de cette façon, même si mon intention c’est d’abord d’apporter mes qualités au groupe. Les filles sont super depuis le début de la compétition, elles m’ont toujours accompagné et poussé dans cette démarche. Ma prestation découle d’abord du support des filles dans le groupe."
On retiendra aussi ce geste magique, symbole de la confiance qui anime la joueuse de Krim (club Slovène de Ljubljana), le demi-tour contact pour marquer le 28è but de l’équipe de France, qui aurait pu être le but de la victoire (malheureusement les bleues encaisseront un but à douze secondes de la fin du match). Quelque chose de magique sorti de la main de la Guadeloupéenne :
Mon demi-tour contact, franchement c’est de l’instinct, il reste trente secondes je vois Bobrovnikova monter sur moi et je n’ai pas réfléchi, je pense que c’est ce qui me va le mieux.
Angélique Spincer devant son écran de télévision apprécie en connaisseuse la prestation de la Guadeloupéenne :
"Océane avait un peu le frein à main par moments, elle a été décisive, puissante, elle gagne des duels, c’est une jeune joueuse il faut lui laisser un peu de temps. Elle est capable de faire plein de belles choses. Au-delà d’elle ce qui me fait plaisir c’est que ce groupe France est intéressant. Ce n’est jamais la même joueuse qui sort son épingle du jeu à chaque match, on a une équipe homogène et équilibrée et il y a du danger partout pour nos adversaires, c’est une force. "
Une confirmation que ces Françaises sont magiques : le but d’Orlane Kanor dans le money time. Le ballon frappe le poteau, puis rebondit sur la gardienne, et rentre. Les puristes se rappelleront le but de Jackson Richardson lors d’un célèbre quart de finale contre l’Allemagne lors du mondial 2001 à Albertville. Le ballon était parti de la main du magicien Réunionnais pour frapper les deux poteaux avant de rentrer.
Un mot d’ordre : récupérer !
Place maintenant à trois jours de repos. Les choses seront claires mardi soir, les bleues restent maitres de leur destin et une victoire contre la Suède les propulsera en demi-finale, sans attendre le résultat de Russie Danemark :"Nous allons nous reposer, nous préparer et étudier plus longuement l’adversaire. Ces trois jours vont être utilisés de manière très propice pour la suite. Mais cette coupure sans jouer de match ne va pas nous perturber. Tout est fait en coordination avec le staff et les joueuses, on est à l’écoute les uns des autres. Ça peut être un match piège mais je pense et j’espère de tout mon cœur que ça ne le sera pas, " analyse Océane Sercien-Ugolin.
On a été sérieuses que ce soit dans la semaine de préparation avant l’Euro et dans le travail qu’on fait ici. Je pense qu’on a trouvé notre rythme, la coupure nous fera du bien.
Angélique Spincer n’a pas trop de craintes sur la suite du tournoi :
"Je n’ai pas trop de doutes sur le fait qu’on fera un match plein contre les Suédoises. Mais attention elles seront décomplexées et n’auront rien à perdre. Mais on aura une équipe de France fraiche et prête à livrer le combat pour aller en demi-finale. "
Ce que le coach Krumbholz confirme :
"On va couper un peu physiquement et mentalement, se reposer un peu. Puis on va se remettre au travail et préparer ce match comme si c’était le dernier de notre vie. Les équipes qui perdent leur concentration à ce moment du tournoi en paient le prix, c’est déjà arrivé de nombreuses fois. "
Laissons la conclusion à Ambros Martin, le sélectionneur espagnol de la Russie, très dithyrambique sur le coup :
" C’était un match de handball fantastique qu’on a joué contre le tenant du titre. La France reste la France, elle pousse beaucoup, elle a l’expérience et l’aide de Dieu."
Ni plus ni moins. Seul Maradona en a bénéficié, le handball n'est pas du foot, mais il a aussi des joueuses et des joueurs de génie.