Ex-entraîneur de Katia Benth, Gaëtan Tariaffe a bataillé pour faire respecter l'athlétisme guyanais

L'entraîneur guyanais Gaëtan Tariaffe by himself.

Sprinteur dans les années 80. Devenu entraîneur dans les années 90. Gaëtan Tariaffe a vécu l'athlétisme de l'intérieur. Le Guyanais a ainsi accompagné Katia Benth vers les sommets. Tout en restant fidèle à son département. Une fidélité coûteuse qui a ensuite montré la voie à d'autres.

Un artisan de l'ombre. Gaëtan Tariaffe fait partie de ces acteurs qu'on ne voit jamais vraiment à l'écran. Le Guyanais est pourtant bien plus qu'un figurant. Et certainement pas un amateur. Gaëtan a accompagné la révolution de l'athlétisme guyanais dans les années 90. Avec une idée toute simple : se donner les moyens de poursuivre une carrière de haut niveau… tout en demeurant en Guyane.

À l'époque, un tel projet s'accompagnait d'un parfum de scandale. Les hautes instances parisiennes vous mettaient des bâtons dans les roues. La Fédération Française voulait tout centraliser. Tout chapeauter. Tout contrôler. Quitte à sanctionner. Arbitrairement. La championne Katia Benth pourrait en témoigner. Avec son entraîneur Gaëtan Tariaffe, ils n'ont pourtant rien lâché. Une résistance payée au prix fort. Mais le modèle a fini par séduire. Et être adopté. Par d'autres. Bien des années plus tard.

À aujourd'hui 54 ans, Gaëtan Tariaffe peut se retourner sur son passé avec un sentiment de plénitude. La Guyane est désormais une scène respectée dans le grand théâtre de l'athlétisme français.

Tours. 1988. Tout en bas de l'écran, l'athlète guyanais Gaëtan Tariaffe est au départ de la demi-finale du 100 mètres des championnats de France.

Un des pionniers du sprint guyanais

1987. Gaëtan Tariaffe entame sa première vie. Une vie d'athlète de haut niveau. Une vie de sprinteur. Le Guyanais a vingt-et-un ans. Il bénéficie de la fameuse p.o., la préparation olympique. Gaëtan est invité à rejoindre l'INSEP dans le bois de Vincennes. Durant deux ans, il va travailler sous les ordres d'une légende, Fernand Urtebise. "C'était un véritable humaniste. Mais surtout, un immense perfectionniste. Les athlètes l'appelaient juste 'Fernand'… tout en le vouvoyant. Détail amusant, non ? J'éprouve un grand respect pour ce monsieur."

Un record personnel à 10 secondes 39 sur 100 mètres. 21 secondes sur 200. C'est bien. Honorable. Insuffisant cependant pour se qualifier aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988. "Je n'ai aucun regret. Les chronos ont simplement parlé. Je n'étais pas assez rapide pour aller en Corée." Aucun regret pour Gaëtan Tariaffe. D'autant plus qu'il a vécu une belle aventure à l'INSEP. "Dans le groupe, je côtoyais des athlètes comme Trouabal ou Sangouma. J'en conserve un souvenir ému. En club, je courrais sous les couleurs du CA Montreuil. Les dirigeants étaient aux petits soins avec moi. Il faut dire que depuis Roger Bambuck, j'étais leur premier sprinteur qualifié aux championnats de France élite !"

1989. L'aventure de Gaëtan dans l'Hexagone prend déjà fin. "J'aurais dû rester. Mais j'ai fait le choix de rentrer en Guyane. J'ai poursuivi ma carrière durant encore une saison. Tout en commençant à entraîner des jeunes." Car si le Guyanais est retourné dans son département sans expérience olympique, il rentre quand même avec deux belles lignes sur son CV : un brevet d'état et un professorat de sport. De quoi s'ouvrir de nouveaux horizons. Surtout lorsqu'il croise la route d'une prometteuse sprinteuse de Kourou…

De gauche à droite : Katia Benth, Gaëtan Tariaffe et Marie-José Pérec.

L'entraîneur de Katia Benth

1992. Gaëtan Tariaffe assiste aux championnats de France juniors à Dreux. Katia Benth est éliminée en demi-finale du 100 mètres. Son entraîneur vient de la lâcher. Triste ambiance pour une première rencontre. Sauf que Gaëtan est intrigué. "Je vais découvrir par la suite que Katia est aussi la fille de mon cousin." Le duo se met en place. Katia Benth court de plus en plus vite. Notamment chez les espoirs. La Fédération pousse la jeune championne à rejoindre Paris. Début des ennuis. "À cette époque, il n'y avait pas d'université en Guyane. Mais la vie de Katia était ici. Elle a donc passé sa licence et sa maîtrise par correspondance. Elle alternait travail et entraînement. Son agenda était complet de 5h30, le matin à 19h00, le soir."

Une Katia Benth surbookée. Ce qui ne l'empêche pas de se retrouver parmi les meilleures françaises. L'athlète est désormais incontournable. Elle remplit d'ailleurs tous les critères de qualification pour les JO de Sydney en 2000. Et pourtant… "Cette non-sélection de Katia demeure un scandale. On nous a expliqué qu'il y avait un problème de quotas. Pardon ?... Avec un collectif d'avocats de Cayenne, nous avons fini par attaquer la Fédération. Le Président de l'époque était furieux. Avec le DTN, ils nous ont rendu visite. Nous accusant de faire du chantage. Sans jamais s'engager par écrit à indemniser Katia pour le préjudice subi. C'était une honte."

Plus de vingt ans après les faits, Gaëtan Tariaffe conserve un profond ressentiment. "Katia n'a pas été traitée de façon honnête. Elle a payé cher sa fidélité à la Guyane. Alors qu'elle était irréprochable au niveau des chronos. Mais comme médiatiquement, elle n'était pas aussi reconnue que d'autres…." Le duo Benth / Tariaffe aura tout de même vécu de grandes heures. Des titres nationaux. Des médailles en relais avec le maillot de l'équipe de France. Le duo aura aussi permis le renouveau de l'athlétisme en Guyane.

Gaëtan Tariaffe avec Gémima Joseph, la nouvelle pépite de l'athlétisme guyanais.

L'athlétisme guyanais mieux structuré

Gaëtan Tariaffe insiste. Tel est son credo : double projet, mon amour ! "Un athlète n'a aucune garantie quant à son avenir professionnel. Il doit le préparer. Si notre département permet à l'athlète de continuer ses études, pourquoi partir ? J'ai vu tellement de jeunes s'exiler à Paris et se perdre. Déracinés. Sans famille. Sans cursus." Le Guyanais ne s'oppose cependant pas aux envies d'évasion de certains. Il réclame juste un cadre. "Avec le sprinteur Marvin René par exemple, j'avais passé un contrat moral avec ses parents. Il quittait la Guyane, uniquement s'il réussissait son bac. Et aujourd'hui, je pense que Marvin s'exprime mieux au CREPS de Boulouris qu'à l'INSEP. C'est plus familial. Avec un climat plus favorable."

Gaëtan n'est pas un chercheur d'or. Il a pourtant repéré Katia Benth. Et il vient de découvrir une autre pépite : Gémima Joseph qu'il entraîne d'ailleurs en binôme avec Katia. "Mima possède un peu les mêmes caractéristiques que Katia. Un sacré professionnalisme. De l'anticipation. Et quand elle ne réussit pas quelque chose, elle sait l'exprimer." Autre bonne nouvelle : les temps ont changé. Désormais, la Fédération française soutient les athlètes qui veulent rester dans leur département. "La DTN par intérim nous a reçus en février dernier. Nous lui avons présenté le projet de Gémima pour Paris 2024. La Fédération adhère à cent pour cent. C'est important."

L'athlétisme guyanais se porte donc bien. Les sprinteurs Gémima Joseph et Marvin René sont incontournables. La lanceuse de javelot Alexie Alaïs est la numéro un française. Merci pour eux. "Effectivement, ça motive. Tous leurs exploits sont bien relayés. Il y a un effet d'entraînement. Une résonance." Gaëtan Tariaffe peut savourer. Il n'est pas pour rien dans ce renouveau. Trente ans après être devenu l'entraîneur de Katia Benth, les athlètes guyanais ne dérangent plus. Non. Désormais, on les réclame.

Katia Benth / Gaëtan Tariaffe. Le duo fonctionne toujours bien !