Oubliez tout ce que vous croyez connaître du mort-vivant, surtout si vous en avez l’image d’un homme ou d’une femme à l’épiderme blafard, la chair tombant en lambeaux, avançant les bras en avant de façon erratique avec de la bave noire sortant de la bouche, façon Thriller de Michael Jackson ou du film La nuit des morts-vivants de Georges A. Romero.
Il faut dire que le cinéma a tellement dévoyé le personnage que la visite de l’exposition Zombis. La mort n’est pas une fin ? au Musée du Quai Branly à Paris prendrait presque des allures de lavage complet de cerveau ! Si Philippe Charlier, instigateur et commissaire principal de cette expo riche de savoirs et d’objets, a voulu et conçu ce parcours, ce voyage vers la réalité de ce concept indissociable de la religion vaudou haïtienne, c’est bien pour rétablir la vérité et éloigner au possible les fantasmes et autres clichés véhiculés entre autres par le grand écran…
Suivez donc le guide ! Des origines africaines à l’évolution du zombi en Haïti, des objets et costumes de rituels aux cimetières qui accueillent les cérémonies de zombification, des faits scientifiques et anthropologiques aux interprétions farfelues, vous apprendrez tout sur le zombi. Suivez Philippe Charlier qui nous mène en déambulation par le bout de L’Oreille est hardie :
Zombi, au-delĂ du mot
Déjà le mot : zombi serait une déformation du mot nzambi qui, dans l’Afrique sub-saharienne (Congo Brazzaville, République Démocratique du Congo, Gabon), désigne une divinité ou un fantôme, un esprit sans corps.
Avec la traite négrière, la traversée de l’Atlantique et l’esclavage, le mot devient zombi et signifie alors un corps sans esprit. Le zombi n’est pas un mort-vivant : c’est un non-mort. Un homme ou une femme à qui l’on donne l’apparence de la mort et que l’on réveille pour le ou la mettre à son service.
Le voyage du zombi jusqu'en HaĂŻti
Si le zombi et le principe de la zombification ne sont présents, dans la région Caraïbe, qu’en Haïti, c’est que plusieurs facteurs se sont conjugués pour cela, explique Philippe Charlier dans L’Oreille est hardie. Tout d’abord, après l’arrivée des esclaves, c’est le métissage, le mélange des religions et des pratiques qui les accompagnent.
Le vaudou (les vaudous ?) existait en Afrique sub-saharienne : il viendra en Haïti se mêler avec le catholicisme romain inculqué de force par les "maîtres" pendant le rapt, la concentration, la traversée puis la dispersion des esclaves dans les plantations ; l’esclavage lui-même est l'un facteur de cette transformation.
Zombis : la "caribbean touch"...
Et puis, dernier élément essentiel à prendre en compte : les rencontres entre les peuples caribéens "autochtones" et les esclaves en fuite, en marronage, dans les hauteurs, les montagnes de l’actuelle République dominicaine. Arawaks, Kalinagos, Taïnos, Caraïbes… autant de peuples maîtrisant des savoirs ancestraux (usages des plantes, drogues, potions et autres poisons) qui seront transmis aux esclaves, autant d’éléments qui seront utilisés et amalgamés dans le processus de la zombification effectuée par les tenants des pratiques vaudous.
Zombis au Quai Branly
C’est un parcours passionnant au cœur du Musée Branly et de l’expo Zombis que celui effectué pour L’Oreille… avec Philippe Charlier et auquel vous êtes conviés. Le médecin-légiste de formation, archéologue et anthropologue nous mène, étape par étape, à la découverte des objets de culte nécessaires pour la zombification et pour l’entretien de la croyance en la religion vaudou : croix, costumes de cérémonie, reliques, statues… Autant d’éléments à "autopsier" et qui sont chargés d’histoires singulières.
Zombis : les enquĂŞtes du commissaire
Le commissaire de l’exposition passe aux aveux et nous livre avec passion le résultat de quinze années de recherches sur le sujet, aboutissant à une exposition riche, argumentée et démystificatrice qui, au vu de la fréquentation du public, atteint largement ses ambitions.
Écoutez dans L'Oreille... tout le travail mené par Philippe Charlier avec les collaborations incontournables des spécialistes haïtiens que sont Lilas Desquiron (ethnologue, écrivaine, ancienne ministre de la Culture en Haïti) et Erol Josué (directeur général du Bureau national d'ethnologie à Port-au-Prince en Haiti, artiste et lui-même prêtre vaudou… et qui sera bientôt l’un des prochains invités de L’Oreille est hardie.).
Écoutez L'Oreille est hardie...
Suivez ce numéro particulier de notre podcast et suivez le guide : veillez bien à garder vos yeux ouverts (en vous référant aux photos de cet article), votre oreille hardie (en écoutant le podcast) ainsi que vos esprits clairs afin que personne de malveillant ne s’en empare…
Bonne visite sonore : retrouvez Philippe Charlier dans L’Oreille est hardie, c’est par ICI !
Ou par lĂ :
"Zombis. La mort n’est pas une fin ?" Exposition visible jusqu’au 16 février prochain au musée du Quai Branly - Jacques Chirac à Paris.