Les 150 postiers des Hauts-de-Seine (92) en grève depuis mars 2018 ont accepté le protocole de fin de conflit finalisé lundi. Inquiets de l’évolution de leurs conditions de travail, c’est le licenciement d’un représentant syndical Sud qui avait déclenché ce mouvement.
Fabienne Zafra est née à Pointe-à-Pitre, d'une mère guadeloupéenne et d'un père martiniquais. Factrice depuis huit ans à Asnières-sur-Seine, elle avait déjà fait grève deux mois en 2016. Adhérente à Sud Poste, elle a immédiatement rejoint le mouvement... sans penser qu'il durerait 463 jours.
Quand on se lance dans une bataille, il faut aller jusqu'au bout. Nos dirigeants nous ont donné la rage d'aller jusqu'au bout, raconte-t-elle. Et nous ne sommes pas restés à la maison : la grève nous l'avons vécue tous les jours en se levant tôt et en se déplaçant beaucoup.
Fabienne Zafra
Informer les collègues de l'état du mouvement, participer aux manifestations, rencontrer des camarades en lutte dans d'autres secteurs, faire connaître la situation pour alimenter la caisse de grève... Les salariés et leur comité de soutien ont même investi le siège du groupe dans la nuit du 14 au 15 juin 2019, après un mois sans séance de négociation.
Réalité du terrain
Au moment de cette occupation, la police est sollicitée pour déloger les grévistes. "
On a eu droit à des policiers masqués, casqués, avec boucliers, matraques, gaz lacrymogène... On avait l'impression d'être des terroristes, se remémore l'Antillaise. Le lendemain le représentant syndical licencié, Gaël Quirante, sera placé en garde à vue après avoir été tiré du lit à 6 heures du matin. Ce qu'il dénonce ? Les cadences et la nouvelle organisation de travail que La Poste veut généraliser en France.
La Poste estime que l'on a une minute et trente secondes pour distribuer un recommandé. Mais quand vous devez monter au quatrième étage sans ascenseur ce temps ne peut pas être respecté. La Poste estime qu'un facteur circule à vélo à une allure de 12 km/h pendant sa tournée. Ils ne prennent pas en compte les conditions climatiques, les personnes sur les trottoirs, les travaux... En fait on ne sait pas comment ils calculent ce temps de travail. Ils sortent des chiffres (Ndlr : algorithmes) et sur le terrain ça n'a absolument rien à voir ! C'est complètement irréaliste !
Fabienne Zafra
Amplitude de travail
Après
"43 audiences de négociations, 15 versions de protocole et 3 séances de relecture", l'accord de fin de conflit a donc été signé par tous. La réorganisation prévue a été reportée. Les postiers gardent leurs après-midi de libres et ne se verront pas obligés de prendre une pause méridienne. Il continueront à préparer leur sacoche de courrier à leur manière. Les activités de tri et de distribution ne seront donc pas désolidarisées comme c'est déjà le cas dans certains territoires. On a ainsi vu la création d'ilôts, des petits sites de proximité qui prennent le relais des grands centres de tri régionaux dans le but d'écouler rapidement les colis dont le nombre grimpe chaque année. "
L'idée des ilôts c'est une manière de nous diviser, d'individualiser le travail et de faire en sorte qu'on ne se rencontre plus." L'embauche en CDI de 142 intérimaires a également été actée.
Les gamelles de la petite sœur
Comment tenir sans salaire pendant quinze mois ? "
On a eu énormément de soutien, de personnes qui ont donné de l'argent à la caisse de grève. Et puis ma famille m'a épaulé : ma petite sœur me préparait des gamelles...Ça m'a aidé à tenir,
" sourit Fabienne.
La priorité, c'était de payer mon loyer. Mon forfait de téléphone est limité, ma voiture est garée depuis un an... Je ne pensais pas que cela existait dans ce pays, mais il y a une grande solidarité. Cette grève m'a permis de découvrir beaucoup de choses, de gentillesse, d'amour ! Je croyais qu'on était dans l'indifférence totale, et ça n'est pas vrai." Jusqu'à Elie Domota, le secrétaire général de l'UGTG, qui a pris son téléphone pour encourager la poursuite de la lutte.