Festival d'Avignon : un festival de spectacles d'Outre-mer toujours plus "off" que "in"

Hier jeudi, à la veille de l’ouverture du festival d’Avignon, le TOMA (Théâtre d’Outre-mer en Avignon dirigé par Greg Germain et Marie-Pierre Bousquet) a présenté les spectacles qu’accueillera cette année le Théâtre de la Chapelle du Verbe Incarné.
Du Pacifique aux Antilles, de la Guyane à La Réunion, en passant par… la Corée du sud (!), cette 21ème édition du TOMA reste encore le principal lieu où s’expriment le théâtre d’Outre-mer.
 

Des chiffres étourdissants

Ce vendredi, les portes de la Ville d’Avignon s’ouvrent en grand sur l’un des plus foisonnants festivals au monde consacré au spectacle vivant : le festival de théâtre d’Avignon. Foisonnant parce que les chiffres sont étourdissants : si dans la partie IN -considérée par d’aucuns comme la crème de la crème de ce que le théâtre peut produire- ce sont plus de cinquante spectacles qui sont proposés chaque année, c’est surtout le Festival OFF qui, en drainant pas moins de 1500 pièces, concerts et autres seuls-en scène, attire le grand public grâce à la multitude de propositions faites mais aussi il faut le dire par le coût relativement modéré de la plupart des spectacles.
Un festival de spectacles
 

Les Outre-mer au "off"

Et c’est aussi dans cette partie-ci du Festival, le OFF, que l’on trouve les compagnies en provenance d’Outre-mer. On ne peut guère s’en étonner : les coûts pour faire venir des troupes depuis les trois océans qui entourent les terres d’Outre-mer restent forcément plus élevés que pour n’importe quelle compagnie en provenance de l'hexagone… Mais l’argument avec le temps a fait son temps, reste aujourd'hui la tradition : et traditionnellement, donc, voici maintenant 21 éditions que le TOMA consacre ses forces et son lieu de résidence, le Théâtre de la Chapelle du Verbe Incarné, à accueillir, promouvoir et mettre en avant ce que les Outre-mer ont d’expressions théâtrales à offrir.

Cette année, la Guyane, la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie seront particulièrement mises à l’honneur à travers 9 spectacles qui se succéderont  sur la scène du TOMA.
 

De l’opéra sauce Caraïbe, de la danse et du slam calédoniens

Tout d’abord, tout au long du mois, trois propositions sous un même intitulé « Chantez et Dansez » se succèderont pour donner à voir un peu plus que des textes sur scène : l’art lyrique fait ainsi son apparition dans cette programmation du TOMA avec cette production signée des associations Carib’opéra et O’POM : Le mariage du Diable ou l’ivrogne corrigé est un opéra de C.W. Gluck, compositeur allemand du XVIIIème siècle dont l’œuvre initiale se trouve ainsi transposée dans l’imaginaire du Carnaval antillais. Musiciens de Martinique et de l’Hexagone démontreront que l’art lyrique peut tout à fait se marier avec musique populaire des Antilles de Loulou Boislaville, à Francisco en passant par Zouk Machine, ce qui sur le papier peut avoir de quoi surprendre.
Le Mariage du diable

C’est tout en danse que la compagnie Troc en Jambes venue de Nouvelle-Calédonie propose quant à elle de faire Le tour du Pacifique en 80 pas. Voyage guidé, chorégraphié de ces pays de la zone Pacifique qui ont à nous apprendre aussi bien à travers leurs danses que leurs traditions.
Le tour du Pacifique

Enfin, Nouvelle-Calédonie encore mais chantée ou plutôt slamée par Paul Wamo avec un spectacle qui se décline autour du mot Sol et des notions qui lui sont liées telles l’identité, la terre nourricière qu’il nous faut préserver…    
Paul Wamo
 

Deuil, mythe de la mort et contes

Le thème de la mort peut se lire de deux façons différentes mais toujours sous la forme de conte avec une première proposition de la compagnie des Cueilleurs de Brume, de Guyane. Un enfant qui n’accepte pas la disparition de sa grand’mère, part à sa recherche dans La forêt des illusions et se retrouve confronté à des créatures fantastiques toutes issues de l’imaginaire guyanais…
La forêt des illusions

Une autre proposition autour de ce thème de la mort à travers l’univers du conte, nous est livrée par le spectacle Le sac de Litha, dont l’une des surprises vient de la collaboration directe des Antilles et… de la Corée ! Une forme de syncrétisme artistique, improbable sur le papier, et qui constitue sans nul doute, l’une des curiosités de cette sélection 2018.
Le sac de Litha

Et dans l’esprit du conte, sans aller jusqu’à évoquer la mort-même, c’est la figure puissante et légendaire de GrandmèrKal, née de l’esclavage qui est convoquée dans Kala, proposé par la compagnie réunionnaise Baba Sifon. Kala, théâtre-récit, prétexte à dresser le portrait croisé de femmes de plusieurs générations issues d’une même famille...
Kala

 

La force de l’actualité

Avec Circulez !  de José Jerdiner, c’est à un théâtre dit populaire que le TOMA fait aussi place dans sa sélection 2018 mais la pièce qui confronte deux guadeloupéens, l’un victime d’un accident de la route, l’autre inspecteur de police ayant travaillé longtemps en Métropole, sous-tend ce malaise identitaire et met en présence deux réalités à travers celui qui est resté sur place, aux Antilles, et celui qui en est parti… Un thème d’actualité donc…
Circulez

Tout comme l’est celui de la pièce Le corps en obstacle, né d’une réflexion autour de ces visages à peines regardés devant nos magasins et autres bâtiments publics, croissant en nombre de façon flagrant depuis la recrudescence des attentats en France : les vigiles. Autre thème d’actualité qui traverse cette pièce : le sort des migrants et les sans-papiers.
Le corps en obstacle

Enfin, peut-être la palme du titre le plus déroutant pourrait être donné au spectacle Les champignons de Paris ! Beaucoup moins consommables que la spécialité culinaire, ce sont aux champignons atomiques engendrés par les essais nucléaires décidés par Paris dans l’atoll polynésien que fait référence ce titre. Sujet brûlant, polémique en Polynésie française qui n’a pas fini de digérer les conséquences des tirs depuis la fin des essais…
Les champignons de Paris

Une programmation 2018 variée qui sur le papier ne manque pas d’intérêt et se soumettra dès ce vendredi aux regards et jugement du public, des publics du festival d’Avignon.

Le Théâtre de la Chapelle du Verbe Incarné propose donc une dizaine de rendez-vous dans le cadre du TOMA – il faut en effet y ajouter une exposition de photographie et des conférences -, du 6 au 29 juillet. L’ensemble et les détails du programme à retrouver sur www.verbeincarne.fr