Tout commence avec la silhouette imposante de Vincent Fontano qui se découpe sur le mur du fond de la salle où sont projetées des images. Il fait dos au public et une musique saturée s’insinue dans nos oreilles. Il se retourne et s’adresse à nous. D’une voix étonnamment douce. Mais les propos le sont moins. L’homme, le personnage commence par la description peu flatteuse que sa mère fait de lui : "pas joli garçon", pas du genre à attirer les femmes.
Et tout le texte est à l’avenant. En progressant dans son récit, l’homme interprété par Fontano évoque l’âpreté de sa vie, de sa famille, de son environnement de béton, de banlieue réunionnaise. Et décrit sa propre violence, celle dans famille, celle autour de lui.
Dans Loin des hommes, les mots de l’auteur Fontano frappent comme des uppercuts d’autant qu’ils sont dits simplement, sans sur-jeu, sans effets excessifs. Parfois la brutalité d’une réalité n’a pas besoin en plus d’être assénée, martelée pour faire mouche.
Vincent Fontano, rencontré en Avignon, parle des origines de sa pièce Loin des hommes :
Choix de langue et de langage
Vincent Fontano, auteur jusque là de textes où le créole était roi, commet ici pour ce sujet qui est peut-être le plus intime, le plus "près de l’os" et du cœur, un texte en français comme pour mettre volontairement à distance le sujet, de sa langue maternelle.
Car il s’est beaucoup inspiré des histoires entendues et vécues dans sa famille pour composer Loin des hommes. Avec cet argument : l’homme - décrit plus haut - et une femme au vécu chargé, se croisent dans une station service, chacun imaginant la vie de l’un et l’autre, après avoir échangé un regard.
Cœurs croisés
Les deux personnages, deux paumés, deux abîmés de la vie, ne seront jamais ensemble sur scène, Vincent Fontano occupant d’abord la place avant de la laisser à Véronique Sancri, bouleversante dans le rôle de cette femme blessée, elle-même victime, sujette à la violence tout autour d’elle.
Intense et brut
C’est du théâtre brut, sans artifice avec pour décorum les seuls mots dont nous gratifient l’auteur et ses interprètes. Au passage, l’exercice du jeu n’était pas prévu pour Vincent Fontano qui a repris le rôle pour Avignon. Bien lui en a pris : il est formidable, d'une justesse émouvante, et Véronique Sancri l’est tout autant.
Et il n’y a qu’à entendre le silence du public d’un bout à l’autre de la pièce puis la profusion d’applaudissements quelques secondes après les derniers pour en être convaincus : "Loin des hommes" est de ces textes qui remuent l’air de rien, l’air de tout. Si vous passez ou êtes à Avignon ou dans des environs, ce serait dommage de passer à côté…
"Loin des hommes" de et par Vincent Fontano avec Véronique Sancri, jusqu’au 26 juillet 2023, Théâtre du Train Bleu, Avignon (OFF).