Paralysée par plus d'un mois de mouvement social, la Guyane s'approchait vendredi, veille de la présidentielle dans ce territoire, de la signature d'un accord de fin de conflit préalable à la levée des barrages, dont beaucoup avaient déjà disparu dans la matinée.
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Le collectif "Pou la Gwiyann dékolé" a quasiment finalisé vendredi matin, après des négociations marathon avec les élus et le préfet, un accord, qu'il devrait parapher dans l'après-midi. "Au bout de dix heures de négociations, on a entre les mains un document en voie de finalisation", a expliqué Davy Rimane, porte-parole du collectif, évoquant "des avancées assez importantes" devant la centaine de manifestants (sur 500 au plus fort de la nuit) qui ont attendu jusqu'au matin la fin des discussions.
A l'issue, ces Guyanais ont entonné la chanson synonyme de leur mobilisation "lagwiyann lévé" (la Guyane levée), et leur cri de ralliement "Dé-ter-mi-nés"! "On a bien avancé. On va signer", a assuré Dominique Mangal, membre du collectif.
"Accord de Guyane"
Tous les protagonistes doivent se retrouver à 14h00 (19h00 heure de Paris) à la préfecture pour signer le texte de 8 pages, baptisé "Accord de Guyane". Le préfet Martin Jaeger signera au nom de l'Etat, et les quatre parlementaires guyanais, le président de la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) Rodolphe Alexandre, ainsi que le président de l'association des maires, parapheront également le document.
Vers une levée des barrages
"Je vais signer, en hommage au collectif (...) et parce qu'il y a la levée des barrages. Je crois que les Guyanais sont saturés, sont épuisés par ces barrages", a déclaré Rodolphe Alexandre. Le collectif s'est engagé à lever, dans la foulée de la signature, tous les barrages qui bloquent la Guyane depuis le 16 mars, mais déjà plusieurs d'entre eux étaient levés vendredi matin, selon les médias locaux.
Des "points bloquants" levés
"Pou la Gwiyann dékolé", demandeur de mesures sécuritaires, économiques et sociales pour permettre au territoire d'outre-mer de rattraper son retard sur l'Hexagone, réclamait plus de 3 milliards d'euros à l'Etat, alors que celui-ci a mis sur la table un plan d'urgence de plus d'un milliard d'euros. Le collectif a notamment obtenu que le gouvernement "acte" les 2,1 milliards supplémentaires demandés, alors que le Premier ministre avait d'abord parlé de revendications "irréalistes", a rappelé M. Rimane.
Plan d'investissement
Ces mesures supplémentaires seront intégrées, non pas dans un futur "plan de convergence", que refusait le collectif, mais dans un "plan d'investissement", notamment sur la santé et l'éducation, selon lui.
250 hectares de foncier cédés par l'Etat
Sur le foncier, le texte prévoit l'engagement de l'Etat "à céder gratuitement 250.000 ha de foncier (domaine privé de l'Etat) à la Collectivité Territoriale
Guyanaise et aux communes de Guyane", et 400.000 hectares aux peuples autochtones et bushinengues. Il a également obtenu que la question sur la "rétrocession totale" des terres soit discutée "lors des prochains états généraux de la Guyane". Et il a obtenu la garantie n'y aurait aucune poursuite judiciaire, pénale et financière envers "les signataires de l'accord".
Après plusieurs semaines de tensions grandissantes dans la population, partagée sur l'opportunité de poursuivre les barrages qui pénalisent l'économie, le collectif avait fait un pas dimanche en envoyant au gouvernement une proposition de protocole d'accord complétée par rapport à la version de l'exécutif du 2 avril, lorsque les ministres des Outre-mer et de l'Intérieur s'étaient rendus en Guyane. Le texte a ensuite été amendé par le gouvernement, puis de nouveau par le collectif. "On a réussi à lever quelques points bloquants", a expliqué M. Rimane, saluant des "avancées".
Ville morte hier
Le collectif avait invité la population à une opération "ville morte" jeudi, "dernier coup de collier" avant la signature d'un accord, mais il n'a pas du tout été suivi à Cayenne, où la plupart des magasins sont restés ouverts. Les divergences s'étaient accentuées ces derniers jours au sein du collectif. Mardi soir, le leader charismatique du mouvement, Mikael Mancée, a quitté le mouvement, ne se reconnaissant plus "dans les méthodes employées".