Financement de la SLN: Le prêt de l’Etat pour l’opérateur du nickel calédonien évalué par des experts de la finance

Transport du minerai de nickel dans l'usine de nickel SLN de Doniambo en Nouvelle-Calédonie
 Après le discours prononcé le 29 avril dernier à Nouméa par le Premier ministre Manuel Valls qui annonçait un prêt pour renflouer la SLN, l’heure était à « l’union sacrée » pour sauver l’usine de Doniambo. L’entreprise a besoin très rapidement d’argent frais mais cet argent aura un coût. 
La vague d’enthousiasme a été suivie d’un ressac. La polémique est née autour du taux de l’emprunt que va contracter la SLN. On parle de 5 % sur 8 ans. Les actionnaires calédoniens le trouvent trop élevé. Alors qu’en est-il ? Nous avons consulté des experts financiers spécialistes des prêts aux entreprises.
 

L’État, un banquier attentif

Un prêt de 127 millions d’euros (15,1 milliards de francs CFP) sera donc accordé par l’État à la SLN. Ce soutien de la puissance publique a pour seule ambition de sauver un acteur essentiel de l’industrie calédonienne. Dans cette négociation qui comporte forcément une part d’ombre, tant les enjeux politiques financiers et humains sont élevés, les deux seuls acteurs sont l’APE (Agence des Participations de l’Etat) et la STCPI (Société de Participation des Provinces Calédoniennes). Le groupe Eramet, contrairement à ce qui a pu être écrit ici ou là, n’est pas directement concerné. Ce financement de 127 millions d’euros de la SLN doit transiter par la structure calédonienne qui en détient 34 % des parts. La STCPI se voit donc offrir par l’État la possibilité de remplir pleinement son rôle d’actionnaire : « Faire un prêt de cette importance, c’est une marque de confiance de la part du gouvernement français, car le risque est élevé » relève un expert parisien qui suit le dossier.
 

La STCPI face à ses responsabilités

Si cet engagement traduit notamment la volonté du gouvernement de sauver l’usine de nickel de Doniambo, les négociations entre la puissance publique représentée par l’APE et la STCPI achoppent sur le taux d’intérêt qui sera appliqué aux 127 millions d’euros. Entre l’APE qui prête, et la STCPI qui sert de véhicule financier au profit de la SLN, une négociation s’est engagée. Et comme dans toute négociation, il peut y avoir des tensions. De son issue, entre autres, dépend le coût final du sauvetage de la SLN qui pour le moment ne survit que grâce à la perfusion financière que lui accorde Eramet.
 

5 % de taux fixe

Selon la presse, le taux fixe proposé par l’APE serait de 5 % sur 8 ans. Ce taux est jugé usuraire par les actionnaires calédoniens. Toutefois, il semble bien plus avantageux que celui qui pourrait être obtenu auprès d’établissements bancaires spécialisés. Ceux-ci doivent en effet rémunérer leurs risques en fonction de la santé de l’entreprise emprunteuse. Selon Philippe Chalmin, historien et spécialiste des matières premières, « la situation financière de la SLN implique une rémunération du risque plus élevée et donc un taux supérieur au taux de base du marché ». Un gestionnaire français de fonds d’investissement renchérit « On ne parle pas d’un prêt de 127 millions d’euros à Apple, Google ou Airbus, mais à une entreprise qui subit une longue hémorragie. Dans ces conditions, 5% sur 8 ans, c’est un taux extrêmement favorable. Personnellement, je n’aurais pas prêté une telle somme à un taux si attractif sur une durée aussi longue ».
 

La variable du nickel

À ce taux fixe de 5 % sur 8 ans, devrait s'ajouter un taux variable, indexé sur les cours du nickel à la Bourse des métaux de Londres. C’est l’autre objet de la négociation. Le taux du crédit monterait en cas de hausse du métal et diminuerait en cas de baisse. Le mécanisme est classique : « Oui, en cas de remontée des cours du nickel, le coût indexé de l’emprunt augmente. Mais, dans le même temps, si le nickel gagne 1$ par livre, la SLN gagne 110 millions d’euros de plus par an. C’est donc parfaitement jouable » précise le directeur financier d’un métallurgiste européen.
 

Et maintenant ?

En fait, la marge de manœuvre est étroite, car les discussions qui doivent se conclure d’ici la mi-juillet se déroulent sous l’œil attentif des acteurs financiers du marché des métaux et des médias anglo-saxons. Les négociateurs doivent donc impérativement trouver un équilibre entre la "soutenabilité" du prêt et le risque d’être soupçonné de dumping (subvention à la production). Si un rival de la SLN estimait que le taux bancaire du plan de sauvetage de l’État français était trop favorable et faussait la libre concurrence, il pourrait saisir l’OMC, l’Organisation Mondiale du Commerce.