Football : cible d'injures racistes en Italie, le Guyanais Mike Maignan attend que chacun "prenne ses responsabilités"

Le gardien de but guyanais Mike Maignan remercie les supporters de son l'équipe de l'AC Milan, après la rencontre face à l'Udinese, où il aurait victime d'insultes racistes.
Le gardien de l'AC Milan et de l'équipe de France Mike Maignan a quitté le terrain après avoir été la cible d'injures racistes et de cris de singe lors du match de son équipe italienne dans le stade de l'Udinese, ce samedi 20 janvier.

Au lendemain des injures racistes dont il a été victime durant un match de championnat d'Italie entre l'Udinese et son équipe de l'AC Milan, le Guyanais Mike Maignan a réagi ce dimanche sur X (ex-Twitter) dans un long texte où il indique : "Aujourd'hui, c’est tout un système qui doit prendre ses responsabilités." 

Auteurs des insultes et des cris de singe, spectateurs, le club d'Udinese, les instances... Tous sont pointés du doigt par Mike Maignan qui les qualifie de "complices" de cette situation qui n'évolue pas. Car, comme il le rappelle, "ce n'est pas la première fois que ça [lui] arrive". Et il n'est "pas le premier à qui ça arrive".,

On a fait des communiqués, des campagnes de publicité, des protocoles et rien n'a changé.

Mike Maignan

"Je ne suis pas une victime (...). C'est un combat difficile, qui va demander du temps et du courage. Mais c'est un combat qu'on gagnera", a conclu le portier des Bleus.

Une pluie de réactions

Une réaction qui intervient alors que le monde du foot s'indigne depuis hier soir : la star mondiale Kylian Mbappé et la Martiniquaise Wendie Renard sur Twitter, Marcus Thuram sur Instagram... 

Ce dimanche matin, la fédération française de foot a témoigné son appui à Mike Maignan, le gardien numéro 1 des Bleus.

Au-delà de la sphère du football, le monde politique a aussi réagi, en premier lieu la ministre de l'Éducation nationale et des Sports. Elle a tenu à dire son admiration pour le geste fort du Guyanais.

Choqué et en colère

Ce geste fort, c'est celui de refuser de continuer à jouer à cause d'insultes racistes dans les tribunes. Le gardien, né en Guyane d'un père guadeloupéen et d'une mère haïtienne, avait alerté une première fois l'arbitre, Fabio Maresca, à la 26e minute de jeu.

Puis il a décidé de quitter le terrain à la 34e minute quand de nouveaux cris de singe ont retenti, malgré les appels à cesser les insultes sous peine que le match soit définitivement arrêté. Il a été imité par tous ses coéquipiers, qui, lorsque l'arbitre a interrompu la rencontre, ont regagné leurs vestiaires.

Alors qu'il pensait initialement ne pas retourner sur la pelouse, le Guyanais était finalement devant ses cages à la reprise du match après cinq minutes d'interruption.

Je ne voulais plus jouer, je l'ai dit à tout le monde quand j'ai quitté le terrain, mais nous sommes une famille, je ne pouvais pas abandonner mes coéquipiers.

Mike Maignan

A DAZN

"J'étais en colère, pas déçu, car ce n'est pas la première fois que je vis ça. Mes coéquipiers, le staff, tout le monde m'a dit de rester fort dans ma tête et de donner la bonne réponse sur le terrain, a poursuivi le portier qui espère que ce geste fort marquera les esprits. On doit faire comprendre à l'arbitre et à tout le monde que c'est comme cela qu'on doit agir."

Pendant la suite de la rencontre, il a concédé deux buts. Mais l'AC Milan s'est finalement imposé 3 à 2 et a fêté, Maignan en tête, ce succès avec ses tifosi présents à Udine. "C'est encore plus beau de gagner comme ça, non au racisme", s'est réjoui son coéquipier Rafael Leao. 

Avant même la fin de la rencontre, l'AC Milan avait publié un message de soutien à son gardien sur ses réseaux sociaux, et l'entraîneur Stefano Piolo a ensuite déclaré : "Voir un garçon aussi respectueux et aussi correct que Mike être traité comme ça, cela me déplaît particulièrement, ce n'est pas une chose qu'on devrait voir dans un match de foot."

Sanctions bien trop faibles

Le président de la FIFA, Gianni Infantino, a également condamné les injures contre Mike Maignan. Il a appelé à bannir de tous les stades les auteurs d'insultes racistes et à instaurer une sanction "forfait automatique" pour les clubs dont les fans commettent ces méfaits. 

Bien que le football italien ne soit pas le seul concerné par le fléau du racisme, il ne parvient toujours pas à s'en débarrasser, et chacune de ses saisons est émaillée d'incidents à caractère raciste ou antisémite. Cette saison, plusieurs clubs ont été sanctionnés pour des insultes et chants racistes de leurs supporters.

Mais les sanctions sont jugées bien trop faibles pour avoir un effet durable. La Fiorentina a ainsi été sanctionnée en novembre d'un match à huis clos avec sursis pour des chants racistes de ses supporters. De son côté, la Lazio Rome jouera sa prochaine rencontre à domicile devant plusieurs tribunes fermées au Stadio Olimpico.

Une enquête ouverte

"Comment est-ce possible qu'en 2024 on entende encore des chants racistes dans un stade ? Le problème selon moi est culturel : je ne suis plus surpris, car dans ce pays l'ignorance triomphe et le racisme a toujours été de pair avec l'ignorance", a accusé Arrigo Sacchi, l'ancien sélectionneur italien dans une tribune publiée par la Gazzetta dello Sport. Un journal dont le titre de Une est  "La honte d'Udine".

La police et la justice ont été saisies. Jointes par l'AFP, elles n'étaient pas en mesure de donner de détails sur l'enquête en cours. 

L'Udinese a indiqué dans un communiqué publié dimanche à la mi-journée qu'elle "allait collaborer avec les autorités en charge de l'enquête pour faire toute la lumière sur ce qu'il s'est passé et prendra toutes les mesures nécessaires pour sanctionner les responsables".