Frédéric Lodéon : "Je trouvais le discours sur la musique classique trop prétentieux" [#MaParole]

Violoncelliste concertiste puis chef d’orchestre, présentateur du Carrefour de Lodéon et des Victoires de la musique classique, Frédéric Lodéon se raconte avec verve dans #MaParole. Avec lui, on a l'impression que Jean-Sébastien Bach est encore parmi nous !

De son enfance à Saint-Omer à ses premiers pas au grand échiquier puis au Carrefour de Lodéon, en passant par ses années de concertiste, Frédéric Lodéon n’a pas chômé. Récent retraité, ce violoncelliste aux racines martiniquaises bien ancrées aime partager ses nombreuses anecdotes qui font de lui un vulgarisateur de la musique classique hors pair. Il ne présentera pas cette année les Victoires de la musique classique qui auront lieu le 24 février à Lyon. Pas de regrets, l’homme a plein de projets, certes un peu à l’arrêt en ce moment en raison de l’épidémie de coronavirus.   

#1 De Saint-Omer à Paris

Dans la famille Lodéon, le fils André, devait faire du droit. Mais le père de Frédéric n’a pas vraiment suivi les consignes parentales, en particulier celles de son illustre géniteur, le sénateur Emile Lodéon. Le violoncelliste s’en amuse encore. Son père a choisi la musique et il est devenu directeur de conservatoire. L’un de ses premiers postes se trouvait à Saint-Omer, ville du nord de la France, proche de Calais. C’est là que le jeune Frédéric a fait ses classes de violoncelliste avec le professeur Tétard, redoutable pédagogue qui n’hésitait pas à "donner des baffes". Même s’il était très sévère, Frédéric Lodéon garde une grande affection pour ce professeur qui l’a poussé à aller au conservatoire national de musique de Paris (CNSMP). "Ma mère ne voulait pas", raconte-t-il "mais j’ai fait une grève de la faim". Ce qui pour un gourmand comme lui signifiait une extrême motivation pour le violoncelle.

Frédéric Lodéon au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

Et donc à 15 ans, Frédéric Lodéon a fait ses valises pour aller vivre dans une chambre de bonne à Paris pour se former au CNSMP. "J’avais promis de poursuivre mes études, mais j’ai arrêté en seconde". Difficile d’étudier seule quand il faut travailler pendant des heures son violoncelle. A Paris la solitude se faisait sentir. "Dans le mot de soliste, il y a la même racine que solitude". Heureusement, il y avait mamie Jenny qui lui concoctait parfois de bons plats de la Martinique. Les deux parents de Frédéric Lodéon viennent de la Martinique, mais c’est seulement dans les années 70, à l’âge de 20 ans que le musicien a pu enfin découvrir l’île de ses ancêtres. "Enfant, on n’avait pas assez de sous pour se rendre sur l’île". 

 

#2 Carrefour de Lodéon

Soliste reconnu, à 25 ans Frédéric Lodéon a remporté le prix Rostropovitch. Il est le seul Français à ce jour à avoir obtenu ce prix. Et puis en 1975, il a remplacé au pied levé un musicien qui devait accompagner le célèbre violoniste Yehudi Menuhin, dans Le grand échiquier. Cette émission, présentée par Jacques Chancel sur Antenne 2, (l’ex-France 2) de 1975 à 1989, a donné à Frédéric Lodéon le goût des médias. Il participera à l’émission cinq fois. Et il considère que Jacques Chancel lui a tout appris. Il disait : "Il ne faut pas donner aux gens ce qu’ils aiment, mais ce qu’ils pourraient aimer". Grâce à Jacques Chancel, Frédéric Lodéon a animé sa propre émission Musique Maestro sur FR3 (l’ex-France 3) le dimanche soir. Tout de suite, Frédéric Lodéon a imprimé sa marque que l’on pourrait résumer ainsi : parler de la musique classique sans s'embêter. "Je trouvais le discours sur la musique classique trop prétentieux", dit-il.

Frédéric Lodéon, Jacques Chancel et Claude Nougaro

Après la télévision, le violoncelliste a fait ses débuts à la radio dans ce qui deviendra son émission phare : Le carrefour de Lodéon. Un titre génial trouvé par le directeur des programmes de l’époque, Pierre Bouteiller. Le premier numéro de son émission s'est déroulé dans des conditions homériques dont Frédéric Lodéon s'est plu à faire le récit dans #MaParole.

Lodéon, ce drôle de nom, il l’adore. Son histoire n’est pas banale. Il pense qu’il vient de la troupe de l’Odéon qui était partie en tournée à Saint-Pierre, en Martinique. L’une des comédiennes enceintes serait à l’origine de sa lignée. Elle aurait confié son enfant, "un batard", à un planteur de l’île qui l’aurait surnommé Lodéon en mémoire de la troupe d’artistes. Il se peut même que cette comédienne se nommât Marie Dorval et son amant Alexandre Dumas père. "Mais ce serait trop beau", s’amuse Frédéric Lodéon.

 

#3 Des Victoires de la musique à Bach

Frédéric Lodéon a présenté pendant 28 ans le Carrefour de Lodéon d’abord sur France inter puis sur France musique. Il a aussi animé pendant 17 années successives les Victoires de la musique classique sur France 3. C’était assez éprouvant selon lui, car il avait l’impression d’être "le gars de la radio, le spécialiste de la musique classique qu’on supportait, mais à qui on faisait comprendre que la vedette, c’était le présentateur de la télévision".

Mais il garde de bons souvenirs aux côtés de Patrick de Carolis, Marie Drucker et Leïla Kaddour-Boudadi. Il se souvient notamment de cette édition des Victoires de la musique dans laquelle il avait dû "combler", parler très longtemps, car un violoniste avait été oublié dans sa loge.

Frédéric Lodéon et Leïla Kaddour-Boudadi

Toujours de bonne humeur, Frédéric Lodéon avoue être "porté par l’enthousiasme". Depuis 1989, date à laquelle il s’est blessé au poignet au point de ne pas pouvoir jouer du violoncelle, il a toujours réussi à rebondir. Il se souvient notamment de sa première expérience de chef d’orchestre à bord du mythique paquebot, le France en 1989. Son maître, Rostropovitch, avait du mal à comprendre sa carrière de soliste devenu présentateur à la radio et à la télévision. Mais il a fini, lui aussi, par venir régulièrement parler musique au Carrefour de Lodéon. Son présentateur a toujours eu un don inné pour raconter la musique classique. Avec Frédéric Lodéon, on a en effet l’impression que Jean-Sébastien Bach est toujours vivant.

Prise de son : Bruno Dessommes

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Pot de départ à Radio France pour Frédéric Lodéon

 

♦♦Frédéric Lodéon en 5 dates ♦♦♦

►26 janvier 1952

Naissance à Paris

1977

Premier grand prix au concours de violoncelle Rostropovitch

1990

Frédéric Lodéon lance Musique Maestro ! sur FR3

►1992 à 2020

Carrefour de Lodéon d'abord sur France Inter puis sur France musique

2002 à 2018

Co-présentateur des Victoires de la musique classique sur France 3