Aides-soignants, ambulanciers, syndiqués ou non, ils partagent un profond malaise lié à leurs conditions de travail. Personnels soignants de l'hôpital Delafontaine en Seine-Saint-Denis, ces ultramarins ont accepté de partager les raisons de leur désarroi qui mène à la grève de ce 5 décembre.
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En pénétrant dans l’immeuble, on passe devant le service de la maternité. Il faut traverser un large couloir. Sur la droite, une demi-douzaine de patients attend près des machines à café. Au fond de la cour, coincé entre le parking et le service du Samu, il y a les bureaux des ambulanciers, situés dans un bâtiment sobre de l'hôpital Delafontaine.
Ce Guadeloupéen aimerait pourtant participer à la grève du 5 décembre. Patrice explique pourtant qu'il n’ira pas manifester ce jour-là car les ambulances travaillent en service continu et qu’il doit assurer le déplacement des malades. Depuis le départ en retraite de huit ambulanciers de son service, aucun n’a été embauché, selon Patrice. Ce manque d’effectif aboutit à une surcharge de travail.
"Les gars ont commencé depuis 8 heures ce matin, il est bientôt 14h et ils ne sont toujours pas rentrés manger. Des patients qui ne sont pas prêts lorsqu’on vient les chercher, ou là par exemple aujourd’hui, des patients sont en réanimation aux urgences et mes gars sont obligés d’attendre.Tout cela n’est pas pris en compte dans nos salaires", explique Patrice, dépité.
Pour assurer toutes les courses, le responsable adjoint doit faire appel à des prestataires extérieurs. Patrice n'est pas satisfait du « plan d’urgence pour l’hôpital » annoncé le mercredi 20 novembre dernier, par la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn. Aucune mesure ne concerne son service. Il aurait aimé que les heures supplémentaires travaillées soient payées. Aujourd'hui elles sont transformées en repos compensatoire. Les ambulanciers, comme les personnels soignants, continuent la grève malgré les annonces du gouvernement.
Pour elle, le 5 décembre sera un jour de repos. Elle ne viendra pas à la manifestation : "je suis tellement fatiguée, je vais rester à la maison, j’ai une fille, il faut s’en occuper, c’est du travail", explique cette maman originaire de Sainte-Anne. Alexandra gagne 1500 euros par mois pour son poste d’aide-soignante aux urgences. Pour elle, le vrai problème, c’est le sous-effectif et la fermeture de lits. "A Saint-Denis, il n’y a pas assez de médecins généralistes ni de professionnels pour toute la population, du coup les gens ont le réflexe de venir aux urgences. Mais ici, les équipes sont surchargées et on est obligés parfois de travailler 12 heures de suite", explique-t-elle.
Les données chiffrées de France Info soulignent que les structures (publiques et privées confondues) ont accueilli 21 millions de patients aux urgences en 2016 contre 10,1 millions en 1996 soit une fréquentation qui a doublé en 20 ans. Un rapport de la Drees souligne également qu’en 20 ans, près de 100 000 lits ont été supprimés.
Il explique qu’avec plus de 35 000 passages par an aux urgences, la situation est critique. Pour lui : "l’hôpital public est dans une phase de régression parce que les soins se dégradent. " Il estime que le milliard et demi d’euros annoncé par le gouvernement n’est pas suffisant car le problème est aussi celui du recrutement. "Quand vous avez 6 heures d’attente aux urgences, on voit bien qu’il y a une pénurie d’infirmiers et d’aides-soignants", argumente Lucien.
Parmi eux, Ruddy Leticee, ambulancier guadeloupéen de 51 ans, dénonce le matériel défectueux. "Nos fauteuils sont abîmés, les roues sont usées, dégonflées. On vient à peine de recevoir deux nouveaux fauteuils mais nos brancards ne sont pas adaptés à la voiture, c’est de la ferraille, du bas de gamme. On force plus à pousser le brancard qu’à s’occuper du patient", dénonce Ruddy.
Il mange rapidement dans la salle de pause, au fond du local. Moins d’un quart d’heure après son arrivée, le téléphone sonne déjà. "Normalement on a 50 minutes pour manger mais aujourd’hui ce sera plus de l'ordre de 20-30 minutes parce qu’on a encore plusieurs courses". Ruddy est entré à l’hôpital Delafontaine en mai 1998. Après 21 ans de service, il gagne 1653 euros par mois. Il ira manifester le 5 décembre.
Devant la bâtisse, des tables et des chaises sont installées. A l’intérieur, Patrice Najos est seul. Il s’affaire à la tâche, un grand cahier sous les yeux. Son téléphone sonne en permanence. "Oui allo, non on a dit 13h15 pour le départ, pas 13h15 l’arrivée, notre équipe arrive, ne vous inquiétez pas madame", répond le régulateur guadeloupéen, responsable du service des ambulanciers depuis dix ans.
Des ambulanciers surchargés
"Depuis ce matin vous voyez, il y avait cinq courses prévues dans mon cahier, j’ai déjà eu huit rajouts des différents services, donc on ne peut pas se permettre de bloquer les ambulances… C’est pas possible !"Ce Guadeloupéen aimerait pourtant participer à la grève du 5 décembre. Patrice explique pourtant qu'il n’ira pas manifester ce jour-là car les ambulances travaillent en service continu et qu’il doit assurer le déplacement des malades. Depuis le départ en retraite de huit ambulanciers de son service, aucun n’a été embauché, selon Patrice. Ce manque d’effectif aboutit à une surcharge de travail.
Comment voulez-vous qu’on fasse plus avec moins, c’est juste pas possible !
Patrice Najos, responsable adjoint du service des ambulances à l’hôpital Delafontaine
le malaise des personnels soignants ultramarins d'un l'hôpital de Saint-Denis
"Les gars ont commencé depuis 8 heures ce matin, il est bientôt 14h et ils ne sont toujours pas rentrés manger. Des patients qui ne sont pas prêts lorsqu’on vient les chercher, ou là par exemple aujourd’hui, des patients sont en réanimation aux urgences et mes gars sont obligés d’attendre.Tout cela n’est pas pris en compte dans nos salaires", explique Patrice, dépité.
Pour assurer toutes les courses, le responsable adjoint doit faire appel à des prestataires extérieurs. Patrice n'est pas satisfait du « plan d’urgence pour l’hôpital » annoncé le mercredi 20 novembre dernier, par la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn. Aucune mesure ne concerne son service. Il aurait aimé que les heures supplémentaires travaillées soient payées. Aujourd'hui elles sont transformées en repos compensatoire. Les ambulanciers, comme les personnels soignants, continuent la grève malgré les annonces du gouvernement.
Des aides-soignants sur-sollicités
Lorsque Alexandra (le prénom a été modifié) apprend que les infirmiers et aides-soignants - qui gagnent moins de 1900 euros par mois en région parisienne - percevront une prime annuelle de 800 euros net, cette Guadeloupéenne n'y croit pas trop. Elle explique sobrement que "ce serait une bonne chose" et ajoute qu’elle n’était pas au courant.Pour elle, le 5 décembre sera un jour de repos. Elle ne viendra pas à la manifestation : "je suis tellement fatiguée, je vais rester à la maison, j’ai une fille, il faut s’en occuper, c’est du travail", explique cette maman originaire de Sainte-Anne. Alexandra gagne 1500 euros par mois pour son poste d’aide-soignante aux urgences. Pour elle, le vrai problème, c’est le sous-effectif et la fermeture de lits. "A Saint-Denis, il n’y a pas assez de médecins généralistes ni de professionnels pour toute la population, du coup les gens ont le réflexe de venir aux urgences. Mais ici, les équipes sont surchargées et on est obligés parfois de travailler 12 heures de suite", explique-t-elle.
Les données chiffrées de France Info soulignent que les structures (publiques et privées confondues) ont accueilli 21 millions de patients aux urgences en 2016 contre 10,1 millions en 1996 soit une fréquentation qui a doublé en 20 ans. Un rapport de la Drees souligne également qu’en 20 ans, près de 100 000 lits ont été supprimés.
Des urgences bondées
Le malaise des urgences à l’hôpital Delafontaine touche particulièrement les urgences pédiatriques. Lucien Novels, délégué syndical CGT et aide-soignant depuis 1991 connait bien le problème. Ce Martiniquais de 57 ans s’est rendu à la dernière manifestation le 14 novembre dernier.Il explique qu’avec plus de 35 000 passages par an aux urgences, la situation est critique. Pour lui : "l’hôpital public est dans une phase de régression parce que les soins se dégradent. " Il estime que le milliard et demi d’euros annoncé par le gouvernement n’est pas suffisant car le problème est aussi celui du recrutement. "Quand vous avez 6 heures d’attente aux urgences, on voit bien qu’il y a une pénurie d’infirmiers et d’aides-soignants", argumente Lucien.
Du matériel défectueux
"Ici, il y avait 19 personnes et aujourd’hui nous ne sommes plus que 11 pour gérer tous les services, soit plus de 700 lits", explique Patrice Najos. Il est 14h et son équipe d'ambulanciers est de retour pour déjeuner.Parmi eux, Ruddy Leticee, ambulancier guadeloupéen de 51 ans, dénonce le matériel défectueux. "Nos fauteuils sont abîmés, les roues sont usées, dégonflées. On vient à peine de recevoir deux nouveaux fauteuils mais nos brancards ne sont pas adaptés à la voiture, c’est de la ferraille, du bas de gamme. On force plus à pousser le brancard qu’à s’occuper du patient", dénonce Ruddy.
Il mange rapidement dans la salle de pause, au fond du local. Moins d’un quart d’heure après son arrivée, le téléphone sonne déjà. "Normalement on a 50 minutes pour manger mais aujourd’hui ce sera plus de l'ordre de 20-30 minutes parce qu’on a encore plusieurs courses". Ruddy est entré à l’hôpital Delafontaine en mai 1998. Après 21 ans de service, il gagne 1653 euros par mois. Il ira manifester le 5 décembre.