Beaucoup parlent de saut dans l'inconnu après la chute du gouvernement Barnier ce mercredi 4 décembre. Le seul antécédent connu d'une motion de censure entraînant la démission d'un gouvernement sous la Vᵉ République remonte en effet à 1962. Pour comprendre les impacts d'un tel événement politique sur les territoires ultramarins, Outre-mer la 1ère a interrogé Benjamin Morel, constitutionnaliste, docteur en sciences politiques et maître de conférences à Paris II Panthéon-Assas.
Outre-mer la 1ère : Quelles sont les conséquences directes de la motion de censure sur les Outre-mer ?
Benjamin Morel : Parmi ces conséquences, il y a d’abord un retard sur un certain nombre de sujets qu'il faudrait potentiellement commencer à traiter de manière relativement urgente, je pense notamment à la Nouvelle-Calédonie.
Pour le reste, on a une situation budgétaire Outre-mer qui est également extrêmement compliquée, on a eu des négociations en la matière et là, la chose est évidemment suspendue.
Par ailleurs, il y a encore des possibilités et des voies pour faire adopter un budget d'ici au 31 décembre 2024, les budgets ne se sont pas évaporés avec la chute du gouvernement. Donc je crois qu'il faut bien prendre conscience du blocage politique évidemment, mais qu'il ne faut pas le penser non plus comme étant totalement insurmontable à ce stade-là.
Les textes qui ont été engagés continuent-ils d'être travaillés ou le nouveau gouvernement reprendra-t-il tous ces travaux à zéro ?
Tout dépend de la volonté politique du nouveau gouvernement. Les projets de loi déposés demeurent en discussion et ils peuvent être examinés. À voir si ce nouveau gouvernement souhaitera reprendre ces textes ou s’il souhaitera en déposer de nouveaux.
A priori, si jamais on a un nouveau gouvernement dans les prochains jours, ce qui apparaît comme étant extrêmement probable, ce sera un gouvernement qui reposera à peu près sur les mêmes équilibres politiques. Donc il n'y a pas vraiment de raison que les équilibres fondamentaux en la matière soient profondément rebattus.
Pour l’instant, les ministres du gouvernement Barnier expédient les affaires courantes comme c'était le cas pour le gouvernement Attal il y a quelques mois en juillet-août et donc ce faisant, ils ont un pouvoir qui est un pouvoir existant mais qui reste limité pour ne pas dire résiduel. Cela n’empêche pas qu'ils puissent prendre des mesures d'urgence si jamais il y a des soucis qui soient économiques ou sécuritaires, toute mesure d'urgence peut être prise par un gouvernement démissionnaire.
Après, on n'est pas en juillet, c'est-à-dire qu'il est très probable qu'Emmanuel Macron n'attende pas 51 jours avant de nommer un nouveau Premier ministre. On devrait avoir un nom de Premier ministre dans les prochains jours et un gouvernement nommé au plus tard dans la semaine prochaine ou la semaine d'après. Donc la période d'expédition des affaires courantes devrait cette fois-ci être très limitée.
Si le budget 2025 n'est pas voté d'ici à la fin de l'année, celui-ci sera gelé sur la base du budget 2024 ?
En théorie oui, mais il faut mettre de gros bémols à cela. Le premier bémol, c'est que les lois spéciales qui permettent justement de prélever les ressources sur la base de 2024 peuvent quand même être amendées et modifiées. On n'a pas de recul mais on pense qu'aucun juge ne censurera une loi sur le principe qu’elle irait trop loin en matière de modulation par rapport à ce qui s'est fait sur l'année 2024.
Donc s'il y a des urgences qui peuvent être considérées sur l'Outre-mer, elles pourraient figurer dans ces lois spéciales. Celles-ci pourraient permettre éventuellement de débloquer certains crédits d'urgence notamment pour la Nouvelle-Calédonie. Pour le reste, ces lois spéciales nous obligent malgré tout à voter un budget, c'est-à-dire que c'est une solution temporaire.
Donc si on veut un budget dans les clous, il faut le voter avant le 31 décembre 2024 et il n'y aura absolument aucune conséquence. Si jamais il est voté après 31 décembre à la suite d’une loi spéciale, tout dépend ce que l'on mettra dans celle-ci. Plus vous votez rapidement votre budget 2025 et moins les conséquences de cette absence de budget se feront ressentir. Si c'est un retard de quelques jours, ce n’est clairement pas grave. Si c'est un retard d'un mois ou deux, c'est dommageable mais largement surmontable. Si c'est un retard de neuf mois, là on est vraiment dans la panade.