Guyane : décision sur la poursuite du mouvement attendue, la population partagée

Le collectif "Pou La Gwiyann dékolé" doit s'exprimer ce jeudi 6 avril. Une décision sur la poursuite du mouvement est attendue dans la journée. La population est partagée.
Le collectif "Pou La Gwiyann dékolé" a promis de "durcir" le mouvement de contestation entamé il y a plus de deux semaines en Guyane, après une brève occupation "symbolique" du Centre spatial de Kourou, mais la population est partagée sur la poursuite de ces actions.

Une décision dans la journée

"La décision sera prise" jeudi, a indiqué l'une des membres du collectif à l'AFP, sans plus de précision. Aucun élément formel sur la poursuite ou l'interruption du mouvement n'a pour l'instant filtré.

Les Guyanais se montraient extrêmement partagés au sujet de la poursuite du blocage, dont l'organisation passe essentiellement par les réseaux sociaux et certaines radios. Dans le centre-ville de Cayenne jeudi, la plupart des magasins avaient rouvert leurs portes et les passants étaient plus nombreux malgré la pluie battante. "Le jusqu'au boutisme est l'apanage des nantis", pestait un Guyanais, ciblant les "fonctionnaires" dans un groupe de discussion WhatsApp, constamment abreuvé de messages. "Il n'y aura plus d'adhésion large si des gens crèvent de faim et que l'activité s'effondre", affirmait un autre participant à la discussion, alors qu'un troisième appelait à aller "au bout des choses".

Blocage économique

Une "grève générale illimitée" a été décrétée le 25 mars en Guyane. Mais l'activité économique, du fait des barrages installés dans les villes, est arrêtée de fait depuis plus de deux semaines. Le blocage du port de Cayenne, par lequel passent plus de 90% des importations et exportations de la Guyane, provoque en outre des pénuries. Dans les supermarchés, les rayons de produits frais sont complètement vides.

Dans Cayenne, l'immense majorité des magasins était encore fermés mercredi soir. La circulation automobile avait toutefois légèrement repris.
Le collectif dans les locaux du Centre Spatial Guyanais.

Démonstration de force

"On a voulu montrer qu'on pouvait prendre possession de tous les espaces, même stratégiques, de Guyane. C'était une démonstration de force", a indiqué à un journaliste de l'AFP Manuel Jean-Baptiste, à propos de l'occupation durant 24 heures du Centre spatial guyanais (CSG) à Kourou. Le retrait s'était décidé après la tenue à l'Elysée d'un conseil des ministres qui a validé un plan d'urgence de plus d'un milliard à destination de la Guyane.

Pas un incident

François Hollande a affirmé que le gouvernement devait à la fois faire preuve de "dialogue" et de "responsabilité", avait rapporté le porte-parole, Stéphane Le Foll. Soulignant "le travail qui a été fait" par les ministres Matthias Fekl (Intérieur) et Ericka Bareigts (Outre-mer), le chef de l'Etat "a salué leur courage face à des moments où l'intimidation a(vait) pris le pas sur le dialogue", avait indiqué Stéphane Le Foll, ce qui avait fait pouffer de rire les protestataires présents au CSG, quand les manifestations guyanaises, depuis deux semaines, n'ont pas connu "un seul incident".

Alors que les "428 propositions du collectif" guyanais ont "été travaillées en totalité" et que le plan gouvernemental y répond "à hauteur de 75%", la ministre des Outre-mer a indiqué, depuis le perron de l'Elysée, que le gouvernement ne souhaitait pas "engager l'Etat sur des mesures qui n'auraient pas demain de réalité". Bernard Cazeneuve a annoncé de son côté dans un entretien au quotidien régional France-Guyane qu'un "groupe de suivi" allait être mis en place pour "poursuivre les discussions" sur le plan d'aide.
Najat Vallaud-Belkacem, Matthias Fekl, Ericka Bareigts et Stéphane Le Foll à l'issue du conseil des ministres

3,1 milliards d'euros demandés

Le collectif "Pou La Gwiyann dékolé", qui pilote le mouvement, avait exigé dimanche 2,5 milliards d'euros "tout de suite", en tenant compte du milliard d'aide d'urgence. Il demande désormais 3,1 milliards d'euros. "Nous voulons faire que les mesures qui sont prises aujourd'hui soient des mesures réalisables, financées et qui seront réalisées", a répété la ministre. "Les trois milliards, ce n'est pas pour tout de suite. On peut gratter ici ou là pour répondre à nos revendications légitimes", a réagi le député Gabriel Serville (PSG).