Angélique comment survivez-vous dans cette LFH (Ligue Féminine de Handball) très difficile face à des villes comme Paris, Brest ou Metz. Arrivez-vous à vous faire une place dans la cour des grands ?
On survit très bien, on est soutenu par notre ville qui est à fond derrière nous. D’ailleurs on va avoir un bel outil avec une grande salle de 1000 places au complexe sportif des Ambrosis dès le 16 septembre contre Nice. La petite salle c’était bien pour le maintien, on recevait les adversaires dans un petit chaudron avec beaucoup d’ambiance. Mais là on veut passer un cap sportif et les résultats feront qu’on sera encore plus soutenus. C’est logique. A nous de faire le travail pour avoir des moyens financiers et pouvoir peut être recruter des joueuses de très haut niveau pour grandir encore.
Il faut prendre du temps, bâtir pierre après pierre, ne pas se brûler les ailes et faire ça avec patience. En ce sens ce projet me plaît.
Vous êtes un peu les irréductibles gauloises du sud, les petites dans la cour des grandes, allez-vous cibler certains matchs ?
Ici c’est le sud. Déjà on est collé à Marseille, mais Plan-de-Cuques c’est un petit village avec un vrai public. On est à notre place, on a les armes aujourd’hui pour aller un peu plus haut que le bas de classement. On ne va pas se mentir on ne va pas jouer le haut du tableau, on va être honnêtes et lucides. Mais on a de quoi embêter les gros ou battre celles qui, sur le papier, sont un peu plus fortes que nous. Il faudra travailler dur et faire les efforts pour ces objectifs de résultats.
L’idée de cette année est de ne parler maintien ou de cocher un match plus qu’un autre dans le calendrier. On va jouer tout à fond, se donner l’opportunité de battre tout le monde car c’est la meilleure façon pour nous de progresser sportivement.
A Plan-de-Cuques on ne va pas jouer le titre mais on ne s’interdit rien et nous avons de l’ambition
Angélique Spincer, entraîneur Handball Plan-de-CuquesOutre-mer 1ère
Existe-t-il un style à la Spincer, hérité de ton père ou de ton frère ?
Je dirai peut-être d’abord hérité de mon vécu d’ancienne joueuse internationale. Avant tout ce que je demande aux filles c’est de la rigueur, de l’exigence et de la bonne humeur. J’aime que les choses filent droites et les filles le savent. Tant qu’on se respecte les unes les autres et que les choses édictées sont respectées il n y a aucun problème. Avec mon père (directeur du centre de formation du PSG handball) et mon frère (entraîneur à Bléré en Prénationale hommes) on est dans l’échange, dans la confrontation des idées, dans la discussion mais pas dans les conseils. Le handball on connaît et on sait comment faire pour améliorer les choses. On transmet aussi et on apprend. Je suis coach depuis 2017, j’ai démarré à la Stella Saint-Maur, ça fait donc six ans mais peu importe l’expérience, les joueuses ne sont pas les mêmes. J’apprends tous les jours et j’aime partager ce que j’ai vécu et ce que je vis, c’est ce qui fait la richesse de notre métier
Plus précisément dans cette Ligue Butagaz Energie ?
On fait comme tous les coaches, bien défendre et beaucoup courir, on travaille là-dessus depuis trois saisons. La nouvelle règle de l’engagement rapide va permettre aussi d’aller plus vite (Ndlr on n’est plus obligé de poser le pied sur la ligne médiane du terrain avec un temps d’arrêt pour engager, on peut désormais courir dans le cercle central pour réengager vite sans arrêt). Et on a recruté cette saison des filles qui vont apporter un plus, comme l’internationale Tchéque Kamila Kordovska. Mais aussi des jeunes Françaises prometteuses comme Maëlys Kouaya en pivot, Clara Vaxes en demi-centre ou la gardienne Andrea Novellan. Avec notre meneuse locale Manon Grimaud on espère que la mayonnaise va vite prendre pour récupérer des points importants.
Depuis le titre olympique de Tokyo, as-tu constaté que le public aime encore plus ce handball féminin qui évolue sans arrêt ?
Oui, on a un peu plus de licences féminines au club, ça attire plus de monde, après c’est normal quand on reçoit Brest ou Metz car il y a les internationales qui viennent jouer. Les titres nous font du bien, maintenant on a toute le pression du monde pour aller chercher l’or à Paris 2024
Le hand a changé et surtout évolué, les staffs s’étoffent et ça nous permet, nous coaches, de déléguer. Sur le terrain c’est plus rapide, ça court, c’est plus physique et les filles encaissent plus de charge de travail. Mais on est vraiment axés sur l’équipe et c’est ça qui est important.
Tu évoques Paris 2024, vous les cadres du handball, avez un plan de travail dans ce sens ?
Non on a d’abord un projet sportif avec un esprit club. On aimerait faire progresser nos jeunes joueuses pour les emmener en équipe de France et voir ce qui se fait de mieux dans les compétitions internationales. On a d’ailleurs ciblé quelques joueuses et je les aiderai. J’ai vécu des émotions que certaines ne vivront jamais, je pense qu’on peut aller beaucoup plus loin. Jouer contre le meilleures, contre des internationales c’est irremplaçable et je pousse mes filles vers cette ambition.
Il faut que ça se rééquilibre avec les Antilles. La Réunion doit revenir sur le devant de la scène en terme de formation avec un vrai projet équipe de France pour ses jeunes.
Angélique Spincer, entraîneur Handball Plan-de-Cuques
Tu as toujours le cœur réunionnais. Avec ton père et ton frère, la famille Spincer est connue et tout le monde vous regarde, vous êtes des exemples ou des guides pour les jeunes filles de l’Ile. En-as-tu conscience ?
Pas forcément, car depuis un moment le lien s’est un peu éteint entre la Réunion et moi. J’ai arrêté les camps d’entraînement dans lesquels j’allais tous les étés, du coup j’ai moins l’œil sur les petites pépites évoluent dans l’île. J’aimerai que ça revienne au goût du jour car il y a plein de choses à faire et d’abord réalimenter l’équipe de France avec des Réunionnaises. Et si ça pouvait se refaire ce serait avec plaisir que je reviendrai sur place filer un coup de main aux cadres techniques.
Tu es la seule femme d’outre-mer à entraîner une équipe professionnelle, c’est assez rare, comment l’expliques-tu ?
Je sais que j’ai travaillé pour ça en faisant des formations, mais c’est un travail qui n’est pas évident, et pas forcément ouvert aux jeunes et aux femmes d’outre-mer. J’invite les jeunes femmes à se lancer, car il y a des opportunités et il faut les saisir. Pour moi vivre avec le handball c’est toujours aussi intense et je l’ai au fond du cœur.