Les hommages des ultramarins après la mort de Toni Morrison, prix Nobel de littérature

Toni Morrison à Paris, le 5 novembre 2010, lors de la cérémonie d'inauguration d'un banc commémorant l'abolition de l'esclavage.
La mort de Toni Morrison, première écrivaine afro-américaine à recevoir le prix Nobel de littérature, a provoqué une pluie de réactions et d'hommages dans le monde entier. Elle avait inspiré de nombreux ultramarins.
Après l'annonce de la mort de l'écrivaine Toni Morrison, première femme afro-américaine à recevoir un prix Nobel de littérature en 1993, les hommages se multiplient de toutes parts. Toni Morrison a marqué l'histoire de la littérature, par ses oeuvres et son engagement pour l'égalité entre toutes les personnes, pour les droits des Noirs.

Vingt-cinq ans après ce premier Nobel pour une femme noire, l'écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé a reçu un prix Nobel alternatif de littérature en décembre 2018. Au lendemain de la disparition de Toni Morrison, l'autrice des livres Le cœur à rire et à pleurer ou encore Tituba la sorcière a souligné l'engagement de l'écrivaine américaine.
 

C'est un écrivain qui faisait de son mieux pour vaincre des choses auxquelles moi-même j'étais confrontée. Le racisme, l'ignorance, la relégation dans des domaines trop étroits qui empêchaient l'écrivain de s'exprimer comme il aurait voulu le faire. Je lisais avec intérêt ce qu'elle écrivait.
- Maryse Condé


Maryse Condé, jointe par Julie Straboni :

Maryse Condé sur Toni Morrison


"Elle était d'une lucidité extrêmement fine, extrêmement profonde", a souligné Christiane Taubira, ancienne garde des sceaux, sur France Inter, rendant hommage aux personnages "complexes", "contradictoires", "admirables" de l'autrice. Des personnages grâce auxquels Toni Morrison "est allée au plus profond de l'humanité, dans l'esclavage, au plus profond, au plus intime, au plus insupportable, au plus inconcevable", sans caricature. "Toni Morrison nous ramène constamment au monde".
 

Christiane Taubira : "Toni Morrison nous ramène au monde"


La femme politique guyanaise a également remercié l'autrice américaine sur Twitter, pour "l'amour" qu'elle a offert à tous, rendant "capables d'aimer le monde".
 
Un monde de rêves rendus possibles, selon Daniel Picouly. L'écrivain d'origine martiniquaise, interrogé sur France Inter, a expliqué que Toni Morrison avait, en plus de sa "valeur littéraire incontestable", une "valeur symbolique de ces gens qui sont déterminants, qui vous font penser que c'est possible". "Sa surface, son volume, ses personnages ont donné du sens à plein de rêves de gosses de toutes natures, de toutes origines et qui se sentent concernés", a-t-il ajouté. 
 

Daniel Picouly sur Toni Morrison

 

Combattants de la liberté

Descendante d'une famille d'esclaves, Toni Morrison a beaucoup écrit sur l'esclavage, la traite négrière et la colonisation. C'est d'ailleurs le thème de son roman Beloved (1987), qui lui a valu de recevoir le prix Pulitzer en 1988 et le prix Nobel de littérature en 1993. Deux prix à la renommée internationale pour honorer un ouvrage racontant l'histoire d'une ancienne esclave hantée par le fantôme de sa fille, qu'elle a tuée pour lui permettre d'échapper à une vie d'asservissement. "J'ai un souvenir précis de ma sidération quand j'ai lu Beloved, impossible de s'arracher à ce roman une fois que je l'avais ouvert", confie George Pau-Langevin, députée de Paris née à Pointe-à-Pitre. En 2010, alors adjointe à la culture à la mairie de Paris, elle avait assisté à la cérémonie d'inauguration d'un banc offert par la Toni Morisson Society. Un banc installé rue Delgrès dans le 20ème arrondissements de Paris, "afin de permettre aux combattants pour la liberté de se reposer sur leur route".

Regardez le reportage réalisé rue Delgrès Par Caroline Ferrer et François Brauge :
©la1ere

"Il convient maintenant de se poser la question [du vide intellectuel] à l'occasion de la disparition de Toni Morrison", s'est interrogé Georges Brédent, président du mémorial ACTe de Pointe-à-Pitre. L'autrice y avait été membre d'honneur d'un colloque sur l'impact de l'esclavage sur la psychologie des populations en octobre 2016. Dix ans plus tôt, elle était l'invitée du Musée du Louvre pour une conférence autour du thème "Étranger chez soi". Le musée a rendu hommage, sur Twitter, à "une grande dame" à la "programmation audacieuse". 
 
Louis Otvas et Jean-Louis Kerek avaient réalisé un reportage à cette occasion. Regardez :
©la1ere
 

Écrire l'Histoire

Son travail et son engagement pour ne jamais oublier, pour se découvrir et pour l'égalité, sont des facettes de Toni Morrison que beaucoup veulent garder en mémoire. "Elle connaissait son histoire et nous encourageait à écrire la nôtre !", a déclaré Ary Chalus, président du conseil régional de la Guadeloupe sur Twitter. 
 
Du côté de La Réunion, la députée Huguette Bello a lancé sobrement "je l'aimais", saluant "son combat pour la dignité et la liberté des hommes et des femmes".
 
Un combat "dans une Amérique profondément inégalitaire" et une "œuvre pour mettre des mots et des images sur cette réalité des afro-descendants", a noté Béatrice Bellay, première secrétaire de la fédération socialiste de Martinique. 
 
"Quel précieux cadeau de respirer le même air qu'elle, même pour un temps", a noté Barack Obama, qualifiant Toni Morrison de "trésor national". Le premier président noir des États-Unis avait remis la médaille de la liberté à Toni Morrison en 2012.