"Il faudrait un véritable plan Marshall pour l'enfance à Mayotte", alerte le Syndicat de la Magistrature

Le sort de nombreux enfants à Mayotte inquiète. (photo d'illustration)
La situation de l'enfance à Mayotte inquiète. Lors du 51e congrès du Syndicat de la Magistrature à Nice, le 26 novembre, une motion a été adoptée pour une protection effective de l'enfance à Mayotte. A l'origine de cette motion, Betty Baroukh, magistrate à Mayotte.
"Il faudrait un véritable plan Marshall pour l'enfance à Mayotte". Arrivée dans l'île il y a dix-huit mois à peine, Betty Baroukh, magistrate, savait "que les moyens allaient manquer", mais elle "n'imaginait pas une telle situation. Je me disais que si les structures adaptées n'existaient pas, elles étaient au moins en cours de déploiement, mais ce n'est pas du tout le cas".

"Ce département, aussi jeune, est une richesse dans une Europe vieillissante. C'est dommage d'en faire ça", déplore la magistrate jointe par La1ère.fr.

"Les moyens avancés pour ce départements français, qui est aussi une région ultrapériphérique de l'Europe, ne sont pas en adéquation avec la situation actuelle"



Écoles surchargées, absence de structure spécialisée

Betty Baroukh a donc décidé de tirer la sonnette d'alarme en présentant une motion adoptée à l'unanimité au 51e congrès du Syndicat de la Magistrature, dimanche 26 novembre, à Nice.

"Alors que la moitié de la population a moins de dix-sept ans, que plusieurs milliers d'enfants sont non accompagnés, les dispositifs de prise en charge sont limités, voire inexistants dans tous les domaines", écrit Betty Baroukh dans cette motion. Membre du syndicat, elle pointe du doigt "les écoles surchargées et dépassées, l'absence de structure spécialisée pour les troubles psychiques de l'enfant, ou encore l'absence de véritables alternatives à la détention provisoire".

"Nous, nous constatons les échecs, explique la magistrate. Quand un mineur de moins de 15 ans commet des faits de nature criminelle, c'est déjà trop tard. Pourtant, les mineurs en difficultés auraient pu être signalés plus tôt".

"Des difficultés psychiques, des troubles du comportement avec les parents ou des absences répétées auraient pu être remarquées dès l'école, mais par manque de moyen et de personnel, les écoles ne peuvent pas avoir de véritable suivi des enfants et signaler leurs difficultés".


Conséquence : "il y a une surreprésentation des jeunes mineurs au pénal ici à Mayotte", affirme Betty Baroukh qui estime que c'est "aux pouvoirs publics d'agir", dans ce département déjà en "situation de grande pauvreté et de tensions".


Trop peu d'alternatives à la prison

"Selon des textes internationaux ratifiés, tout magistrat ne devrait mettre un enfant en prison que lorsqu'il a étudié toutes les autres possibilités, explique Betty Baroukh. Mais à Mayotte, on a trop peu d'alternatives à la détention. Le panel ne nous permet pas d'individualiser la réponse pénale".

"Il y a prison de Majicavo au nord de Mayotte, un foyer d'accueil de douze places seulement, des familles d'accueil mais qui vivent souvent dans des habitats rétrécis avec plusieurs enfants. Il est donc difficile d'y placer des mineurs, surtout quand il s'agit d'affaires criminelles. Enfin, il y a des centres éducatifs, mais ils sont situés à La Réunion. Alors pour des mineurs originaires des Comores qui ont déjà subi un premier déracinement, c'est difficile de leur en imposer un autre".

Plusieurs rapports

Cette motion du Syndicat de la Magistrature dénonce la situation, demande des moyens à l'Etat pour faire respecter les droits de l'enfant à Mayotte, et exige aussi un état des lieux pluridisciplinaire de la situation. Ce n'est pas la première fois qu'une telle alerte est lancée.

En 2015 déjà, le sort de nombreux enfants à Mayotte inquiétait le défenseur des droits. Le 20 novembre dernier, Jacques Toubon a à nouveau rendu un rapport dans lequel il estimait que la situation des droits de l'enfant à Mayotte est très préoccupante.

"Partout dans le monde, l'enfance est un enjeu et à Mayotte encore plus. Pourtant, ce que l'on fait pour l'enfant à Mayotte aujourd'hui est loin d'être suffisant", conclut Betty Baroukh.