"La situation est catastrophique." Depuis son véhicule, la députée Réunionnaise Karine Lebon (Gauche démocrate et républicaine) peine à cacher son désarroi face au drame qui s'est déroulé ce week-end à Mayotte. Lundi 16 décembre, deux jours après le passage dévastateur du cyclone Chido sur l'île aux parfums, les élus de la Délégation aux Outre-mer de l'Assemblée nationale se sont réunis. Avec, à l'ordre du jour, la situation gravissime dans laquelle se trouve le département de l'océan Indien.
Karine Lebon, actuellement dans sa circonscription, participait à la réunion à distance. Dans la matinée, elle est allée à la rencontre de la délégation du Département de Mayotte présente à La Réunion. "Même eux ne savent pas comment faire face à la situation", décrit-elle à ses collègues. Les familles mahoraises installées à La Réunion n'ont plus de nouvelles de leurs proches. Chacun craint le pire.
Depuis Paris, le député Jean-Hugues Ratenon (La France insoumise), lui aussi élu de La Réunion, fait aussi part de son effroi, alors qu'aucun bilan officiel n'a été communiqué par les autorités. "Les bangas ont explosé, rappelle-t-il. Mais où sont les gens ?".
Invité sur Mayotte la 1ère dimanche soir, le préfet du territoire, François-Xavier Bieuville, s'est montré pessimiste sur le nombre de victimes potentielles qu'a laissé le cyclone. "Je pense qu'il y aura certainement plusieurs centaines [de morts], peut-être approcherons-nous le millier, voire quelques milliers." Mais il ne se fait pas d'illusions, face à l'ampleur de la catastrophe : "On ne pourra pas décompter toutes les victimes", alors que la tradition veut que, localement, les personnes décédées soient inhumées le plus vite possible, rendant leur recensement hasardeux.
"L'urgence, c'est l'alimentaire et l'eau"
Que faire, maintenant ? "L'urgence, c'est l'alimentaire et l'eau. L'eau, l'eau, l'eau", martèle Perceval Gaillard (La Réunion, La France insoumise). Le spectre d'un drame à venir pèse sur Mayotte. Là-bas, tout est détruit. Des renforts commencent à arriver. Mais des milliers de logements ont été balayés ou endommagés. L'eau du robinet est imbuvable. "Si on n'achemine pas très vite de l'eau à Mayotte, il va y avoir des morts en plus, avec tous les risques sanitaires qu'il y a derrière", anticipe le Réunionnais.
"Il faudra qu'on voit, nous, au niveau de la Délégation aux Outre-mer, ce qu'on pourra mettre en place comme action", dit le président de la Délégation, Davy Rimane (Guyane, Gauche démocrate et républicaine). Les parlementaires devront très certainement se pencher sur le vote d'aides d'urgence pour la reconstruction du territoire. "Il va falloir donner les moyens budgétaires à l'État d'intervenir", soutient le député de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf (Ensemble pour la République).
Certains députés membres de la Délégation ont fait des propositions concrètes pour aider le plus rapidement possible l'archipel dévasté. Steevy Gustave (Essonne, Écologiste) appelle le gouvernement à déclencher l'état de catastrophe naturelle. Yoann Gillet (Gard, Rassemblement national) enjoint l'État à demander des aides européennes. Stéphane Lenormand (Saint-Pierre et Miquelon, LIOT) propose que l'armée intervienne dans les plus brefs délais. Frantz Gumbs (Saint-Martin/Saint-Barthélemy, Les Démocrates) voudrait que les régulations soient assouplies pour être le plus efficace possible dans l'aide apportée à la population (par exemple, pouvoir importer de l'eau depuis les pays voisins de Mayotte, même si elle ne répond pas aux normes françaises).
Les prochaines heures, les prochains jours seront cruciaux pour Mayotte. "C'est une course contre-la-montre", dit le Réunionnais Jean-Hugues Ratenon. "Il faut éviter qu'il y ait d'autres morts, éviter une épidémie..."
Après leur réunion, les élus ont rejoint l'Hémicycle pour la discussion sur la loi spéciale qui doit permettre à l'État de disposer d'un budget au 1er janvier 2025, malgré la censure récente du gouvernement. En début de séance, l'ensemble des députés a observé une minute de silence en mémoire aux victimes du cyclone Chido. "La République se tient et se tiendra toujours aux côtés des Mahorais et des Mahoraises", a promis la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.