À l'occasion de la Journée internationale du coming out, deux jeunes ultramarins, Maureen et Louis, racontent leurs expériences en tant que membre de la communauté LGBT - lesbienne, gay, bisexuelle et transsexuelle - dans des territoires où l'homosexualité reste un tabou au sein des familles et de l'entourage.
Pour Maureen Soerjana, une jeune diplômée de 22 ans vivant à Maré, en Nouvelle-Calédonie, assumer sa bisexualité auprès de sa famille n'a pas été un problème. "Je n'ai pas fait de coming out officiel. J'ai toujours été très proche de ma mère. Donc lorsque je trouvais quelqu'un de joli, que ce soit un garçon ou une fille, je n'avais pas de problème à lui en parler."
En revanche, pour cette jeune femme de confession musulmane, la réaction la plus redoutée était celle de sa grand-mère. "J'avais peur de ce qu'elle allait dire. Mais à ma grande surprise, elle m'a répondu qu'elle ne voulait que mon bonheur", relate-t-elle.
Des violences plus virulentes qu'en métropole
Maureen assure bien vivre sa bisexualité. Mais elle convient tout de même que la communauté LGBT manque de visibilité en Nouvelle-Calédonie.
Dans l'Hexagone, il y a des librairies sur la communauté LGBT, des lieux où les auteurs homosexuels sont mis en avant... Il y a beaucoup d'informations sur ce qu'est l'homosexualité et la bisexualité. En Nouvelle-Calédonie, ces thématiques sont beaucoup moins visibles.
En 2018, un rapport publié par l'Assemblée nationale soulignait que la haine anti-LGBT était plus virulente en Outre-mer que dans l'Hexagone. Selon Laurence Vanceunebrock-Mialon, députée de l'Allier et une des auteures du texte, ces violences sont dues à l'insularité des territoires ultramarins : "C'est très compliqué pour ces populations d'aller taper à la porte d'une association venant en aide aux personnes LGBT", explique-t-elle. "Peuvent s'ensuivre des représailles ou des complications avec la famille et l'entourage". Car la particularité des Outre-mer, rappelle-t-elle, "c'est le caractère îlien de ces territoires : tout le monde se connaît".
Louis Corbiere, lui, ne craint pas la réaction de sa famille. "Je n'hésiterai pas à couper les liens", dit l'étudiant en danse, qui vit à Bordeaux depuis bientôt trois ans. Ce Réunionnais âgé de 20 ans est gay, mais n'a pas officiellement fait son coming out. "Je suis plus dans l'optique d'arriver directement avec mon copain à un évènement familial et de le présenter comme mon copain", dit-il.
Sa mère le sait déjà - "J'ai dû lui dire suite à des histoires de cœur" - et ça s'est "très très bien passé", relate l'étudiant. En revanche, pour son père, c'est plus compliqué. "Je sais qu'il n'est pas ouvert sur la question. Lorsque j'étais encore à La Réunion, il détestait mes cheveux longs. Pour lui, ça faisait "poupette", c'était très péjoratif".
Des progrès depuis le mariage pour tous
Venir en France pour faire ses études supérieures lui a permis d'assumer pleinement son homosexualité.
En arrivant à Bordeaux, j'ai commencé à déconstruire tout ce que j'avais appris à La Réunion concernant la sexualité.
Mais il souligne néanmoins qu'"il y a eu une énorme évolution" sur les questions LGBT dans la société réunionnaise. C'est aussi le constat que fait Maureen, depuis la Nouvelle-Calédonie : "Grâce aux débats sur le mariage pour tous [adopté en 2013], on parle davantage de ces sujets-là. Il y a de plus en plus de représentation de toutes les sexualités", avance-t-elle.
Les deux jeunes rappellent d'ailleurs que ce n'est pas parce qu'une personne homosexuelle vit en métropole qu'elle a moins de chance de se faire agresser. "À Bordeaux, quand je marche dans la rue et que je porte un crop top, c'est devenu normal de recevoir des insultes homophobes", dit Louis, qui estime que "la haine des inconnus est celle qui est plus violente".
Brice Armien Boudré, co-président de l'association Kap Caraïbes, qui vient en aide aux personnes LGBT en Martinique, tient à nuancer ces progrès récents. Même si des actions ont été menées pour lutter contre la haine anti-LGBT, comme l'ouverture d'une cellule d'écoute en 2019 ou la production d'un court-métrage, "Zanmi", informant sur les problèmes rencontrés par les gays et lesbiennes, "il reste beaucoup à faire", estime le Martiniquais.
Au ministère des Outre-mer, un appel à projets a été lancé en mai "pour soutenir les associations agissant en faveur des personnes LGBTI+ dans les territoires ultramarins". Dotée de 100.000 €, l'enveloppe devra permettre aux acteurs sur le terrain de sensibiliser les populations à la cause LGBT et de soutenir les victimes de haine homophobe. Originellement prévue le 15 septembre, l'annonce du ou des projets retenu(s) se fera la semaine prochaine, assure le ministère.