Île Maurice : la présidente, impliquée dans un scandale, va démissionner

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Le présidente de l'Île Maurice, Ameenah Gurib-Fakim, démissionnera de ses fonctions après les cérémonies du cinquantenaire de l'indépendance le 12 mars. Elle est impliquée dans un scandale financier. 
La présidente mauricienne Ameenah Gurib-Fakim, la seule femme chef d'État en Afrique, n'a pas résisté à la pression politique et démissionnera après les cérémonies du 50e anniversaire de l'indépendance le 12 mars, en raison de son implication dans un scandale financier. 

"La présidente de la République m'a confié qu'elle démissionnerait de ses fonctions. Nous sommes tombés d'accord sur la date de son départ, mais nous ne pouvons pas l'annoncer", a déclaré vendredi à la presse à Port-Louis le Premier ministre Pravind Jugnauth. Ce départ interviendra toutefois "peu après les célébrations du 50e anniversaire de l'indépendance", le 12 mars, et avant la rentrée parlementaire, le 27 mars, a-t-il ajouté, expliquant qu'à ses yeux "l'intérêt du pays passe avant tout".

Première femme présidente à l'Île Maurice

Seule femme chef d'État en Afrique à l'heure actuelle, Mme Gurib-Fakim, 58 ans, occupe son poste depuis juin 2015. Elle a succédé à Kailash Purryag, qui avait démissionné de ses fonctions, et est la première femme à occuper cette fonction honorifique dans l'histoire de l'île Maurice.

Scientifique et biologiste de renommée internationale, elle était depuis plusieurs jours sous forte pression, car accusée d'avoir utilisé une carte bancaire fournie par une ONG pour effectuer des achats personnels. Tout a commencé il y a dix jours quand le quotidien mauricien l'Express a publié des documents bancaires démontrant que la présidente avait utilisé à des fins personnelles une carte bancaire qui lui avait été remise par l'ONG Planet Earth Institute.

Liens avec un milliardaire angolais controversé

Basée à Londres, cette ONG est financée par le milliardaire angolais Alvaro Sobrinho, un homme d'affaires controversé qui depuis 2015 a tenté plusieurs fois d'investir à Maurice, selon l'Express, ce qui avait déjà déclenché des polémiques. Proche du pouvoir angolais, poursuivi au Portugal et en Suisse, M. Sobrinho aurait détourné plus de 600 millions de dollars de la Banco Espirito Santo Angola lorsqu'il dirigeait la banque, par le biais de sociétés-écrans alimentées par des opérations fictives de retraits d'espèces, avait révélé début mars le journal en ligne français Mediapart.

Selon l'Express, la carte avait été fournie à Mme Gurib-Fakim pour faire la promotion d'un programme de bourses. La présidente mauricienne n'a cependant pas utilisé la carte seulement à cette fin, mais aussi pour faire des achats personnels à l'étranger. Le montant de ces dépenses (bijoux, chaussures de marque etc), s'élève à au moins 25.000 euros, selon le quotidien. Mme Gurib-Fakim a reconnu les faits, mais a affirmé avoir remboursé l'argent utilisé à titre personnel en mars 2017.

La candidature de la présidente avait été présentée en 2015 par l'alliance Lepep (Le Peuple) au pouvoir, mais avait aussi fait l'unanimité dans l'opposition qui avait voté pour sa nomination. Elle a donc d'abord été soutenue par le gouvernement, et en particulier par le vice-Premier ministre Ivan Collendavelloo, pendant que l'opposition exigeait son départ.

Le premier ministre en lutte contre la corruption

Mais face au tollé provoqué par l'affaire dans cette archipel de l'océan Indien, M. Jugnauth, qui a promis aux Mauriciens d'en finir avec la corruption, a finalement décidé de lâcher Mme Gurib-Fakim. Le gouvernement, d'autant plus sous pression que ce scandale coïncide avec les cérémonies marquant le 50e anniversaire de l'indépendance vis-à-vis du Royaume-Uni, s'est résolu jeudi à lancer une procédure de destitution à son égard.

Mme Gurib-Fakim, qui estimait "ne rien devoir à personne" après avoir selon elle tout remboursé, a d'abord tenté de s'accrocher à son poste. Mais deux rencontres avec M. Jugnauth, jeudi et vendredi, l'ont finalement fait fléchir.

Elle est la dernière femme chef d'État en Afrique - même si cette fonction est purement honorifique à Maurice - depuis la fin du second mandat en janvier de la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf, qui était devenue en 2005 la première femme élue à ce poste sur le continent.