Incendies en Amazonie : Bolsonaro sous pression internationale, manifestations vendredi

Le ciel de Sao Paulo, noirci par des nuages provoqués par les nombreux incendies en Amazonie, le 21 août 2019.
Le président du Brésil, Jair Bolsonaro, fait face à de nombreuses critiques suite aux incendies qui ravagent l'Amazonie actuellement. Des manifestations sont également prévues dans le pays pour tenter d'alerter sur la situation du "poumon de la planète".
Les feux de forêt qui se propagent rapidement en Amazonie ont des répercussions internationales, l'ONU et le président français interpellant vivement le président brésilien Jair Bolsonaro tandis que se multiplient les appels à sauver le "poumon de la planète". M. Bolsonaro, un climato-sceptique, a accusé jeudi Emmanuel Macron d'avoir "une mentalité colonialiste", après que ce dernier a donné rendez-vous aux membres du G7 pour "parler de l'urgence" des feux en Amazonie à Biarritz ce week-end.

Dans deux tweets successifs, M. Bolsonaro a accusé M. Macron d'"instrumentaliser une question intérieure au Brésil et aux autres pays amazoniens" avec "un ton sensationnaliste qui ne contribue en rien à régler le problème".
 
"Le gouvernement brésilien reste ouvert au dialogue, sur la base de faits objectifs et du respect mutuel", a écrit le président d'extrême droite. "La suggestion du président français selon laquelle les affaires amazoniennes soient discutées au (sommet du) G7 sans la participation de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au 21e siècle".
 

Réunion de crise

M. Bolsonaro a participé à une réunion de crise en soirée à Brasilia. En matinée, il avait lancé une nouvelle charge contre les défenseurs de l'environnement, qui ont appelé à des manifestations vendredi dans le monde.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a déclenché la salve d'appels à sauver l'Amazonie en se disant sur Twitter "profondément préoccupé" par les incendies sévissant dans la plus vaste forêt tropicale du monde, dont 60% se trouvent en territoire brésilien.
 
"En pleine crise climatique mondiale, nous ne pouvons accepter davantage de dégâts sur une source majeure d'oxygène et de biodiversité", a écrit Antonio Guterres, réclamant que l'Amazonie soit "protégée".
 

"Notre maison brûle"

Peu après, c'est le président français qui exprimait son inquiétude, lui aussi avec un tweet, malencontreusement illustré d'une image prise par un photographe décédé en 2003, comme beaucoup d'autres tweets. "Notre maison brûle. Littéralement. L'Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu. C'est une crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de cette urgence".
 
Les appels pour l'Amazonie se sont également élevés du milieu sportif, avec Cristiano Ronaldo, qui a posté sur Twitter une photo de 2013 prise dans un Etat non amazonien, selon les fact-checkers de l'AFP. Et du show business, notamment la chanteuse américaine Madonna, qui a publié sur Instagram une photo de 1989, légendée: "Président Bolsonaro s'il vous plaît modifiez votre politique. Nous devons nous REVEILLER".
 
 

Manifestations dans le monde

Des manifestations étaient prévues pour l'Amazonie vendredi, à Sao Paulo et Rio. Le mouvement de la jeune Suédoise Greta Thunberg, égérie de la lutte contre le réchauffement climatique, "Fridays for Future", a appellé à manifester devant les ambassades et consulats du Brésil à travers le monde

Si l'avancée des feux dans la plus vaste forêt tropicale de la planète était très difficile à évaluer, l'Institut national de recherche spatiale (INPE) a fait état de près de 2.500 nouveaux départs de feu en l'espace de 48 heures dans l'ensemble du Brésil. La déforestation, qui avance rapidement, est la principale cause des départs de feu.
 
D'après l'INPE, 75.336 feux de forêt ont été enregistrés dans le pays de janvier jusqu'au 21 août - soit 84% de plus que sur la même période de l'an dernier - et plus de 52% concernent l'Amazonie.

Face à cette "tragédie", le président équatorien Lenin Moreno a proposé à son homologue brésilien l'envoi de trois brigades de pompiers spécialisés dans les incendies de forêt.
 

"Psychose environnementale"

Tandis que la presse brésilienne commençait à rapporter des problèmes respiratoires dans certaines villes, les feux affectant l'Amazonie sont restés jeudi au Brésil la première tendance sur Twitter, avec en illustration son inévitable lot de photos ou vidéos n'ayant aucun rapport avec "le poumon de la planète". Sous les mots-clés #Nasa et #AmazoniasSemONGs (Amazonie sans ONG), des internautes assuraient que des photos-satellite de l'agence américaine provenaient en fait de Bolivie ou soutenaient la charge anti-ONG du président.

Au coeur de la tempête après ses déclarations polémiques de la veille, Jair Bolsonaro a enfoncé le clou au sujet des "incendies criminels". Il a expliqué qu'il pourrait tout aussi bien accuser "les indigènes, les Martiens ou les grands propriétaires terriens". "Mais les plus forts soupçons pèsent sur les ONG", a-t-il dit. Mercredi Jair Bolsonaro avait déjà montré du doigt les ONG de défense de l'environnement. 
 

Attaques contre les ONG

"Les ONG perdent de l'argent, qui venait de la Norvège et de l'Allemagne. Elles n'ont plus d'emplois, elles essaient de me renverser", a-t-il assuré jeudi, en référence à la suspension par ces deux pays de leurs subventions au Fonds Amazonie affecté à la préservation de l'immense forêt tropicale.

Il a exprimé toutefois sa préoccupation pour les retombées économiques. "Si le monde entier commence à dresser des barrières commerciales (contre le Brésil) notre agro-négoce va chuter, l'économie va reculer (...). Cette psychose environnementale nous empêche d'agir", a-t-il dit.

Des représentants du puissant agro-négoce se sont aussi inquiétés de possibles appels à des boycottages de produits brésiliens. Dans une tribune, 118 ONG se sont élevées contre "l'irresponsabilité" présidentielle. "Bolsonaro n'a pas besoin des ONG pour cramer l'image du Brésil dans le monde entier", lit-on dans ce texte, qui dénonce un président "qui manipule l'opinion publique contre le travail réalisé par la société civile, avec des allégations irresponsables et inconséquentes".