Incompréhension en Polynésie après un changement sur l'indemnisation des victimes d'essais nucléaires

Alain Chrisnacht, président du CIVEN et la sénatrice Lana Tetuanui
Une disposition qui a modifié en décembre la loi sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires a provoqué l'incompréhension en Polynésie, poussant la Commission chargée de faire des propositions sur l'indemnisation à s'expliquer mercredi sur le sujet.
De 1966 à 1996, les atolls de Mururoa et Fangataufa ont été le théâtre de 193 essais nucléaires, qui ont eu des effets sur la santé et l'environnement des populations. La loi Égalité réelle Outre-mer, votée en 2017, a supprimé la notion de "risque négligeable" qui empêchait jusqu'alors quantité de malades d'être indemnisés au motif que le risque d'un lien entre un cancer et les impacts des essais était inférieur à 1%, c'est-à-dire "risque négligeable".
 

Nouvel amendement

Mais plusieurs associations polynésiennes de défense des victimes d'essais nucléaires se sont émues la semaine dernière d'un amendement, voté en décembre dans le cadre du budget 2019, qui introduit un nouveau seuil minimal d'exposition pour être indemnisé. L'amendement prévoit que pour être indemnisé par le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen), le malade doit réunir trois conditions légales (temps, lieu, pathologie) pour bénéficier "d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires reçue par l'intéressé a été inférieure à 1 millisievert (mSv)".
 

Marche arrière ?

La Commission chargée de faire des propositions sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, présidée par la sénatrice de Polynésie Lana Tetuanui a validé ce seuil en novembre, et le gouvernement l'a intégré en décembre par amendement dans la loi. Mardi, le député de Polynésie Moetai Brotherson a dénoncé dans une question orale une "marche arrière inacceptable". 
 

Justification

"Ce n'est pas un retour aux risques négligeables", a assuré mercredi Lana Tetuiani lors d'un point-presse. "Ne pas mettre de seuil, cela pouvait créer des contentieux", puisque toutes les personnes ayant un cancer en Polynésie (et présentes au moment des essais nucléaires) pouvaient alors prétendre à être indemnisées. "Pour faire en sorte que les indemnisations soient réservées aux victimes des essais nucléaires", il fallait "trouver un critère pour déterminer qui avait un cancer dû aux rayonnements des essais nucléaires et qui avait un cancer dû à d'autres causes", a ajouté Christian Christnacht, président du Civen.

Le Civen a pris ce critère du 1 millisivert, tiré du Code de santé publique, "qui dit que si on reçoit moins de 1 mSv, on ne peut pas avoir une maladie déclenchée par cette dose", dit-il. Avec ce seuil, expérimenté depuis un an, déjà 75 personnes ont vu leur dossier admis par le Civen contre seulement 11 entre 2010 et 2017.