Le spectacle est étonnant. Des hommes nus, le corps couvert de cendres, se rendent tôt le matin aux bains rituels du Sangam, le lieu sacré, au confluent du Gange, de la Yamuna et de la Saraswati. Ces quelques dizaines de milliers de Nagas Sadhus (saints hommes) font partie des stars de la Kumbh Mela. Portant encore parfois tridents, lances, épées… ils sont membres d’ordres religieux qui étaient autrefois des armées de mercenaires. Des ascètes qui ont gardé l’esprit de ce passé, comme l’exprime l’un d’entre eux, Sri Digambar Ishwargiri : "Nous, les Nagas, sommes les soldats de la religion (hindoue). Nous sauvegardons notre foi".
La présence et les processions avec tambours et cornes de ces vénérateurs de Shiva galvanisent les millions d’autres pèlerins comme Venkatesh Ramaling : "C'est une atmosphère vibrante où il y a beaucoup de grands saints. Et en les regardant, c'est une sorte d'environnement d'enthousiasme. Il y a beaucoup d'enthousiasme autour d'eux."
Certains spécialistes affirment même que les Nagas Sadhus seraient une des sources d’inspiration du mouvement rastafari (rasta) en Jamaïque, via l’immigration indienne dans l’île.
Un pèlerinage pour se purifier
Bains, prières, méditation, yoga, et autres rituels religieux organisés par des ascètes, émaillent le festival. Certains pèlerins restent durant les 6 semaines prévues.
À l'origine, selon les croyants, le Dieu Vishnu aurait arraché aux démons une cruche d'or contenant le nectar de l'immortalité. Des gouttes seraient tombées sur les quatre villes où se déroulent les Kumbh Mela depuis des siècles. Le bain rituel est censé purifier des péchés et libérer du cycle des renaissances. Vaishnavi Ramaling le ressent : "Après avoir pris un bain, je me sens vraiment bien et pleine de positivité." Venkatesh Ramaling renchérit : "Prendre un bain dans le Gange est vraiment, vraiment pacifiant, j'ai l'impression. C'est léger…"
L'évènement a lieu tous les 12 ans. Il devrait constituer un record historique. Plus de 400 millions de personnes devraient y avoir participé entre le 13 janvier et le 26 février. C'est, par exemple, plus de 200 fois la participation au pèlerinage musulman à la Mecque et à Médine l’année dernière.
Une organisation à l’échelle de l’évènement
Si généralement les pèlerins font l’aumône et vivent dans l’austérité durant la Kumbh Mela, ils ne sont pas abandonnés. Des bénévoles assistent ceux qui ont du mal à se débrouiller seuls. Des centres pour objets trouvés et même pour personnes égarées sont aussi là pour les aider.
Maiku Lal, un pèlerin de 65 ans, s’en félicite à la suite d’une disparition : "Mon neveu a réagi et m'a dit que sa tante était introuvable. Comme nous ne la trouvions pas, nous nous sommes tous mis à sa recherche. C'est alors que nous avons entendu une annonce par haut-parleur et, après avoir demandé autour de nous, nous avons atteint ce centre et l'avons trouvée."
En tout, 50 000 agents de sécurité sont mobilisés. 68 000 lampadaires, 3 000 cuisines, 150 000 toilettes et une cité de tentes ont été installés. Ghanshyam Misra, pèlerin de 56 ans est satisfait : "Il n'y a aucune difficulté concernant la nourriture, le logement ou l'eau potable."
Près de 750 millions d'euros auront été dépensés pour l'organisation de ce festival historique. Mais on n'a, semble-t-il, pas beaucoup hésité devant les coûts, car selon Narendra Modi, la Kumbh Mela incarne "l’héritage spirituel éternel de l’Inde". Le premier ministre indien nationaliste veut donc, à cette occasion, promouvoir et renforcer la culture hindoue.
Retrouvez ce reportage en images, avec le commentaire de Bruno Sat :