J’ai parlé Outre-mer avec Jean Lassalle…

Portraits de campagne
Portraits de campagne : le regard forcément subjectif de notre journaliste Serge Massau, sur la campagne électorale. Les candidats à l’élection présidentielle sous le prisme des Outre-mer. Une plongée en coulisses qui éclaire les dessous de la campagne et la personnalité des candidats. Rencontre, le 10 février, dans le bureau de Jean Lassalle.

Jean Lassalle

Le rendez-vous pouvait sembler improbable : faire parler Jean Lassalle et son accent rocailleux du Béarn, des problématiques ultramarines dans la campagne présidentielle. Ne pas se fier aux apparences, le grand homme insiste, cet entretien lui tient très à cœur. Lui qui se fait le porte-parole de "la France des périphéries et des oubliés" parle de "ces petits bouts de France" de façon impressionniste, mais avec une certaine tendresse.

On s’installe dans son bureau situé dans une annexe de l’Assemblée nationale dédiée aux députés non-inscrits. Jean Lassalle raconte comment il s’est brouillé avec Bayrou, son copain d’enfance, eux qui rêvaient tous les deux de devenir président de la République. Comment, sans le sou, il est parti au Japon pour essayer de sauver une usine du coin, avec une danseuse qui s’est retrouvée nue sur la table, ce qui "n’était pas du tout prévu au programme".

Un certain esprit d'indépendance 

L’heure tourne et les verts pâturages pyrénéens nous éloignent un peu du bleu outre-mer. "Vous en avez pour combien de temps ?", m’interroge son collaborateur. C’est bien normal, l’emploi du temps d’un candidat est certainement surchargé. Jean Lassalle ne laisse pas le temps de répondre : "Mon garçon, on ne demande jamais cela à des gens que l’on reçoit. Même si cela doit durer mille ans."

J’essaye un premier "Allez, on va démarrer l’entretien…" Mais le voilà qui décroche son téléphone et appelle Nicole Sanquer, députée de la Polynésie française, qui, décalage horaire oblige, en est au petit-déjeuner.

Il veut prendre la température et cherche à savoir si là-bas aussi, on a le sentiment d’être abandonné. Jean laisse Nicole terminer ses tartines en évoquant leur esprit commun d’indépendance.

"Allez, on va démarrer l’entretien…" Mais Jean Lassalle a un petit creux. Il lui faut un yaourt.

Jean Lassalle parle du lien à la terre, qui le relie aux Ultramarins, de sa volonté de leur redonner leur fierté, en valorisant leur culture et identité, évoque cette France qui ne s’est pas toujours bien comportée à leur égard, songe à faire une maison de l’Homme, pourquoi pas en Guyane. Pas un musée, comme à Paris, mais une maison, plus chaleureuse.

Un député authentique 

Fin de l’entretien. Voit-il des choses à ajouter ? Non. Enfin, peut-être que oui. Il se demande s’il n’a pas été trop abstrait. Peut-être aurait-il dû parler concret, lui qui est aussi hydraulicien ? Pardi, l’adduction en eau potable est "le" sujet du moment en Guadeloupe ! Tant pis pour cette fois. "Vous voulez quelque chose à manger ? Une banane ?"  Un peu de fermeté, sinon il y a des chances pour que la soirée se termine à l’écouter refaire le monde à deux heures du matin au fond d’un restaurant. "Vraiment, on va devoir y aller…" Le voilà qui farfouille dans son armoire et dépose sur son bureau trois de ses ouvrages. On ne comprend pas bien. Il nous demande nos prénoms, et nos noms et nous dédicace ses trois livres.

"Allez, vraiment c’est adorable mais on va y aller. En plus, il y a votre débat qui vous attend sur France Info."

-Je vous raccompagne !

- Mais on est garés un peu loin…

C’est pas grave, ça lui fera prendre l’air. Sa grande carcasse semblait recroquevillée dans son petit bureau. A l’air libre, ses grands bras se déploient. On le sent heureux de respirer l’air frais en faisant battre ses grandes narines.

A l’heure tardive, un groupe de jeunes femmes stationne encore devant l’Assemblée nationale. "Bonjour, mesdames !", s’exclame-t-il. Elles lui répondent doucement et poliment et le voilà qui leur distribue sa carte de visite.

Quelques mètres plus loin, une jeune femme n’en croit pas ses yeux. Elle vient de croiser Jean Lassalle, là, en plein Paris ! Impossible de le laisser partir. Elle fait demi-tour, l’interpelle et lui demande un selfie. Il se plie bien volontiers à l’exercice.

Il est authentique, Jean Lassalle, et c’est tout ce qui fait son charme politique.

Chemin faisant, il s’interroge tout de même. Il aimerait percer ce mystère. Tout le monde l’aime. Il y a quelques années, il a été désigné comme le député le plus populaire de France. Et pourtant, les sondages lui donnent rarement plus de 1%. Quoique. Ce mercredi, un sondage lui donne 2% d’intentions de vote. Il a doublé son score ! En plus, il fait mieux qu’Anne Hidalgo ! "Dans un seul sondage", relativise un membre de l’équipe de Jean Lassalle. Toujours les pieds sur terre.