Quelques larmes, des sourires et des étreintes. Olivier Dubois, otage pendant près de deux ans de jihadistes au Mali, a atterri en France mardi et retrouvé ses proches, déclarant à l'AFP ne jamais avoir été maltraité au cours de ses 711 jours de détention.
Libéré la veille à Niamey, au Niger, avec l'otage américain Jeffery Woodke, 61 ans, retenu pour sa part pendant plus de six ans, le journaliste a été accueilli peu après midi par ses proches et par le président Emmanuel Macron sur la base aérienne de Villacoublay, au sud-ouest de la capitale.
Vêtu d'un tee-shirt à manches longues et d'un pantalon noir, une sacoche en bandoulière, il est apparu très souriant après cinq heures de voyage depuis Niamey. Le Martiniquais a retrouvé dans la foulée sa femme et ses enfants avant de s'entretenir quelques minutes avec le chef de l'Etat.
Hier, je n'y croyais pas quand je suis arrivé à l'aéroport (de Niamey) et je commence à réaliser petit à petit. Là, ça y est, j'ai vu ma famille.
Olivier Dubois
"Il y a eu des épisodes difficiles. Mais je tiens à dire que je n'ai pas été maltraité, ni humilié ni frappé ni quoi que ce soit", a déclaré le journaliste peu après avoir atterri sur la base aérienne de Villacoublay, au sud-ouest de Paris. "Il y a eu des moments difficiles mais pas physiques comme certains ont pu le vivre", a-t-il ajouté en évoquant notamment Jeffery Woodke, qu'il a dit avoir rencontré seulement deux jours avant sa libération.
Olivier Dubois avait été kidnappé le 8 avril 2021 à Gao, dans le nord du Mali, par le GSIM, principale alliance jihadiste au Sahel liée à Al-Qaïda. Il collaborait notamment avec le quotidien Libération et le magazine Le Point et vivait au Mali depuis 2015.
"Immense soulagement"
Le reporter de 48 ans était le dernier Français connu comme retenu en otage par une organisation autre qu'un État. "J'ai été au courant de ma libération le 7 mars", a-t-il expliqué. Le 16, des hommes l'ont emmené en moto puis en pick-up "dans ce que j'appelle le sas", sous un arbre, dans "la région de Kidal", où il a attendu sa libération.
Lundi, le président Macron avait exprimé son "immense soulagement" et témoigné de sa "grande reconnaissance au Niger". Les circonstances de la libération des deux hommes restent pour l'heure inconnues alors que les relations entre la France et la junte au pouvoir au Mali se sont considérablement détériorées. Paris a notamment retiré la totalité des soldats qui y étaient déployés dans le cadre de l'opération antijihadiste Barkhane. "Je sais que le Niger est impliqué, les services français aussi", a seulement affirmé Olivier Dubois.
"Ce qu'on nous a toujours dit, c'est que la dégradation des relations franco-maliennes n'entachaient pas les espoirs de libération", a commenté mardi Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières (RSF). "Ses conditions étaient par nature rudimentaires mais (...) il était arrivé à obtenir des conditions satisfaisantes" en détention, a-t-il ajouté, précisant ne pas savoir "pourquoi il a été libéré ni pourquoi maintenant".
Niamey n'a pour l'heure fait aucun commentaire sur son rôle. "Les otages ont été récupérés sains et saufs par les autorités nigériennes avant d'être remis aux autorités françaises et américaines", a simplement déclaré lundi à l'aéroport le ministre nigérien de l'Intérieur Hamadou Souley.
"Cauchemar terminé"
Pendant ses 711 jours de détention, seules deux vidéos d'Olivier Dubois avaient été publiées sur les réseaux sociaux. Le reporter a indiqué avoir changé de lieu de détention toutes les deux à quatre semaines. "On aime bien quand on ne bouge pas (...), ça donne plus de confort, a-t-il expliqué.
"C'est juste incroyable, c'est quelque chose qu'on attendait depuis deux ans. Pour lui le cauchemar est terminé, et pour sa famille aussi. Il va pouvoir reprendre sa vie, même si ce sera difficile pour lui d'oublier ça", avait déclaré à l'AFP lundi sa soeur, Canèle Bernard. "Nous sommes tellement fiers de lui. C'est un moment aussi de souvenirs pour nous, du métier de journaliste, correspondants locaux et internationaux, qui sont nos yeux et nos oreilles", a commenté de son côté Dov Alfon, directeur du quotidien Libération.
Le Mali, comme ses voisins le Niger et le Burkina Faso, traverse une grave crise sécuritaire avec des attaques jihadistes récurrentes. Les enlèvements sont l'un des graves dangers encourus par les journalistes et les humanitaires, locaux comme étrangers, au Sahel. Deux employés de la branche malienne du Comité international de la Croix-Rouge kidnappés entre Gao et Kidal, dans le nord du Mali il y a deux semaines, avaient été libérés dimanche soir.
Au moins trois otages occidentaux sont encore détenus au Sahel: le chirurgien australien Arthur Kenneth Elliott, enlevé le 15 janvier 2016, et l'officier de sécurité roumain Iulian Ghergut, enlevé le 4 avril 2015, tous deux au Burkina Faso. Un religieux allemand, le père Hans-Joachim Lohre, dont on est sans nouvelles depuis novembre 2022, est considéré comme ayant été enlevé au Mali.