Bras-Panon, c’est dans cette commune rurale de l’Est de La Réunion, coincée entre Saint-Benoit et Saint-André que Jean-Hugues Ratenon grandit dans une fratrie de sept frères et sœurs. Le père de famille travaille dans les champs de canne à sucre, la mère s’occupe de la maison. La vie est rude, mais joyeuse aussi.
1 Une grand-mère engagée
Jean-Hugues Ratenon ne sait pas à qui il doit son prénom, mais il ne l’aime pas trop. "C’est un peu long, c’est la lenteur, alors que moi, je suis speed", dit-il dans #MaParole. À la maison, on ne parle que créole. A l'époque, les instituteurs n’autorisent pas les enfants à répondre en créole, déplore Jean-Hugues Ratenon. Malgré tout, à l'école, ajoute-t-il, "on était sûr d’avoir un repas complet, ce qui soulageait les familles". Sur le plan scolaire, le futur député aime les mathématiques, beaucoup moins le français.
Jean-Hugues Ratenon se dit marqué par l’histoire de ses grands-parents maternels, des engagés tamouls arrivés dans les années 30 pour travailler dans les champs de canne à sucre. Après la fin de l’esclavage à La Réunion, les gros planteurs font appel à de la main d’œuvre étrangère corvéable à merci : les engagés. Les grands-parents de Jean-Hugues Ratenon s'inscrivent dans cette histoire quand ils quittent l’île de Rodrigues pour La Réunion. Mais pour son grand-père, ce départ prend un tour encore plus tragique. À La Réunion, il disparaît. Des années plus tard, Jean-Hugues Ratenon comprend que son grand-père a été renvoyé à Maurice et assassiné là-bas. De son côté, sa grand-mère, qui a trimé dans les champs de canne, n’a jamais souhaité raconter son histoire. Dans #MaParole, le député se souvient de sa forte personnalité. Elle est décédée en 2015 à l’âge de 107 ans, apatride.
À Saint-André, Jean-Hugues Ratenon suit des études de CAP d’électrotechnique au lycée professionnel Jean Perrin. Il y mène son premier combat en lançant une grève contre la fin de la gratuité de la cantine. Il se retrouve alors en Une du journal communiste Témoignages à l’âge de 16 ans.
2 Militantisme
Après deux ans d’études à l’école EDF du Port, Jean-Hugues Ratenon effectue son service militaire à Saint-Pierre. À l’armée, fidèle à lui-même, il fait savoir quand il n’est pas d’accord. Il quitte ensuite La Réunion pour Bourg-en-Bresse où il va se former en système de froid et en climatisation. Il ne se plait pas et décide de rentrer au bout de deux ans, même si en France "c’était très facile de trouver du travail". De retour à La Réunion, il pointe au chômage, déprime un peu, puis décide de fonder l’association des chômeurs panonnais (le nom des habitants de Bras-Panon). Commencent alors de longues années de militantisme associatif émaillées de campagnes électorales non couronnées de succès.
En 2002, il interpelle par écrit chaque candidat se présentant à l’élection présidentielle. Une fois Jacques Chirac réélu président, son gouvernement décide de mettre fin aux emplois jeunes créés par le gouvernement Jospin dans le but de faire baisser le chômage des jeunes. Cette mesure révolte Jean-Hugues Ratenon qui n’hésite pas à interpeller le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin en visite sur l’île. Il bénéficie alors de l’aide de Paul Vergès, le président communiste de la région Réunion de 1998 à 2010 qu'il considère comme son mentor.
Puis en 2009, le futur député s’illustre dans la lutte contre la vie chère au sein du COSPAR (le Collectif des organisations syndicales et politiques de La Réunion). Un mouvement qui permet la mise en place d’une prime salariale et aide à l’instauration du RSTA (Revenu Supplémentaire Temporaire d’Activité) à La Réunion.
3 Député de La Réunion
Jean-Hugues Ratenon se présente en 1995 et en 2001 aux élections municipales de Bras-Panon, sans succès. Il fait campagne aux élections régionales et cantonales, toujours sans succès. En 2008, il est élu conseiller municipal de Bras-Panon. Son premier mandat, enfin ! En 2010, il entre au Parti communiste réunionnais qu’il avait soigneusement évité de rejoindre. Il n’est encarté que durant une seule année au PCR.
Après le mouvement du COSPAR contre la vie chère, il s’attaque à la hausse du prix du gaz et des carburants en 2011. Il organise des opérations coup de poing et un appel au boycott des stations Total. En 2012 puis en 2013, il lance un boycott de la grande distribution à La Réunion, sans grand écho.
Il continue à se présenter à des élections, notamment aux législatives de 2012 dans la 5e circonscription, encore sans succès. Sa mère, sa femme et ses enfants suivent de près ses combats politiques, en sont "fiers", mais lui suggèrent de renoncer.
Arrive le fameux 18 juin 2017, à presque 50 ans, Jean-Hugues Ratenon est élu député de La Réunion sous les couleurs de son parti Rezistans Egalité 974. Au début, il n’a pas de quoi se payer le billet d’avion, puis se sent un peu perdu à l’Assemblée nationale. Mais très vite, il prend le rythme. À l’Assemblée, il siège avec la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, dont il se sent proche. "C’est quelqu’un qui protège son entourage", dit-il. Au cours de son premier mandat, il monte à la tribune avec un gilet jaune. Son action provoque une suspension de séance dont il se déclare très fier dans #MaParole.
En 2022, il se représente aux élections législatives et se fait réélire avec notamment le soutien du maire de la Plaine des Palmistes, Johnny Payet, qui est désormais le représentant du Rassemblement national sur l'île. À La Réunion, il n’appelle pas à voter Emmanuel Macron contre Marine Le Pen.
Récemment, au cours du débat sur la réforme des retraites, il n’hésite pas sur les réseaux sociaux à afficher la photo et les noms de quatre sénateurs de La Réunion en le traitant de "traitres", car ils ont voté pour la réforme des retraites. Jean-Hugues Ratenon s'explique dans #MaParole en déclarant surtout qu'il "n’aime pas le flou".
♦♦ Jean-Hugues Ratenon en 5 dates ♦♦♦
►25 juin 1967
Naissance à Saint-Benoit (La Réunion)
►21 février 2003
Interpelle le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin en visite sur l’île
►16 mars 2008
Élu conseiller municipal à Bras-Panon
►18 juin 2017
Élu député à l’Assemblée nationale
►19 juin 2022
Réélection en tant que député