Jean-Louis Roiseux, ethnographe et sculpteur, collecteur d'Art Kanak

Dans les années 70 Jean-Louis Roiseux effectue de nombreux voyages d'études dans le pacifique, en Papouasie puis en Nouvelle-Calédonie. Peu à peu il collecte des objets délaissés ou promis à la destruction.

Le sculpteur, Jean-Louis Roiseux est aussi ethnographe et un spécialiste des arts non-occidentaux... En 1960 le jeune sculpteur, tout juste sorti de l'école Boule et des Arts Décoratifs, est incité par un de ses professeurs à découvrir la sculpture du Pacifique.

Il décide alors de partir en Papouasie Nouvelle-Guinée pour un séjour de plusieurs mois. Pour lui c'est un choc, une découverte qui le marquera pour sa vie entière.

Sur les bords des rivières Sépik et Mabrik, il étudie la sculpture, les formes, les textures et les techniques utilisées pour la fabrication des objets et des masques, ainsi que les rites des différentes tribus. Il sera même initié.

A l'époque je voyageais pour étudier, je ramenais très peu d'objet, deux ou trois par voyage, mais je ne collectais pas. C'est en 1966 que j'ai commencé à collecter des objets papous parce que là je savais que tout allait être détruit. J'ai assisté à une destruction qui était un énorme feu. Un curé avait demandé aux gens d'apporter les objets, les boucliers, les fétiches...et quand je suis arrivé il y avait un énorme tas de braise qui faisait 7 mètres de diamètre. Voilà comment on coupait les gens de leurs traditions et de leurs vies, pour qu'ils abandonnent leurs rituels et leurs traditions.


Il voyage ensuite aux Iles Salomon, aux Iles Vanuatu, au Congo, au Gabon, en Inde...

C'était des voyages qui duraient longtemps, un an minimum, j'étudiais et je collectais parcimonieusement pour sauver ces objets, ce qui était le plus représentatif de l'analyse des styles de sculpture, ce qui était le plus parlant...


En 1971 à la demande d'un Suisse qui veut créer un musée, il entreprend un autre voyage en Papouasie Nouvelle-Guinée. Il fait escale en Nouvelle-Calédonie, ou il rencontre plusieurs personnes qui lui parlent des objets kanak. 

Ils m'ont dit qu'il y avait plein d'objets en brousse à sauver, abandonnés depuis plusieurs décennies.
Parce que dans le rituel quand un chef décède, on laisse sa case s'effondrer et les objets disparaîssent, retournent à la terre en somme... A Poindimié, J'ai rencontré le chef Baptiste qui a très bien compris la démarche et il m'a introduit auprès des autres chèferies, de Houaïlaou, de Hienghène. A un moment, au bout de six mois que j'étais là bas, le chef Baptiste a commencé à me dire : là il y a ça...tu l'emmènes...bien sûr je les payais les objets... Les chefs avaient très bien compris que la mémoire de ces objets sculptés allait disparaître et qu'il fallait les protéger.


Jean-Louis Roiseux avec le fils du chef Baptiste à Poindimié en 1970.

Pendant de longs mois il rassemble des objets, principalement des flèches fétières et des appliques de portes.

Les choses étaient décidées après de longues palabres et avec l'accord de toute la chefferie.Ce n'est pas moi qui décidais quel objet je pouvais emporter. Il fallait être très patient. Le chef Baptiste ou le chef du village concerné venait avec moi et là c'était des surprises, l'objet abandonné en brousse, retourné face contre terre et au moment ou vous le retournez vous découvrez un chef d'oeuvre.


A l'issue de son séjour, il confie la totalité des objets à son commanditaire afin de les exposer dans un musée. Finalement, le musée ne se fait pas et en 2015 les objets kanak collectés par Jean-Louis Roiseux réapparaissent... Une première vente qui devait se faire à Bâle est annulée car les autorités calédoniennes contestent la manière dont ces pièces sont sorties du territoire.

Un an plus tard et après différentes procédures judiciaires une nouvelle vente est organisée à Paris. Jean-Louis Roiseux est présent, c'est la première fois qu'il revoit ces objets depuis leurs mises en caisses avant de quitter la Nouvelle-Calédonie.


J'étais très ému de revoir ces objets, cela me ramenait des années en arrière à l'époque de ma jeunesse et des amis que j'avais là bas. Ce sont vraiment de très belles pièces...


Après ce séjour en Nouvelle-Calédonie, Jean-Louis Roiseux rentre en France ou il travaillera pour des galeristes, notamment avec Jacques Kerchache, l'un des initiateurs du Pavillon des Cessions avec l'entrée de ces objets non-occidentaux au musée du Louvre en 2000.

Aujourd'hui dans sa maison de Bourgogne, entre des expositions de ses sculptures et des conseils en expertises, il vit entouré d'objets et de souvenirs.

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