Après les larmes, le large sourire d’Émilie Andéol illumine la Carioca Arena 2 de Rio. La judokate hurle de joie et envoie ses poings en l'air. Ce 12 août 2016, elle participe pour la première fois aux Jeux Olympiques. Jamais citée parmi les favorites, Emilie créée la surprise. Elle détrône la tenante du titre, la Cubaine Idalys Ortiz. La Française a enchaîné une immobilisation de 20 longues secondes à terre durant les prolongations, à l’issue d’un fauchage extérieur. Habitée par une force, la Martiniquaise plante toute sa fougue sur les 95 kilos d’Ortiz. " C’est comme si je pouvais marcher sur l’eau ", confiait-elle au quotidien Ouest-France. Le combat a été âprement disputé sur les tatamis de l’Arena. Ortiz, la légende de la catégorie des + de 78kg, double championne du monde 2013, 2014 et championne olympique à Londres, réussit à contrer toutes ses attaques dans le temps réglementaire. Un an auparavant, au mondial, la double championne d'Europe a été battue en demi-finale par la Cubaine. Ippon ! (Ce terme japonais désigne le nombre de points le plus élevé qui donne la victoire immédiate au judoka qui l'exécute) ! L’arbitre annonce le triomphe de l’Antillaise en finale. Sa maman Jeannette, son frère aîné Michaël, et son premier entraîneur de judo au club de Marcheprime, Bertrand Becerro exultent dans les gradins.
Incrédule, elle doute de sa consécration. Elle se rassoit naturellement à sa place après la finale sans aucune émotion. Son entraîneur sidéré lui confirme et lui chuchote : " Emilie, tu es Championne Olympique. " Elle éclate en sanglots. Elle devient la première française à décrocher l'or olympique de la catégorie la plus lourde du judo féminin.
Trois de ses quatre combats du jour se sont terminés en prolongation
Dans la chambre d’appel, à quelques minutes de son combat, Emilie fond en larmes. Ses débuts sont laborieux face à la Mexicaine Zambotti, un gabarit de 125 kg. Elle passe tout près de la sortie. Du haut de son mètre 70 pour 97 kg, la Martiniquaise triomphe au Golden score (les prolongations) face à la première adversaire du jour. Elle a tout donné, éprouvée, elle sort en pleurs. Son entraîneur Christophe Massina¸ aux commandes depuis une dizaine d’années, ne la ménage pas et la motive.
Au deuxième tour, elle affronte la Tunisienne Nihel Cheikh Rouhou, un poids léger de 78 kg. Elle a toujours perdu face à la Maghrébine. Durant deux mois, elle a visionné ses combats et analysé tous ses gestes techniques. Avec son entraîneur, elle établit un schéma. Émilie la surprend tactiquement et gagne son duel.
En demi-finale, déterminée, elle rentre dans l’arène Carioca. Son énergie séduit le public. Les spectateurs prennent fait et cause pour elle. Elle réalise un fauchage intérieur. Puis elle renverse sur le dos Song Yu la Chinoise de 128 kg, ippon ! Elle bat à la surprise générale la championne du monde en titre. La Martiniquaise est en finale. Une journée couronnée par le sacre olympique.
L’accomplissement d’une athlète qui ne semblait pas prédestinée au sommet de l’Olympe
Émilie n’a jamais souhaité pratiquer du sport de haut niveau. Sa mère l’inscrit au club de sa commune de Marcheprime, dans la région de Bordeaux. À l’âge de 5 ans, elle fait ses premières roulades sur les tatamis. La gamine combat régulièrement contre des garçons. À 17 ans, elle prend la direction de la capitale et de l’INSEP, l’institut national du sport. Elle porte désormais les couleurs du Red Star Champigny. La judokate concilie études et carrière sportive.
Mais en 2008, elle tombe en dépression. Faute de résultat, elle est menacée d’exclusion de l’INSEP. Et de surcroît, atteinte d’un cancer de la thyroïde, elle subit une opération chirurgicale. Elle touche le fond. Elle remonte la pente et se relève. Elle s’acharne au travail, se muscle. Elle décroche la 3ème place aux mondiaux de 2014. Émilie est sacrée championne d'Europe la même année à Montpellier, en présence de toute sa famille. Aux JO de Rio, Andéol et Riner rapportent les seules médailles d’or du judo français. La Martiniquaise partage avec Teddy Riner le trophée de "champion des champions" France pour l'année 2016 décerné par l’Equipe, le quotidien sportif. Elle prend sa revanche, elle marque de son empreinte le mur du dojo de l'INSEP qui regroupe les grands champions du judo français.
Deux ans jour pour jour après son sacre aux Jeux olympiques, le 12 août 2018, la judokate annonce sa retraite sportive. Elle souffre d'arthrose avancée aux genoux. Bac, DUT techniques de commercialisation, licence management des organisations, professorat de judo, en poche, elle repart en Gironde aux côtés de ses proches. Malgré ses multiples diplômes et douze années de haut niveau en judo, elle connaît une période de chômage. Elle pousse publiquement un cri du cœur : "Parfois, je regrette d'avoir été championne olympique, la chute aurait été moins dure." Quelques semaines plus tard, elle trouve un emploi chez Ippon Technologie dans le secteur de la formation et commente notamment les épreuves de judo sur France Télévisions lors des JO.
Écoutez Emilie Andéol, elle revient sur son sacre olympique