Faire le portrait de Raphaël Mohamed pour La 1ère oblige à commencer par ça. "Ah, la fameuse question qui fâche…" Pourtant, l'athlète en sourit. Il sait ce qui l'attend : est-il le plus réunionnais des Mahorais ou le plus mahorais des Réunionnais ? "Cela n'a rien de secret : je suis né et j'ai grandi à La Réunion. Même si ma mère est mahoraise, je suis plus réunionnais que mahorais." Attention, le "mais" avec un M majuscule déboule très vite. "Je suis licencié au Racing Club de Mamoudzou depuis deux ans. Mon club m'aide énormément. Tout comme le département de Mayotte qui m'accompagne dans toute ma préparation. J'ai une grande reconnaissance envers eux. Je suis donc AUSSI mahorais et très fier de l'être."
Intégrer le Top 3 français
Depuis un demi-siècle, l'athlétisme français a une sacrée culture du 110 mètres haies. Les champions n'ont jamais manqué. "Dans notre pays, la densité d'athlètes au top niveau se révèle juste incroyable. Pour l'instant, je me classe entre la cinquième et la sixième place nationale. Or, les JO de Paris ne sélectionneront que les trois meilleurs." Conclusion : Raphaël doit encore progresser. "Je suis là pour ça et je travaille dans cette optique. Je vais me battre jusqu'au bout afin de faire partie du Top 3 qui ira au Stade de France."
Basé depuis cinq ans au CREPS de Poitiers, le hurdleur s'entraîne loin de toute pression médiatique. Un véritable atout. "Je suis comme un outsider. On ne me voit pas arriver. Du coup, je compte bien créer la surprise !" Fabien Lambolez, son entraîneur, partage l'optimisme de Raphaël Mohamed. Son athlète doit simplement croire en ses capacités : "Techniquement, il a tout pour se mêler aux meilleurs hurdleurs français. Il lui manque juste une course référence et des performances à la fois solides et répétées."
Réaliser les minimas
Pour participer aux JO de Paris 2024, intégrer le Top 3 tricolore n'est que la condition numéro 2. La première est de réaliser les fameux minimas. En l'occurrence, 13 secondes 27 sur l'épreuve du 110 mètres haies. Une marche supplémentaire à franchir pour Raphaël Mohamed. "J'y pense. Forcément. Mon record est à 13 secondes 49. À moi de passer ce cap. Avant de confirmer aux championnats de France en montant sur le podium. Car le rendez-vous des France sera notre juge de paix. Ceci étant, je ne me focalise pas sur mes chronos qui doivent baisser. Je ne ressens aucun blocage psychologique dans ce domaine."
Le Mahorais (et Réunionnais de cœur) l'a dit et répété : il compte sur son étiquette d'outsider pour surprendre les ténors de sa discipline. Que ce soit l'été prochain ou dans quatre ans à Los Angeles. "En 2028, je serai forcément mieux préparé. Plus les années passent et plus je sens que je progresse. À l'occasion des Jeux de Los Angeles, j'aurai trente ans et je pense que j'aurai atteint un niveau que même moi, je ne pensais pas atteindre un jour."
Fort également dans la tête
Depuis peu, Raphaël Mohamed travaille avec un préparateur mental. Histoire de se donner toutes les armes possibles. "Je souffre d'un stress que je ne vois pas. Mon corps prend directement ce stress et peut parfois manquer de tonus avant les courses. Je travaille essentiellement là-dessus." Un travail applaudi des deux mains par Fabien Lambolez, son entraîneur : "Aujourd'hui, il ne suffit plus d'avoir des jambes extraordinaires ou un gabarit au top. Il faut aussi la tête. Savoir pourquoi on est là. Pourquoi on se positionne derrière les starts. Réfléchir à tout ça apporte une grosse part de la performance."
Dans l'agenda de Raphaël, l'entraînement mental a désormais une place reconnue. Légitime. Assumée. Sans tabou. "Auparavant, lorsqu'on disait qu'on travaillait avec un préparateur mental, on était montré du doigt. On nous disait faible. Alors que c'est tout l'inverse." Heureusement, les choses ont évolué. Il a suffi que quelques grands noms montrent l'exemple. "Faire appel à quelqu'un pour travailler son mental n'a rien d'un aveu de faiblesse. Même Usain Bolt, le plus grand sprinteur au monde avait recours à un préparateur mental. C'est juste normal."