Mais comment fait-il ? Cette question est celle que l’on se pose spontanément en observant Alexandre Dällenbach au centre d’entrainement de Montelibretti, près de Rome, où il a choisi de vivre et de s’entrainer depuis plus d’un an.
Chaque jour, cet ancien triathlète franco-Suisse, viscéralement attaché à sa Réunion, enchaine les tours de piste, les longueurs dans le bassin, les sauts d’obstacles avec son fidèle cheval, avant d’affuter ses armes, son épée pour l’escrime et son pistolet pour le tir laser avec, depuis plus de dix, une seule cible dans son viseur : les Jeux olympiques de Paris.
Je commence parfois à six heures le matin par un entrainement de course à pied. Ensuite, il y a cinq autres entrainements et je cours à nouveau le soir. La journée se termine par l’escrime, jusqu’à 21 h 30, 22 heures.
Alexandre Dällenbach
Vingt ans de travail
Le pentathlon moderne requiert de nombreuses qualités : l’endurance pour la natation et la course à pied, la concentration et la précision pour le tir et l’escrime, la confiance et le calme pour l’équitation.
Depuis plus de dix ans, Alexandre jongle avec ces cinq disciplines avec parfois des moments de doutes, mais avec une motivation exceptionnelle qui aujourd’hui lui ouvre les portes du rendez-vous le plus important dans une carrière au plus haut niveau. "Pour moi c’est un rêve qui devient réalité, j’ai l’impression de prendre un rocher de 200 kg qui était sur mes épaules et de le balancer par terre et de me sentir plus léger. C’est 20 ans de travail qui arrive enfin à conclusion et ça fait du bien" affirme-t-il.
Les deux femmes de sa vie
La force d’Alexandre, il faut d’abord aller la chercher auprès de sa maman, à La Réunion.
Ma maman, c’est ma source d’inspiration. À 31 ans, elle s’est fait renverser par une moto et une tige de métal a traversé son cerveau de part en part. Elle est restée dans le coma pendant trois mois et quand elle en est sortie, elle était dans un état végétatif et considérée comme handicapé à 100 %.
Alexandre Dällenbach
La suite tient du miracle. Un médecin conseille à Alain Dällenbach, le mari de Chantal et père d’Alexandre, la course à pied comme thérapie. Chantal part faire un footing d’une dizaine de minutes et lorsqu’elle est revenue, elle était capable de dire un mot. "Du coup, elle s’est mise à courir tous les jours. Un an et demi plus tard, elle s’est qualifiée pour les jeux olympiques d’Atlanta en 1996 ", indique avec émotion Alexandre.
Il ajoute que "quand la vie devient difficile, je me dis qu’une tige de métal ne m’a pas traversé le cerveau. Dans la vie, on a le droit de mettre un genou à terre, mais ce qui est important, c'est de se relever, d’avancer et de mettre un pas l’un devant l’autre".
Chantal Dällenbach ne cache pas son immense fierté de voir son fils se qualifier, lui aussi, pour les Jeux olympiques. Au mois d’août, elle sera là, à ses côtés, pour l’encourager et sans doute lui donner aussi quelques conseils. "Quand il m’a dit qu’il voulait partir de La Réunion pour aller s’entrainer en Italie, je l’ai encouragé. Il n’aurait pas réussi sa qualification s’il était resté ici. La Réunion, c'est très bien pour se préparer, mais il faut savoir partir", indique Chantal Dällenbach.
Sa force, Alexandre la puise également auprès d’une autre femme, celle qui partage sa vie. Mélanie, elle aussi Réunionnaise, présente depuis dix ans à ses côtés et il n’a pas de mots assez forts pour lui prouver son immense reconnaissance. "Il fallait avoir quelqu’un d’extraordinaire pour ce rêve extraordinaire et j’ai eu la chance et la bénédiction de rencontrer ma femme, elle m’a fait quatre enfants merveilleux et sans elle, aujourd’hui, je ne serai pas au JO, c’est grâce à elle toute cette histoire" affirme Alexandre.
"J’ai toujours cru en lui, je lui ai toujours dit de ne jamais abandonner. J’ai bien vu la passion, le cœur qu’il met dans ce projet depuis que je le connais. Le sport, c'est vraiment très fort, c’est dans son sang", ajoute Mélanie.
Tout est possible
Fort de ses deux soutiens, Alexandre s’appuie également sur ses quatre enfants. "Il faut être capable de monter sur la piste et de mettre cette agressivité saine pour la victoire, puis rentrer à la maison et revenir sur soi-même, calme. Je ne peux pas me permettre de jeter mon masque et de m’énerver parce que j’ai perdu. Si je ne suis pas capable de bien me comporter sur la piste d’athlétisme ou d’escrime, alors je ne suis pas capable de gérer mes enfants. Ils sont mes préparateurs mentaux", dit Alexandre en souriant.
Encore quelques semaines et les dés seront jetés. Alexandre est prêt à donner le meilleur de lui-même et plus encore pour réussir ses Jeux.
J’aimerais aller au bout de mes capacités, donner le meilleur de moi-même et découvrir ce dont je suis capable mentalement et physiquement, de dépasser mes limites. Et si à la fin de l’histoire, j'ai une médaille d’or au cou, je signe tout de suite.
Alexandre Dällenbach
À Paris, Alexandre portera les couleurs de la Suisse, le pays de son père. Un choix opéré depuis sa plus tendre enfance. Alexandre ne s’en formalise pas. Il se sent autant Suisse que Français à une nuance près tout de même, son pays, c’est La Réunion. Le Port où il est né, où il a grandi et où il reviendra.